Question de Mme BOUCHOUX Corinne (Maine-et-Loire - ECOLO) publiée le 21/06/2012

Mme Corinne Bouchoux interroge M. le ministre de la défense sur le contrôle du commerce des armes. En moyenne, chaque année, plus de 300 000 personnes sont tuées directement par des armes classiques et bien plus sont tuées, blessées, déplacées de forces et endeuillées à cause de la violence armée sans compter les viols … Pour un très grand nombre, pour les plus pauvres en particulier, la guerre ou la violence armée représentent un obstacle direct au développement.

La France, l'un des premiers exportateurs mondiaux d'armes dispose d'un cadre législatif et surtout d'un dispositif administratif théoriquement performant et rigoureux en termes de contrôle des exportations d'armes. Cependant, la France est en retard sur de nombreux pays européens en matière de transparence et de contrôle parlementaire sur ces transferts et ventes d'armes ainsi que dans le domaine de la mise en conformité de sa loi avec divers engagements européens.

En outre, elle continue d'exporter régulièrement des matériels de guerre vers des pays en conflits qui sont le théâtre de graves violations des droits humains. À défaut d'une réelle transparence sur de telles exportations, celles-ci soulèvent de surcroît de fortes interrogations quant au respect effectif par la France de ses obligations au regard du droit international et européen existant.

La France est fortement impliquée dans les négociations sur le traité international sur le commerce des armes (TCA) qui doit être adopté à l'ONU en juillet 2012. Jusqu'à présent nous notons des déclarations publiques relativement ambitieuses concernant la force d'un tel traité.

Cependant, à mesure que l'échéance des négociations se rapproche, la France semble privilégier l'adoption d'une norme plus faible, afin de ménager les États-Unis, voire la Chine et la Russie alors que rien ne garantit que ces pays seraient susceptibles de signer et a fortiori de ratifier ce traité, même revu à la baisse. Une telle approche risque de faire prévaloir uniquement un objectif de préservation des intérêts industriels sans prendre en compte l'objectif de protection des populations civiles.

L'actualité récente aborde également ce thème. En effet, le salon international de la défense et de la sécurité « Eurosatory » qui s'est tenu à Villepinte du 11 au 15 juin 2012 a, pour la première fois, invité des sociétés militaires privées (SMP). La demande est en pleine expansion, notamment autour de la sécurité maritime, l'escorte et la protection des sites pétroliers. Dans l'un de ses domaines régaliens, l'État laisse au secteur privé des pans entiers d'une activité autrefois prise en charge par la défense nationale.

Elle lui demande quelles seront les positions de la France sur le TCA en amont de la conférence de juillet et si le pays compte s'engager pour défendre un traité contraignant pour les États, protégeant effectivement les droits des populations.

Elle lui demande également quel sera le calendrier d'adoption des projets de loi concernant les sociétés militaires privées ainsi que le contrôle de l'intermédiation et le respect des embargos.

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Réponse du Ministère de la défense publiée le 09/08/2012

Afin d'aboutir à une meilleure régulation du commerce licite des armes et à un renforcement de la lutte contre les trafics illicites, la France a préparé avec la plus grande attention les négociations qui se sont ouvertes au début du mois de juillet 2012 à New York en vue de l'adoption d'un Traité international sur le Commerce des armes (TCA). Le TCA devra ainsi contribuer à prévenir les effets potentiellement déstabilisants de certains transferts. À ce titre, la France estime nécessaire d'intégrer au traité l'obligation du respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Le champ d'application du futur traité représente également un enjeu central des négociations en cours, dans la mesure où il conditionnera largement son efficacité. Pour sa part, la France considère que le champ d'application du TCA devra être à la fois ambitieux et opérationnel, tant dans le domaine des matériels que dans celui des types de transferts soumis à contrôle. S'agissant des matériels concernés, il apparaît souhaitable d'étendre le champ d'application du traité aux diverses catégories du registre des armes classiques des Nations unies, à leurs composants et technologies associées, ainsi qu'aux armes légères et de petit calibre et aux munitions de tous calibres. En outre, le TCA devra imposer des contrôles sur la totalité de la chaîne de transfert des armes (exportations, importations, transits, transbordements) et sur les activités de courtage, dont le périmètre devra être strictement défini. Par ailleurs, l'efficacité du traité dépendra des mesures de mise en œuvre adoptées. C'est pourquoi le TCA devra prévoir l'établissement, par chaque État partie, d'un dispositif de contrôle des transferts d'armements reposant sur des normes communes et sur un système d'autorisation préalable dont la délivrance sera assujettie à une évaluation par les autorités nationales compétentes, conduite sur la base des critères définis par le traité. Les États devront notamment se doter d'un ensemble approprié de lois et de procédures administratives concernant les transferts d'armes, assorti de sanctions pénales et de mesures d'application rigoureuses. De plus, la France interviendra en faveur de l'inclusion dans le TCA d'une forte référence à la problématique de la corruption, et de dispositions relatives à la transparence, pouvant prendre la forme de rapports sur les modalités de mise en œuvre du traité par les États parties, et d'une publication d'informations sur leurs transferts d'armements. Le TCA devra aussi prévoir un dispositif de coopération et d'assistance afin d'aider les États parties à remplir leurs obligations au titre du traité. Cette assistance pourra revêtir des formes diverses : administrative, technique, financière ou juridique. Enfin, la France se prononcera en faveur de l'instauration d'un secrétariat chargé de conserver les données transmises par les États et de soutenir ceux-ci dans la mise en œuvre du TCA. Par ailleurs, le Gouvernement demandera prochainement l'inscription à l'ordre du jour du Sénat du projet de loi relatif au régime d'autorisation des opérations d'intermédiation et d'achat pour revente portant sur des matériels de guerre et assimilés, et l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale du projet de loi relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives. S'agissant des sociétés militaires privées, plusieurs études effectuées par les services du Premier ministre et du ministre de la défense, ainsi qu'un rapport parlementaire rédigé au mois de février 2012 par MM. Christian Ménard et Jean-Claude Viollet, ont recommandé d'adapter et de clarifier la réglementation s'appliquant à ces organismes. De nouvelles réflexions seront engagées sur ce thème par le ministère de la défense dans le cadre de l'élaboration du futur Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Elles porteront notamment sur la participation de ces sociétés à des actions de lutte contre la piraterie maritime.

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