Question de M. HÉRISSON Pierre (Haute-Savoie - UMP) publiée le 02/08/2012

M. Pierre Hérisson rappelle à M. le ministre de l'intérieur que le comité d'experts sur les questions Roms au Conseil de l'Europe à Strasbourg, le CAHROM, pour lequel il a représenté la France en 2011, a été l'occasion d'évoquer la question de la présence de certaines minorités ethniques Roms sur le territoire français. Il a permis de constater l'amalgame trop souvent fait, et qu'il avait déjà souligné dans son rapport de mission sur le statut juridique des gens du voyage, entre ces populations provenant de pays extérieurs à l'espace Schengen et les gens du voyage essentiellement de nationalité française.

Or, des populations Roms viennent illégalement s'installer sur le territoire français. Cette situation génère des tensions particulièrement aigues dans les zones frontalières comme dans les grandes agglomérations. Ainsi, dans la commune de Gaillard dans le département de la Haute-Savoie, des populations roumaines, hongroises, bulgares identifiées comme Roms, minorités ethniques dans leur pays, vont pratiquer en journée la mendicité à Genève et regagnent la France à la tombée de la nuit. Elles stationnent alors illégalement sur des places de parking ou dans des constructions précaires.

Ces situations se produisent dans des départements où, du fait des dynamiques, économiques et touristiques, la population augmente fortement ; créant un déséquilibre compte tenu des moyens dont disposent les forces de police et de gendarmerie. Ainsi, le dernier recensement de la Haute-Savoie évalue la population à 740 000 habitants alors que le département est en réalité aujourd'hui peuplé au quotidien d'environ 1,2 millions personnes, pour certaines, certes, en déplacement.

Un jeu de « cache-cache » s'instaure alors avec les forces de l'ordre tant françaises que suisses qui ne peuvent réagir de manière suffisante face à l'explosion de l'insécurité et notamment des cambriolages.

Aussi, il lui demande si une réorganisation des moyens de police et de gendarmerie, qui semble indispensable, sera mise en place afin de pouvoir régler cette situation dans les zones frontalières et en particulier avec la Suisse.

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Réponse du Ministère des droits des femmes publiée le 03/10/2012

Réponse apportée en séance publique le 02/10/2012

M. Pierre Hérisson. Madame la ministre des droits des femmes, bien que ma question s'adressât à M. le ministre de l'intérieur, c'est bien volontiers que je vous la pose.

Le Comité ad hoc d'experts sur les questions roms, le CAHROM, au Conseil de l'Europe à Strasbourg, au sein duquel je représente la France depuis 2011, est le lieu d'évocation et de réflexion de la présence de certaines minorités ethniques roms, hors de leurs pays d'origine. Ces pays, je le rappelle, reconnaissent dans leur constitution les minorités ethniques, mais ce n'est pas pour autant qu'ils les traitent de manière satisfaisante.

Il convient de préciser que, si ces minorités ethniques sont reconnues dans leur pays, même si l'on sait, je le répète, la façon dont elles y sont traitées, la République française, dans laquelle tous les citoyens sont égaux, n'opère pas de telles distinctions.

Le CAHROM a permis de constater l'amalgame trop souvent fait, et que je dénonce dans ma proposition de loi relative au statut juridique des gens du voyage - déposée en juillet sur le bureau de notre assemblée -, entre ces populations provenant de l'espace Schengen et les gens du voyage, essentiellement - pour ne pas dire entièrement - de nationalité française.

Or, comme vous le savez bien, madame la ministre, des populations roms viennent s'installer de manière illégale sur le territoire français. Cette situation entraîne des tensions particulièrement aiguës, notamment dans les zones frontalières comme dans les grandes agglomérations. Ainsi, dans la commune de Gaillard dans mon département de la Haute-Savoie - dans notre département, monsieur le président ! -, des populations roumaines, hongroises, bulgares, identifiées comme roms - minorités ethniques dans leur pays - pratiquent en journée la mendicité à Genève et regagnent la France à la tombée de la nuit. Elles stationnent alors illégalement sur des places de parking ou dans des constructions précaires et, dans tous les cas de figure, dans l'illégalité.

On pourrait dire que ma question est quasiment une question d'actualité et qu'elle aurait pu être inscrite comme telle.

Ces situations se produisent dans des départements où, du fait des dynamiques économiques et touristiques, la population augmente fortement. Cela crée un déséquilibre fort, compte tenu des moyens dont disposent les forces de police et de gendarmerie. Ainsi, le dernier recensement de la Haute-Savoie évalue la population à 740 000 habitants alors que le département est en réalité aujourd'hui peuplé au quotidien d'environ 1,2 million de personnes, pour certaines, certes, en déplacement pour tous motifs, y compris celui qui est évoqué ce matin. C'est un chiffre auquel il convient d'adosser les 500 000 habitants du canton de Genève, de la Suisse voisine.

Un jeu de « cache-cache » s'instaure alors avec les forces de l'ordre tant françaises que suisses, qui ne peuvent réagir de manière satisfaisante et suffisante face à une telle explosion de l'insécurité et notamment des cambriolages au quotidien.

Aussi ma question, madame la ministre, est-elle la suivante : une réorganisation des moyens de police et de gendarmerie semble aujourd'hui urgente et indispensable ; sera-t-elle mise en place afin que la situation puisse être réglée, notamment dans les zones frontalières, en particulier avec la Suisse, en Haute-Savoie et dans le département de l'Ain, notre département voisin ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir accepté de me poser votre question à défaut d'avoir Manuel Valls face à vous aujourd'hui. (Sourires.)

Vous savez combien le Gouvernement partage votre préoccupation d'assurer la sécurité de nos concitoyens, qui ont besoin de sentir, en effet, la présence de l'État, en particulier dans les zones les plus fragiles ou les plus sensibles, comme le sont indéniablement les zones transfrontalières. Dans cette optique, la gendarmerie et la police adaptent leur dispositif en permanence aux évolutions de la délinquance et de la démographie.

Vous visez, dans votre question, la délinquance émanant d'une certaine population. Permettez-moi de raisonner autrement. Toute délinquance, quelle que soit la nationalité de ses auteurs, doit être combattue. Je me permets, par ailleurs, de préciser que les nationalités que vous évoquez sont celles de ressortissants de l'Union européenne. À ce titre, ils peuvent circuler librement au sein de l'espace Schengen sous réserve de certaines conditions, notamment si leur séjour est supérieur à trois mois.

Je peux vous assurer, au nom de mon collègue ministre de l'intérieur, que les services de police, notamment ceux de la police aux frontières, et de gendarmerie intervenant en Haute-Savoie sont activement mobilisés dans la lutte contre la criminalité transfrontière, laquelle est, vous le savez, extrêmement mouvante.

Les services de police et les unités de gendarmerie disposent pour ce faire d'effectifs adaptés à un département de 740 000 habitants, pouvant atteindre, on le sait, un million avec les résidents occasionnels. Ainsi, le groupement de gendarmerie départementale de la Haute-Savoie compte aujourd'hui 964 militaires, appuyés au besoin de 200 réservistes et renforcés, l'hiver, d'une centaine de militaires de la gendarmerie et, l'été, de plus d'une trentaine. Parallèlement, la police aux frontières dispose quant à elle de 74 fonctionnaires, la direction départementale de la sécurité publique de 374 personnels et l'antenne de police judiciaire de 255 personnels.

La gendarmerie et la police nationales veillent à adapter leurs effectifs en fonction des réalités locales, dans le cadre d'une démarche associant les élus et les autorités administratives et judiciaires du département. Différents projets de réorganisation d'unités sont en cours de réalisation pour la gendarmerie et visent à améliorer les capacités d'action de la gendarmerie départementale sur le réseau routier, pour une meilleure prise en compte des flux, notamment en zone frontalière. Parallèlement, les zones les plus sensibles en termes d'activité et de délinquance ont d'ores et déjà été renforcées.

L'action des forces de l'ordre produit des résultats. En 2011, une vaste opération judiciaire menée par la section de recherches de la gendarmerie de Chambéry, appuyée par le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale, avait permis, vous le savez, le placement en détention provisoire de onze trafiquants de drogue de nationalité albanaise. Tout récemment encore, en juin 2012, une opération menée par les policiers du commissariat de police d'Annemasse a permis d'interpeller les membres d'un réseau d'exploitation de la mendicité roumaine.

Enfin, le centre de coopération policière et douanière de Genève assure une très bonne circulation de l'information entre les deux pays. Cette structure permet à chaque partie d'alerter en temps réel sur un événement susceptible d'intéresser l'autre partie. Les échanges directs entre la police de Genève, la gendarmerie et les services de police de la Haute-Savoie, les douanes du Léman et la préfecture de la Haute-Savoie sont matérialisés par une réunion mensuelle de coordination. Plusieurs opérations communes sont réalisées, sous des formes diverses, de façon ponctuelle - des contrôles thématiques, des services d'ordre public pour des événements ayant un impact des deux côtés de la frontière - ou de façon régulière. C'est ainsi, par exemple, que le corps des gardes-frontières helvétiques et les policiers de la brigade anti-criminalité, la BAC, d'Annemasse et du service de la police aux frontières d'Annemasse organisent régulièrement ensemble des patrouilles mixtes.

Monsieur le sénateur, vous le voyez, tous les moyens sont engagés pour faire face aux problématiques que connaît votre territoire.

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson.

M. Pierre Hérisson. Madame la ministre, je vous remercie de cette présentation des effectifs et des périodicités. Cependant, étant moi-même, ainsi que notre collègue président de séance, colonel de la réserve citoyenne de la gendarmerie nationale, j'aurais pu sans notes développer le même argumentaire que vous.

Hélas ! même si les moyens sont importants et s'ils ont été renforcés, en particulier ces cinq dernières années, je peux vous dire que les résultats ne sont pas satisfaisants.

Si j'interviens ce matin, c'est en tant que porte-parole d'une population d'une zone frontalière qui, toutes sensibilités politiques confondues - excusez l'expression un peu triviale que je vais employer - « en a marre ». Il suffit, comme nous l'avons fait avec M. le préfet de la Haute-Savoie, Mme le maire de Gaillard et le directeur départemental des polices urbaines, d'aller un matin à six heures à la porte de France, c'est-à-dire au passage du tramway qui permet de se rendre au cœur de la ville voisine de Genève, pour constater l'existence d'un réseau organisé qui exploite la misère de la population : des mères arrivent vers six heures et demi, un bébé emmailloté dans les bras et accompagnées d'enfants en bas âge ; elles reçoivent des consignes, assorties de la cartographie du quartier dans lequel elles doivent passer la journée. Il s'agit d'une véritable exploitation !

Les effectifs, les interventions et l'efficacité des opérations coup-de-poing sur ces secteurs ne sont pas à mettre en cause. L'effort doit porter plutôt, me semble-t-il, sur le démantèlement des réseaux, qui organisent de manière dramatique l'exploitation de mères de famille, d'enfants en bas âge, de personnes handicapées...

Malheureusement, certaines personnalités, comme des magistrats de Genève, de la Suisse voisine ou des avocats d'ONG, d'associations humanitaires repoussent l'idée d'une organisation, affirmant qu'il s'agit simplement d'un problème d'intégration ou de mendicité lié à la pauvreté.

Nous devons travailler beaucoup plus en amont, peut-être pas avec la gendarmerie parce que nous sommes dans un périmètre frontalier, zone de police nationale, mais en étroite concertation avec les élus locaux et les polices municipales notamment, pour démanteler ces réseaux dont les responsables, après avoir collecté les fonds se rendent, le soir, en toute impunité dans une banque spécialisée, pour envoyer les sommes rassemblées en Roumanie ou en Bulgarie. Le phénomène se développe au vu et au su de tous, tout le monde en parle et nous manquons totalement d'efficacité. En tout cas, je puis vous assurer que ce n'est ni un problème polémique, ni un problème politique.

M. le président. Monsieur Hérisson, merci d'avoir évoqué un problème malheureusement récurrent !

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