Question de M. FOUCAUD Thierry (Seine-Maritime - CRC) publiée le 09/02/2012

M. Thierry Foucaud interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur le devenir de l'enseignement professionnel public en Seine-Maritime.

L'annonce par le rectorat de l'académie de Rouen en date du 19 janvier 2012 de cesser dès la rentrée prochaine la formation qui prépare au baccalauréat professionnel « technicien de scierie » au lycée des métiers du bois et de l'éco-construction d'Envermeu, consterne l'ensemble de la communauté éducative, des professionnels de la filière bois, des acteurs de l'économie et des élus locaux. Cette décision fragiliserait la pérennité du lycée des métiers du bois en faisant passer ses effectifs en deçà des quotas préconisés par le ministère.

La filière du travail du bois est une réalité économique et sociale substantielle de la région Haute-Normandie. Une récente enquête de la chambre de commerce et d'industrie de Dieppe révèle que ce secteur est caractérisé par un effectif d'ouvriers qualifiés vieillissant qui nécessite durant dix ans, un renouvellement de main d'œuvre évalué à plus de 200 salariés par an pour le nord-ouest de la France. Or, ce lycée est le seul établissement public d'enseignement aux métiers du bois sur ce territoire, et il est unique en France par sa couverture de l'ensemble des formations de niveau V et IV dans cette spécialité.

De grandes inquiétudes préoccupent donc les chefs d'entreprises du secteur sur le devenir de leurs entreprises, et c'est aussi le cas de ceux qui veillent à la préservation d'une filière qui répond aux exigences du développement durable, puisqu'on trouve en Haute-Normandie toutes les activités du secteur, depuis sa source (les forêts couvrent un cinquième du territoire) jusqu'à toutes les formes de transformations, et ceci à la croisée des grands axes de communication européens. Enfin le lycée du bois d'Envermeu constitue une précieuse réponse pédagogique pour les jeunes élèves en rupture avec l'école sur un large rayon géographique.

La problématique de ce lycée n'est pas nouvelle ni isolée. Des menaces de même nature pèsent sur les lycées Pablo Neruda et de l'Emulation à Dieppe, Jean Rostand à Offranville, Georges Brassens à Neufchâtel-en-Bray… La liste est longue de ces établissements victimes des attaques répétées contre l'enseignement public professionnel.

Privatiser l'enseignement professionnel ne répondrait en rien à l'impérative nécessité d'une relance ambitieuse de l'offre de formation professionnelle sous statut scolaire. Voilà pourquoi il lui demande s'il compte reconsidérer les décisions de suppression de filières porteuses d'emplois telles que le bac professionnel « technicien de scierie » au lycée des métiers du bois d'Envermeu, et plus globalement s'il compte engager une véritable réflexion, collective et démocratique, visant à revaloriser l'enseignement professionnel public, et à en favoriser le développement.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la jeunesse et de la vie associative publiée le 22/02/2012

Réponse apportée en séance publique le 21/02/2012

M. Thierry Foucaud. Madame la secrétaire d'État, l'annonce par le rectorat de l'académie de Rouen de mettre un terme, dès la rentrée prochaine, à la formation qui prépare au baccalauréat professionnel « technicien de scierie » au sein du lycée des métiers du bois et de l'éco-construction d'Envermeu consterne l'ensemble de la communauté éducative, ainsi que les professionnels de la filière bois, les acteurs de l'économie et les élus locaux.

Cette décision fragiliserait la pérennité de l'établissement, en faisant passer ses effectifs en deçà des quotas préconisés par le ministère de l'éducation nationale. Or ce lycée est le seul établissement public d'enseignement aux métiers du bois sur ce territoire, et sa couverture de l'ensemble des formations de niveau V et de niveau IV dans cette spécialité le rend unique en France.

De grandes inquiétudes pèsent sur le devenir des entreprises du secteur qui représentent, en Haute-Normandie, toutes les formes d'activité, depuis la ressource forestière elle-même - les forêts y couvrent un cinquième du territoire ! - jusqu'aux différents modes de transformation du bois, et ce à la croisée des grands axes de communication européens.

Cette problématique n'est ni nouvelle ni isolée. Des menaces de même nature pèsent sur le lycée Pablo Neruda et le lycée L'Émulation dieppoise, à Dieppe, le lycée Jean Rostand, à Offranville, le lycée Georges Brassens, à Neufchâtel-en-Bray... La liste est longue des établissements victimes des attaques répétées contre l'enseignement public professionnel !

Privatiser l'enseignement professionnel ne répondrait en rien, selon nous, à l'impérative nécessité d'une relance ambitieuse de l'offre de formation professionnelle sous statut scolaire.

La décision que j'évoque devant vous a été prise en l'absence de toute concertation avec les acteurs de la filière, et intervient alors même que la deuxième scierie européenne de hêtre sort de terre aux Grandes Ventes.

Le ministre de l'éducation nationale compte-t-il reconsidérer, comme nous le souhaitons, les décisions de suppression de filières porteuses d'emplois, telles que le baccalauréat professionnel « technicien de scierie » du lycée des métiers du bois et de l'éco-construction d'Envermeu ? Compte-t-il, plus globalement, et comme les services du ministère s'y étaient engagés, mener une véritable réflexion collective et démocratique visant à revaloriser l'enseignement professionnel public, et à en favoriser le développement ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Je vous prie tout d'abord, monsieur le sénateur, de bien vouloir excuser Luc Chatel, qui ne peut être présent aujourd'hui au Sénat.

À la rentrée 2012, la réforme de la voie professionnelle arrivera à maturité et l'ensemble des élèves suivront une scolarité en trois ans, alors que coexistaient jusqu'à la rentrée 2011 des élèves ayant suivi des cursus de trois ans et de quatre ans en vue d'obtenir un baccalauréat professionnel. Les effectifs baisseront donc, mécaniquement, de 38 600 élèves.

Une bonne gestion des ressources publiques exige que cette évolution soit prise en compte pour déterminer la répartition des postes d'enseignant. Cet effort demandé aux lycées professionnels est toutefois déterminé finement, dans le cadre d'un dialogue de gestion étroit entre administration locale et administration centrale, permettant de prendre en compte les spécificités, les contraintes et les priorités de chaque territoire. L'ajustement de l'offre de formation qui en résulte est réalisé en lien avec les conseils régionaux et les branches professionnelles.

Il faut rappeler que ce sont 37 000 jeunes de plus, bien souvent issus des milieux les plus défavorisés, qui ont obtenu en 2011 ce diplôme. Nous pouvons y voir l'un des grands succès de notre politique d'égalité des chances.

Dans votre académie, le contexte démographique montre une baisse des effectifs de 1 809 élèves dans le second degré depuis la rentrée 2007 et de 510 élèves en lycée professionnel. À la rentrée 2012, on comptera 1 516 élèves de moins en lycée professionnel.

Au lycée des métiers du bois et de l'éco-construction d'Envermeu, si la situation de la filière « constructeur bois » est favorable, celle de « technicien de scierie » se détériore. On y constate en effet, depuis 2004, une baisse des effectifs de 66 %. Entre 2004 et 2011, seuls 35 élèves ont obtenu le baccalauréat professionnel « technicien de scierie ». Il faut enfin avoir conscience du fait que la section ne comptait, en 2011, que deux élèves scolarisés en classe de seconde professionnelle, ce qui n'aurait d'ailleurs pas dû être autorisé administrativement !

Pour autant, il faut préciser que l'offre de formation aux métiers du bois et de l'éco-construction sera maintenue au lycée d'Envermeu à la rentrée 2012, avec une capacité d'accueil de 30 élèves, adaptée au flux des élèves inscrits.

La possibilité restera offerte aux élèves, à l'issue de la classe de seconde professionnelle, de préparer les baccalauréats professionnels « technicien constructeur bois » ou « technicien de scierie ».

Monsieur le sénateur, pour répondre aux besoins exprimés sur le territoire haut-normand et revaloriser la filière bois, les services académiques sont prêts à engager une réflexion sur l'ensemble des besoins de formation, en particulier aux métiers de la scierie, en concertation avec la Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, la DRAAF, le conseil régional et la filière bois.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. J'ai bien compris, madame la secrétaire d'État, que la filière « technicien de scierie » serait maintenue au lycée d'Envermeu, et je vous en remercie.

Toutefois, je ne partage pas votre interprétation des chiffres présentés par le rectorat. Si la baisse estimée de 66 % des effectifs porte sur la période 2004-2011, dans les faits, elle date seulement de cette rentrée, puisque, en 2010, étaient encore recrutés onze élèves pour quinze places.

Rappelons que ce diplôme ne se prépare en trois ans, au lieu de deux auparavant, que depuis la rentrée 2010. Le rectorat a donc laissé seulement deux ans à cette formation pour faire ses preuves.

Si vous confirmez le maintien de cette filière, indéniablement reconnue comme porteuse d'emplois par les principaux acteurs du territoire, et notamment par la chambre de commerce et d'industrie, encore faut-il que cette annonce s'inscrive dans la durée. Je ne suis pas seul à le dire : les acteurs locaux, les enseignants, les parents d'élèves et les élus sont aussi de cet avis.

Les luttes pour la sauvegarde de ces formations sont le « marronnier » des personnels d'enseignement, qui avaient dû se battre, l'an dernier encore, pour maintenir le CAP de constructeur bois qui connaissait une difficulté de recrutement à la rentrée 2010.

Je salue l'intention du ministre de l'éducation nationale de favoriser le dialogue, que j'appelle de mes vœux, entre le rectorat, d'une part, et les acteurs de la filière, les élus locaux, les professeurs, d'autre part ; ceux-ci ne manqueront pas de rappeler cet engagement.

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