Question de M. CHASTAN Yves (Ardèche - SOC) publiée le 11/10/2012

M. Yves Chastan attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la question des fusions entre établissements publics de santé.

Comme il a pu le constater sur son territoire, une fusion n'est jamais une opération anodine pour un établissement car elle implique de devoir harmoniser et négocier la politique sociale suivie par les établissements, de revoir tous les systèmes d'information pour les rendre compatibles, de reprendre la comptabilité, de retravailler les budgets, de modifier la gouvernance…

Certains syndicats, comme ce fut le cas en Ardèche, manifestent leur opposition à une fusion d'établissements pour diverses raisons (pertes d'emplois, d'avantages acquis,…) mais avant tout car ils ne comprennent pas son utilité, sa finalité. Sans temps de concertation suffisant, sans approche globale des conséquences, une fusion au forceps ne prend pas. Il est donc essentiel d'expliquer pourquoi des établissements doivent fusionner. De plus, les acteurs locaux devraient être davantage écoutés: certes la loi prévoit une consultation des conseils de surveillance et des conseils municipaux concernés, mais cet avis n'est nullement impératif pour l'agence régionale de santé (ARS).

Enfin, il est nécessaire d'accompagner les acteurs de ces éventuelles fusions. Toute fusion étant « source de surcoûts ou de dysfonctionnements », un rapport de l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales) recommande ainsi à la DGOS (Direction générale de l'offre de soins) de pouvoir travailler avec les ARS et les établissements, en créant des outils supplémentaires (guide, etc.) mais aussi en missionnant une équipe spécifique pour suivre ces restructurations et appuyer les acteurs locaux.

Ainsi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les orientations qu'elle entend suivre quant à la politique des « fusions » promue par la loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) et ses préconisations pour une meilleure concertation et un réel accompagnement par les ARS des établissements et de leurs responsables.

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Réponse du Ministère chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 21/11/2012

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2012

M. Yves Chastan. Madame la ministre, en tant que président du conseil de surveillance d'un établissement public hospitalier, celui de Privas, je suis confronté à la problématique de sa fusion avec un autre établissement, situé à Vernoux-en-Vivarais, dans le centre de l'Ardèche, alors même qu'une première fusion avait déjà intégré un établissement médico-social de La Voulte-sur-Rhône au centre hospitalier de Privas.

M'appuyant sur cette expérience, ainsi que sur un rapport de l'IGAS, l'Inspection générale des affaires sociales, de mars 2012, intitulé Fusions et regroupements hospitaliers. Quel bilan pour les quinze dernières années ?, je veux aborder plus généralement la question des fusions entre établissements publics de santé.

Tout d'abord, une opération de fusion n'est jamais anodine. Le processus suppose notamment d'harmoniser et de négocier la politique sociale suivie par les établissements, de revoir les systèmes d'information pour les rendre compatibles, de reprendre la comptabilité, de retravailler les budgets, de modifier la gouvernance... Bref, de subtils équilibres nouveaux sont à trouver.

Il est donc essentiel d'expliquer les raisons pour lesquelles des établissements doivent fusionner. Le rapport de l'IGAS incite à préciser et assumer les raisons qui poussent à de telles opérations, quand bien même ces « restructurations ne se justifient que pour des raisons de rationalité économique ». Car, à l'inverse, il peut émerger de l'échange constructif que « des raisons d'intérêt général s'opposent à certaines opérations de rationalisation, au nom, par exemple, de la nécessité de préserver l'accès aux soins dans des zones isolées ».

Dans le projet de fusion précité, certains syndicats manifestent leur opposition pour diverses raisons – craintes de pertes d'emplois ou d'avantages divers –, mais avant tout, je crois, car ils n'en comprennent pas toujours la finalité. Pourtant, une direction commune, déjà créée en l'occurrence, disposant d'un projet médical commun, apparaît suffisante et pertinente pour adapter l'offre de santé sur le territoire concerné.

Sans un temps de concertation suffisant, sans une approche globale des conséquences, une fusion « au forceps » ne prend pas. D'ailleurs, les deux conseils de surveillance et les deux communes consultées pour avis, ont émis des avis défavorables sur la fusion, en tout cas sur une fusion « précipitée », telle qu'elle a été demandée par l'ARS courant 2012 pour aboutir le 1er janvier 2013.

Une concertation préalable impliquant toute la communauté hospitalière ainsi que les représentants des usagers me paraît donc indispensable, tout comme l'écoute des acteurs locaux. Si la loi prévoit bien une consultation des conseils de surveillance et des conseils municipaux concernés, ce qui est tout à fait positif, n'y aurait-il pas tout intérêt à réfléchir à une meilleure prise en compte des avis des acteurs locaux ainsi consultés et, en tout cas, à mener une concertation plus en amont des projets ?

Cet engagement pour plus de démocratie participative dans l'hôpital public s'inscrirait à rebours de la logique jacobine et libérale sous-tendant fortement la loi HPST, c'est-à-dire Hôpital, patients, santé et territoires, adoptée lors de la précédente législature. Je crois savoir d'ailleurs que c'est ce que vous souhaitez, madame la ministre.

Expliquer, écouter, mais aussi accompagner : il s'agit d'une des conclusions du rapport de l'IGAS. Il faut effectivement accompagner les acteurs de ces éventuelles fusions car « sur le plan des ressources humaines notamment, les acteurs locaux sont fréquemment confrontés à des problèmes qu'ils ne peuvent régler qu'en disposant de moyens juridiques et/ou financiers spécifiques ». Toute fusion étant « source de surcoûts ou de dysfonctionnements », l'IGAS recommande ainsi à la DGOS, la direction générale de l'offre de soins, de travailler avec les ARS et les établissements, en créant des outils supplémentaires d'appui aux acteurs de la démarche.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles sont vos orientations quant à la politique des fusions promue par la loi HPST et à ses conséquences éventuelles sur le service public de santé et son maillage territorial ?

De plus, lorsque les fusions sont souhaitables – cela arrive ! – et acceptables par les partenaires et usagers des territoires de santé, que préconisez-vous pour une meilleure concertation et un réel accompagnement des établissements et de leurs responsables par les ARS ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, l'adaptation constante de l'offre de soins aux besoins de santé et au contexte économique peut nécessiter des recompositions de natures très diverses, telles que des fusions d'établissements publics de santé.

Leur opportunité est à apprécier au regard d'un diagnostic objectif à réaliser à l'échelle territoriale – déficit ou excédent d'offre, équilibre de la démographie des professionnels de santé, équilibres financiers des structures – ou de référentiels nationaux – régulation des activités de soins, régulation financière. Les agences régionales de santé, les ARS, ont en charge le pilotage et l'accompagnement des opérations de recomposition.

Dans le cadre des travaux qu'elle a lancés autour du pacte de confiance pour l'hôpital, la ministre des affaires sociales et de la santé a souhaité qu'un volet social figure dans les projets régionaux de santé des ARS. Il ne s'agit pas pour ces dernières de se substituer aux établissements dans le dialogue social local, mais de veiller à ce que la concertation soit assurée lorsque sont menés des projets concernant plusieurs établissements.

La ministre des affaires sociales et de la santé pense en effet, comme vous, qu'un des éléments clefs du succès des opérations de recomposition hospitalière est l'assurance que les personnels concernés sont informés et associés aux projets. Les ARS doivent jouer un rôle d'accompagnement auprès des élus, des communautés médicales et soignantes, des chefs d'établissement.

S'agissant de l'accompagnement social des restructurations, les agences régionales de santé disposent d'ores et déjà, à travers le fonds d'intervention régional, de la capacité d'accorder des aides financières individuelles aux agents concernés – aides à la mobilité, indemnités de départ volontaire, aides à la conversion professionnelle, remboursement du différentiel de rémunération – et peuvent également mettre en place des cellules locales d'accompagnement social et de modernisation.

En outre, dans le cadre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2013, la ministre des affaires sociales et de la santé a identifié une enveloppe spécifique dédiée à l'accompagnement de ces opérations de réorganisation. Par ailleurs, elle aura l'occasion, sur la base des propositions des travaux de concertation engagés autour du pacte de confiance pour l'hôpital public, de formuler de nouvelles propositions dès le début de l'année 2013.

M. le président. La parole est à M. Yves Chastan.

M. Yves Chastan. Ma réplique sera brève, madame la ministre. Les réponses que vous avez apportées au nom de Marisol Touraine me satisfont dans l'ensemble, notamment les éléments relatifs au volet social du pacte qu'elle a proposé et à l'enveloppe spécifique d'accompagnement. Les précisions que vous venez de donner rejoignent l'une des préoccupations que j'ai exprimées.

Ces propositions sont aussi de nature à prolonger, poursuivre et amplifier l'action du Gouvernement, qui vise à reconstituer un service public de santé hospitalier digne de ce nom. La réhabilitation de ce secteur est déjà en cours et elle sera poursuivie. J'en suis personnellement très heureux et je vous assure que, dans les territoires, les mesures qui vont dans le bon sens ne soulèvent pas d'objections a priori.

Une fusion peut dans certains cas se révéler nécessaire, à condition qu'elle ne soit pas conçue à la va-vite, mais au contraire convenablement préparée et anticipée, et que l'ensemble des membres de la communauté hospitalière et de santé, y compris les usagers, bien évidemment, puissent y être associés et comprendre les enjeux et les conséquences pour les établissements appelés, le cas échéant, à se regrouper.

Notre objectif à tous – je ne doute pas, bien entendu, que le Gouvernement y souscrive également – est de prendre en compte ces évolutions quand elles apparaissent nécessaires et utiles pour la qualité des soins et de l'accueil des usagers, notamment au sein du service public hospitalier, sur lequel repose aujourd'hui l'essentiel de l'accueil des patients et des usagers, particulièrement dans les zones rurales et les zones urbaines déshéritées.

Nous sommes favorables à ces évolutions, mais il convient de les anticiper et les accompagner, afin que nous puissions, tous, mieux en percevoir les enjeux.

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