Question de M. TEULADE René (Corrèze - SOC) publiée le 19/07/2012

M. René Teulade interroge M. le ministre des affaires étrangères sur le commerce des armes au regard des dérives représentées par sa non-réglementation.

Depuis le printemps dernier, le Mali, État de la région sahélienne pourtant considéré comme stable, doit faire face à une insurrection islamiste. Cette dernière, menée notamment par Ansar Eddine et Al Qaeda au Maghreb Islamique, a été rendue possible par l'afflux massif d'armes en provenance de Libye. Ainsi, la multiplication des transferts d'armes non réglementés aboutit à un commerce dangereux, nuit au développement d'États souvent en proie à une forte instabilité et menace la sécurité des populations locales (Tchad, Pakistan, République Démocratique du Congo, Somalie etc.)

À cet égard, il convient de rappeler que la France est le quatrième exportateur mondial d'armes. Pour autant, elle s'est dotée d'un cadre législatif et administratif relativement rigoureux, qui repose sur le principe de prohibition. En vertu de l'ordonnance n° 2004-1374 du 20 décembre 2004, codifiée dans le code de la défense, l'exportation de matériels de guerre est interdite, sauf autorisation. Néanmoins, nombre d'organisations non gouvernementales alertent les pouvoirs publics sur l'exportation d'armes françaises vers des pays en conflit où les droits humains ne sont pas respectés.

Dans ce contexte, la négociation actuelle relative au traité international sur le commerce des armes (TCA) revêt une importance primordiale ; elle doit résulter en l'adoption d'une norme juridique contraignante. Cependant, face au lobbying industriel intensif et la frilosité éventuelle de certains de nos partenaires, le texte final pourrait se voir dépourvu de toute force juridique.

Par conséquent, il demande au Gouvernement quelle est sa position précise concernant le TCA qui devrait être adopté pendant l'été. En outre, quel type d'armes serait concerné par ce traité ? Enfin, dans un souci de transparence qui se justifie pleinement, quelles informations sur les transferts d'armements seraient publiées par les États ?

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Réponse du Ministère des affaires étrangères publiée le 09/08/2012

La négociation du premier traité universel sur le commerce des armes se déroule actuellement au siège des Nations unies à New-York. L'élaboration de ce nouvel instrument procède de la volonté de doter la communauté internationale d'un instrument efficace de lutte contre la dissémination incontrôlée des armes classiques, reposant sur une régulation du marché mondial de l'armement. La France se situe, comme le Royaume Uni et l'Allemagne, parmi les grands pays exportateurs d'armement qui appellent à une telle régulation du marché. Elle joue, de ce fait, un rôle important dans l'appui à la démarche engagée par la communauté internationale, en particulier dans le cadre des Nations unies depuis 2006. Ce traité vise à faire adopter par la communauté internationale des normes de comportement plus responsable des États exportateurs et importateurs d'armement. Ces normes devront être fondées sur un engagement d'évaluation des risques liés aux transferts et des principes partagés régissant le contrôle des transferts de technologies et d'équipements militaires. Ce traité permettra ainsi de lutter contre les effets de la dissémination incontrôlée des armes classiques et le détournement du commerce légal de l'armement vers le commerce illicite. La France, qui applique les principes de la « règle d'or » dans ses critères d'autorisation de transferts, est déterminée à ce que ceux-ci soient pris en compte dans le futur traité. L'approche retenue est celle d'un engagement en matière d'évaluation du risque que les matériels exportés puissent servir à des violations explicitement définies : transferts en violation d'embargos décidés par les Nations unies, actions constitutives d'actes de terrorisme ou de violations des droits de l'Homme ou du droit international humanitaire, contribution à une accumulation d'armements ayant un effet déstabilisant au niveau régional ou encore transfert d'équipements dont la nature est incompatible avec les objectifs de développement durable du pays destinataire. Il s'agit aussi de lutter contre d'autres risques liés aux transferts d'armements, tels que celui de la corruption. La portée du traité devra couvrir toutes les grandes catégories d'armes classiques (navires de guerre, chars d'assaut, véhicules blindés de combat, avions de combat, hélicoptères d'attaque, pièces d'artillerie, missile et lanceurs de missiles), complétée par les armes légères et de petit calibre, l'ensemble des munitions correspondantes, ainsi que les technologies associées et certaines activités liées. Les décisions d'autorisation d'exportation d'armements conserveront leur caractère d'acte de souveraineté de l'État dont la responsabilité serait en contrepartie engagée en cas de manquement à ses obligations. La France considère par ailleurs que l'efficacité du traité dépendra des mesures de mise en œuvre prévues. Le traité devra prévoir l'établissement par chaque État partie d'un dispositif de contrôle des transferts d'armements, reposant sur des normes communes les plus élevées possibles. Ils devront notamment se doter d'un ensemble adéquat de lois et de procédures administratives concernant les transferts d'armes, assorti de sanctions pénales et de mesures d'application rigoureuses. Ces dispositifs de contrôle nationaux devraient reposer principalement sur un système d'autorisation préalable dont la délivrance sera assujettie à une évaluation par les autorités nationales compétentes conduite sur la base des critères définis par le traité. Il est essentiel que le traité sur le commerce des armes prévoie une tenue des registres des transferts d'armes. La France soutient le principe d'une conservation des données, qu'elle applique par ailleurs dans le cadre de sa réglementation nationale. La France soutient l'introduction de dispositions relatives à la transparence, par l'entremise de rapports sur les modalités de mise œuvre du traité par les États parties ainsi que la publication d'informations sur leurs transferts d'armements. Elle soutient également le développement, dans le cadre du traité, d'un dispositif de coopération et d'assistance dont l'objectif principal sera d'aider les États parties à remplir leurs obligations au titre du traité. Cette assistance pourrait prendre plusieurs formes : administrative, technique, financière mais également juridique (en développant notamment l'entraide pénale internationale).

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