Question de Mme ARCHIMBAUD Aline (Seine-Saint-Denis - ECOLO) publiée le 15/02/2012

Question posée en séance publique le 14/02/2012

Concerne le thème : Indemnisation des victimes de maladies et d'accidents professionnels

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a plus d'un siècle, la loi du 9 avril 1898 créait un régime spécial d'indemnisation des victimes d'accident du travail, élargi en 1919 aux maladies professionnelles, et constituant une énorme avancée pour tous les travailleurs, mais n'ouvrant droit qu'à une indemnisation forfaitaire, donc nécessairement partielle.

Entre-temps, le législateur a ouvert à toute une série de victimes, notamment les victimes d'accidents de la route ou d'erreurs médicales, le droit à une réparation intégrale, qui prend donc en compte tous les préjudices, de la perte de capacité aux pertes financières, en passant par la souffrance physique et morale, la perte de qualité de vie et le préjudice esthétique.

Notre système de réparation est donc profondément injuste pour les victimes du travail. Alors même que le Président de la République a fait de la « valeur travail » un credo, on ne peut demander aux travailleurs de s'engager toujours davantage et les laisser tomber quand ils paient cet engagement de leur santé et de leur vie : toutes les victimes du travail ont droit à une réparation intégrale de leurs préjudices.

Le 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel, par un revirement de jurisprudence, a enfin permis aux victimes du travail d'obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices, dès lors qu'elles font reconnaître la faute inexcusable de leur employeur. Mais, pour diverses raisons, l'application de cette jurisprudence se heurte, sur le terrain, à de nombreuses difficultés et, de toute manière, elle ne concerne que les cas dans lesquels la faute inexcusable de l'employeur peut être engagée, donc une trop faible part des victimes du travail.

De plus, les personnes malades, atteintes d'une incapacité grave, ou leur famille, doivent multiplier les démarches, mener des combats judiciaires longs et éprouvants, alors qu'elles sont déjà affaiblies physiquement et psychologiquement. Cette situation ne nous paraît pas normale et nous pensons que nous ne pouvons faire l'économie d'une révision de la loi de 1898, sur ce point comme sur d'autres, d'ailleurs.

Le législateur pourrait notamment intervenir pour exiger une réparation intégrale de tous les accidents du travail et des maladies professionnelles, ce qui simplifierait considérablement la vie des accidentés et des malades du travail, qui ont, eux aussi, droit à la sérénité et à la tranquillité. Monsieur le ministre, pourquoi n'avoir pas encore engagé une telle réforme ? (MM. Jean Desessard et Claude Jeannerot applaudissent.)

- page 1102


Réponse du Ministère du travail, de l'emploi et de la santé publiée le 15/02/2012

Réponse apportée en séance publique le 14/02/2012

M. Xavier Bertrand, ministre. Madame la sénatrice, tel est bien le sens de la mission confiée à Mme Ruellan, afin de proposer des modifications qui seront intégrées au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont vous aurez à débattre à la fin de l'année 2012.

Vous le savez, la demande d'une réparation intégrale des sinistres professionnels est récurrente de la part de nombreux acteurs et elle s'est évidemment avivée, vous avez eu raison de le souligner, depuis la décision rendue le 18 juin 2010 par le Conseil constitutionnel sur notre système de réparation.

Je tiens à préciser la portée de cette décision. Le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de l'indemnisation forfaitaire des accidents du travail et maladies professionnelles, en émettant une réserve : les victimes et leurs ayants droit peuvent s'adresser au tribunal pour demander à l'employeur, lorsque celui-ci a commis une faute inexcusable, la réparation des dommages que la sécurité sociale ne répare pas. Le Conseil constitutionnel, dans cette dernière hypothèse, reconnaît aux victimes le droit à réparation de tous leurs préjudices, mais ne leur ouvre pas droit à la réparation intégrale de chacun des préjudices. Je m'efforce d'être précis, parce que ce sujet est complexe, même si celles et ceux qui sont directement concernés feront la part des choses, car ils connaissent le sens de chacun de ces mots.

Vous le savez, l'État s'est engagé, avec la CNAM, dans la convention d'objectifs et de gestion pour les années 2009 à 2012, à entreprendre les travaux préalables nécessaires à une rénovation de la réparation des accidents du travail. Mme Rolande Ruellan, ancienne présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, a été désignée le 6 juin dernier pour diriger un groupe de travail qui s'est déjà réuni à trois reprises dans une formation limitée aux administrations et caisses de sécurité sociale intéressées. Ce groupe de travail sera étendu, en avril, aux partenaires sociaux et à la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, la FNATH, qui ont d'ores et déjà désigné leurs représentants, afin que ce travail ne prenne pas le moindre retard. (Mme Sophie Primas applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour la réplique.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse ; cela dit, j'ajouterai deux remarques.

D'une part, le groupe de travail auquel vous faites allusion n'est composé pour l'instant, selon nos informations, que de représentants de l'administration. Un certain nombre de partenaires sociaux qui avaient souhaité y être associés ne le sont pas et nous avons l'impression que ce travail s'engage très lentement, puisqu'ils n'ont reçu aucune information.

D'autre part, en ce qui concerne les réparations dues en cas de faute inexcusable de l'employeur, de multiples exemples montrent que, de fait, l'obtention d'une indemnisation intégrale est actuellement très aléatoire, car il est extrêmement difficile de savoir qui paie : les CPAM sont censées faire l'avance des frais, mais elles refusent de le faire pour la totalité de l'indemnisation ; il faut alors se retourner contre l'employeur, alors que les victimes, à ce stade, ont déjà derrière elles plusieurs années de procédure. J'y insiste donc : même quand la faute inexcusable de l'employeur est reconnue, il est extrêmement difficile d'obtenir que l'indemnisation intégrale soit appliquée.

- page 1103

Page mise à jour le