Question de Mme MORIN-DESAILLY Catherine (Seine-Maritime - UCR) publiée le 19/10/2012

Question posée en séance publique le 18/10/2012

Concerne le thème : L'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite profiter de cette séance de questions cribles thématiques pour mettre en lumière la faible représentation des femmes dans le secteur culturel, en particulier dans le spectacle vivant.

En 2005, le ministre Renaud Donnedieu de Vabres s'étonnait : « Est-il normal que, sur les trente-huit directeurs de centres dramatiques nationaux et régionaux, on ne compte que trois femmes ? »

Qu'en est-il aujourd'hui ? Je citerai quelques chiffres : 4 % des maisons d'opéra et 9 % des centres dramatiques sont dirigés par des femmes ; celles-ci occupent 18 % des postes de direction de l'administration culturelle et seulement 5 % des directions de concerts. Le talent ou le génie créateur seraient-ils l'apanage des hommes ?

Selon le rapport de Reine Prat publié en 2009 à la demande du ministère de la culture, ces inégalités entraînent, entre autres conséquences, un gâchis de compétences et donnent naissance à des représentations artistiques véhiculant des stéréotypes.

Lorsque j'étais adjointe chargée de la culture à la mairie de Rouen, j'avais personnellement veillé à ce que, à compétences égales, les candidats sélectionnés pour les jurys aux postes de direction de conservatoire à rayonnement régional et du centre dramatique régional soient aussi bien des femmes que des hommes.

Selon moi, il revient à l'État ou aux élus non pas d'intervenir au niveau de l'acte artistique, mais de garantir un égal accès aux fonctions de décision, aux moyens de production et aux réseaux de diffusion.

La résolution du Parlement européen du 10 mars 2009 sur l'égalité de traitement et d'accès entre les hommes et les femmes dans les arts du spectacle invite les États membres « à envisager une première étape réaliste dans la lutte contre les inégalités dans les arts du spectacle, consistant à assurer la présence d'au moins un tiers de personnes du sexe minoritaire dans toutes les branches du secteur. »

Comment pensez-vous, madame la ministre, faire appliquer cette recommandation ?

Par ailleurs, en 2008, un projet d'« assises nationales pour l'égalité dans les arts et la culture » avait été lancé, ainsi qu'une « charte pour l'égalité dans les arts et la culture ». Je pense qu'il serait utile de les mettre en œuvre

Vous le savez, tout le secteur culturel s'est récemment mobilisé sur cette question, et ce n'est pas notre collègue Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, qui me contredira. Il est en effet inadmissible que de telles inégalités persistent. Aussi souhaitons-nous connaître votre plan d'action en la matière. (Applaudissements.)

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Réponse du Ministère des droits des femmes publiée le 19/10/2012

Réponse apportée en séance publique le 18/10/2012

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la sénatrice, cette séance de questions cribles thématiques est décidément l'occasion de constater que les stéréotypes et les inégalités sont partout, y compris dans un domaine où l'on ne les attendait pas particulièrement. On aurait pu en effet imaginer la culture comme un secteur plus en phase avec son temps et donc plus égalitaire !

Aux chiffres que vous avez cités et qui sont déjà suffisamment parlants, j'ajouterai néanmoins un élément qui ne laisse de m'étonner : les spectacles mis en scène par des femmes récoltent généralement des subventions moins importantes que ceux qui sont mis en scène par des hommes... Comme si les femmes pouvaient faire des miracles avec moins de moyens !

Le problème que vous évoquez est d'autant plus important que les chiffres n'ont pas évolué. Ainsi, plus de 80 % des directeurs d'institution dans le domaine du spectacle vivant étaient, l'année dernière encore, des hommes.

Comment agir ? Tout au long du mois de septembre, j'ai réuni mes collègues ministres au sein de conférences de l'égalité, où nous avons évoqué, politique sectorielle par politique sectorielle, les moyens de mieux favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes.

Avec la ministre de la culture, dont je tiens à souligner l'implication sur ce sujet, nous avons d'ores et déjà établi une feuille de route. Parce qu'il m'est difficile de la rendre entièrement publique aujourd'hui, je vous donnerai simplement un exemple.

Pour relancer une dynamique de rattrapage en termes d'égalité entre les femmes et les hommes, nous souhaitons atteindre sans délai, en allant au-delà des obligations fixées par la loi, le seuil de 50 % de femmes nommées aux postes de direction des établissements publics et au sein des conseils d'administration.

Par ailleurs, qu'il s'agisse des rémunérations, des nominations aux postes de direction, de la programmation ou du niveau des subventions, une exigence d'égalité sera systématiquement prescrite dans les cahiers des charges, les contrats d'objectifs et les conventions avec les institutions culturelles.

Par ce type de mesures, nous voulons créer un véritable choc. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions.

J'ai particulièrement insisté sur la situation dans le spectacle vivant, mais j'aurais pu faire de même pour ce qui est du secteur de l'audiovisuel. À cet égard, nous sommes satisfaits qu'une femme, Marie-Christine Saragosse, ait été nommée à la tête de l'Audiovisuel extérieur de la France. Sous la précédente mandature, nous avions déjà pu nous féliciter de la nomination de Véronique Cayla à la présidence d'Arte.

Pour autant, puisque vous avez évoqué les médias dans votre réponse à Mme Jouanno, j'aurais aimé avoir votre assurance que sera bien maintenue la commission de réflexion sur l'image des femmes dans les médias, présidée par Michèle Reiser et connue notamment pour un rapport fait en son nom par Brigitte Grésy. Cette instance fait un travail extrêmement approfondi en vue de sensibiliser l'ensemble du secteur des médias à ce sujet.

Notre assemblée est elle-même très attentive à cette question. Ainsi, en 2009, lors de l'examen du projet de loi sur la télévision publique, j'avais proposé, en tant que rapporteur, l'introduction en préambule du texte du principe de l'égalité des genres. Nous sommes tous, sur ces travées, très désireux que pareille évolution puisse être mise réellement en œuvre.

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