Question de M. WATRIN Dominique (Pas-de-Calais - CRC) publiée le 15/02/2012

Question posée en séance publique le 14/02/2012

Concerne le thème : Indemnisation des victimes de maladies et d'accidents professionnels

M. Dominique Watrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite revenir sur le sujet de l'amiante et associer à ma question ma collègue sénatrice du Nord, Michelle Demessine, qui, comme moi, est mobilisée aux côtés des victimes.

Il faut dire que notre région, le Nord – Pas-de-Calais, est, malheureusement, particulièrement concernée : sur ce territoire, tout le monde connaît au moins un proche concerné par l'amiante et les cancers qu'il provoque. Les victimes subissent ce poison dans leur corps et dans leur âme. Des salariés meurent chaque année du fait de leur travail parce que les lobbies patronaux ont retardé l'interdiction de l'amiante jusqu'en 1976, alors que ses effets nocifs étaient connus depuis 1905. Telle est la réalité !

S'il est impossible de revenir sur le passé, il importe aujourd'hui que les personnes concernées soient indemnisées dans les meilleures conditions ; c'est d'ailleurs la raison même de l'existence du FIVA.

C'est aussi pourquoi les victimes et les associations ne peuvent comprendre ni les décisions rendues par la cour d'appel de Douai ni les actions en remboursement engagées par le FIVA. Cette situation est d'autant plus incompréhensible que les actions récursoires que devrait logiquement engager le FIVA contre les employeurs ne sont que trop rares. Or comment ne pas faire le lien entre l'évolution à la baisse des indemnités versées aux victimes par le Fonds et le manque de dynamisme dans les actions engagées à l'encontre des employeurs ? Le sentiment que le Fonds applique deux poids et deux mesures suscite, à juste titre, la colère des victimes, qui sont également attentives à ce qui se passe en Italie.

Monsieur le ministre, vous venez de rappeler que vous avez demandé à la direction du FIVA un examen des dossiers au cas par cas. Si cette démarche constitue un premier pas dans la prise en compte des souffrances des victimes, elle n'est pourtant pas suffisante. La preuve en est : peu après votre annonce, le FIVA déposait de nouveaux recours.

Ma question est donc double et s'adresse à vous en tant que ministre de tutelle du FIVA.

Premièrement, quand allez-vous enfin demander au FIVA qu'il renonce aux actions en cours, ainsi qu'à celles qu'il pourrait engager, et qu'il adopte le principe d'une remise gracieuse au bénéfice des victimes déjà condamnées, seul moyen de régler le problème d'une manière humaine ?

Deuxièmement, qu'entendez-vous faire pour que le FIVA se retourne désormais plus régulièrement et avec plus de détermination contre les employeurs qui sont les vrais responsables de la situation que vivent les malades ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme Cécile Cukierman. Très bien !

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi et de la santé publiée le 15/02/2012

Réponse apportée en séance publique le 14/02/2012

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez parlé des actions récursoires du FIVA contre les entreprises : sachez que 1 900 actions sont actuellement engagées, pour un montant de 26 millions d'euros par an. Je ne peux donc pas laisser dire que le FIVA n'engage pas d'actions récursoires !

Pour le reste, j'ai eu l'occasion de répondre, à l'Assemblée nationale, à une question d'actualité portant sur ce sujet. On m'a reproché d'outrepasser mon rôle en intervenant auprès du FIVA pour que tous les cas soient examinés individuellement.

Permettez-moi de vous faire observer qu'il faudrait également examiner comment ces personnes ont pu se retrouver dans une telle situation, car elles ont été accompagnées dans leurs démarches par des associations et ont eu recours aux services de conseils. Or elles se trouvent aujourd'hui dans une situation difficile. Aucun aspect du problème n'est donc à négliger.

Par ailleurs, quand vous dites que le FIVA aurait engagé des recours contre les victimes de l'amiante, il s'agit simplement de la notification des décisions de la Cour de cassation, comme je l'ai dit tout à l'heure, et de rien de plus !

J'ai eu l'occasion d'expliquer à des parlementaires appartenant à diverses sensibilités politiques, dont Mme Demessine faisait partie, que nous étudiions comment traiter au mieux ces dossiers : l'étalement du remboursement des doubles indemnisations et les recours gracieux ne sont ni impossibles ni interdits. C'est donc sur ces bases que nous travaillons aujourd'hui.

Pour le reste, vous ne pouvez pas faire l'économie d'un examen au cas par cas et le FIVA travaille dans cet état d'esprit. Je tiens à réaffirmer que ses membres ont les mêmes conceptions que moi - je crois même pouvoir dire : que nous - en la matière.

Enfin, s'agissant des actions récursoires, elles sont exercées à l'encontre des entreprises concernées, et c'est normal !

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour la réplique.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, nous entendons bien votre réponse : les situations doivent être examinées au cas par cas, la justice est indépendante et ses décisions doivent être respectées. Dans votre précédente réponse, vous avez évoqué les listes des entreprises reconnues comme ayant exposé leurs salariés à l'amiante, il me semble bien que ces listes sont désormais closes et que de nouvelles entreprises ne pourront pas y être inscrites.

En abordant la question des actions récursoires, mon groupe a souhaité relancer la discussion sur la responsabilité des employeurs et revenir sur la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, qui a reconnu le principe d'une indemnisation intégrale des préjudices subis par les victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors que la faute inexcusable de l'employeur est reconnue.

Monsieur le ministre, sans doute serait-il temps d'engager, de nouveau, une réflexion sur cette réparation intégrale, en revenant, il est vrai, sur la loi de 1898. Cette loi, en instituant une présomption de responsabilité de l'employeur, a permis d'instaurer ce régime d'indemnisation forfaitaire. Il me semble que, sans remettre en cause le principe de l'imputabilité de la faute à l'employeur, nous devrions engager une discussion pour aboutir, enfin, à une réparation intégrale des préjudices subis par l'ensemble des victimes du travail, non seulement celles de l'amiante, mais aussi celles d'autres maladies professionnelles.

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