Question de M. BIZET Jean (Manche - UMP) publiée le 30/11/2012

Question posée en séance publique le 29/11/2012

Concerne le thème : Réforme de la Politique agricole commune

M. Jean Bizet. Je voudrais revenir sur le débat relatif au cadre financier pluriannuel pour souligner – je le dis très clairement – la maladresse dont a fait preuve la France dans ces négociations. En cherchant à obtenir le maintien à la fois des crédits de la politique agricole commune, des fonds de cohésion et des fonds de compétitivité, et ce dans un contexte de modération budgétaire, je crains malheureusement que, à vouloir courir quatre lièvres à la fois, si vous me permettez cette expression, monsieur le ministre, vous n'en attrapiez aucun.

Si mon analyse est exacte, les crédits de la PAC diminueront d'un montant compris entre 22 milliards d'euros et 25 milliards d'euros.

Première question : quel est le montant en deçà duquel vous considérerez qu'on agite devant vous un chiffon rouge, ce qui vous conduira à rompre les négociations, sachant que les décisions doivent être prises à l'unanimité ?

J'évoquerai à présent la filière laitière.

La France a été à l'initiative du paquet « lait », qui a prévu la contractualisation et le regroupement des producteurs. Le commissaire Cioloş rappelait d'ailleurs récemment l'influence de notre pays sur ce sujet, mais pour s'étonner presque aussitôt de constater le peu de progrès accomplis à cet égard en France, notamment.

Je comprends la révolte des producteurs laitiers, dont la presse a dernièrement rendu compte. Il reste que ceux qui réclament des tarifs administrés se trompent : l'Europe ne reviendra pas sur les quotas laitiers ou sur les prix de référence ; on peut parfois le regretter, mais c'est ainsi. Il faut donc chercher d'autres remèdes, d'autres pistes, notamment celle du rééquilibrage des relations entre les producteurs-éleveurs et les industriels distributeurs. À mes yeux, l'avenir de la filière laitière se joue en ce moment même.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour favoriser le regroupement des producteurs ? Que compte faire le Gouvernement pour s'impliquer davantage sur ce dossier, afin de ne pas laisser la main à l'Autorité de la concurrence ? On le constate, celle-ci reste très crispée sur ces questions, alors que, de l'autre côté du Rhin, plusieurs pays ont déjà résolu les difficultés qu'ils éprouvaient dans leurs relations avec elle.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 30/11/2012

Réponse apportée en séance publique le 29/11/2012

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, en premier lieu, je tiens à vous dire que la stratégie précédente, qui consistait à proposer à l'Europe que la France réduise sa contribution au budget de 200 milliards d'euros tout en défendant le maintien du budget de la PAC, était, pour le coup,…

M. Jean-Pierre Sueur. Maladroite !

M. Stéphane Le Foll, ministre. … sans doute, en tout cas nous conduisait à un isolement complet sur cette question, au sein de l'Europe. Cette stratégie aurait fait payer deux fois tout le monde !

M. Jean-Pierre Sueur. Bien sûr !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Notre but, c'est au contraire d'éviter l'isolement.

L'ensemble des pays d'Europe centrale sont prêts à soutenir la PAC. Toutefois, si vous leur dites : « On poursuit la PAC, mais on vous abandonne totalement sur la politique de cohésion », vous n'aurez plus le moindre soutien ! Cela, il faut bien le comprendre. Au demeurant, je vous rappelle que la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède ainsi que l'Allemagne ne seront pas les premiers à monter au front pour défendre la PAC. (M. Jean-Pierre Sueur acquiesce.)

Ainsi, je vous l'affirme de manière claire et sincère : la politique conduite en la matière par le précédent gouvernement nous conduisait à l'échec ! A contrario, notre stratégie nous place au cœur du débat et nous permet de nouer des alliances avec de nombreux autres pays. La ligne franco-espagnole a été d'une solidité remarquable. L'Italie a suivi, et nous avons pu, avec la Pologne, garantir un équilibre général au niveau budgétaire.

C'est la bonne stratégie, j'en suis pleinement convaincu, pour avoir moi-même exercé les fonctions de vice-président du Parlement européen : sur ce sujet, je sais ce qu'il fallait faire, et surtout ce qu'il ne fallait pas faire – à savoir ce que vous aviez commencé à faire avant que nous n'arrivions aux affaires, au mois de mai.

En second lieu, je vous répondrai sur la question laitière. La contractualisation est en cours, dans le cadre du paquet « lait », après la crise majeure qu'a connue la filière en 2008. Sachez cependant que la contractualisation ne résout en rien le problème posé dans le domaine de la production laitière.

À cet égard, deux questions se posent. Premièrement, que se passe-t-il après les quotas laitiers ? Sur ce plan, la France va prendre des initiatives. Deuxièmement, la contractualisation instaurée par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche devra évoluer à l'avenir.

En effet, le dispositif que vous avez mis en œuvre n'est pas suffisant, notamment en ce qui concerne la prise en compte des indicateurs de prix : le contrat doit permettre aux agriculteurs de disposer d'une visibilité plus grande qu'à l'heure actuelle. C'est tout l'enjeu des groupes mis en place au niveau de FranceAgriMer. Ces derniers rendront leurs conclusions à la fin de l'année. Dès lors, nous modifierons le système existant pour permettre aux producteurs de s'organiser et faire en sorte qu'ils puissent peser sur les arbitrages en termes de quantités et surtout de prix. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour la réplique.

M. Jean Bizet. Monsieur le ministre, vous comprendrez aisément que je ne souscrive pas à la première partie de votre analyse.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je le comprends !

M. Jean Bizet. Par ailleurs, vous avez clairement affirmé qu'il existait un axe fort entre la France et l'Espagne. Pourquoi pas ? Toutefois, à mon sens, celui-ci s'est constitué au détriment d'un axe bien plus fort lorsqu'il s'agit de faire avancer l'Europe : je songe naturellement au couple franco-allemand. Nous verrons bien comment se termineront les négociations, puisqu'elles doivent se conclure à l'unanimité.

J'admets volontiers qu'il faut nouer un certain nombre d'alliances. C'est ce qu'avait fait votre prédécesseur, M. Bruno Lemaire,…

M. Stéphane Le Foll, ministre. Non !

M. Jean Bizet. … mais ce n'est pas du tout ce que j'ai cru percevoir depuis que vous êtes à la tête de ce ministère. Nous verrons bien ! Donnons-nous rendez-vous dans quelques mois.

Quant à la contractualisation, il est évident qu'elle n'en est qu'à ses débuts. L'utilisation des indicateurs de tendance est fondamentale pour la vitalité et la pérennité des contrats qui doivent lier les agriculteurs et les entreprises. Sur ce sujet également, j'attends d'observer les résultats. Je souhaite que des messages forts soient spécifiquement adressés à la profession agricole, dont les membres ont besoin d'être soutenus pour pouvoir se regrouper : de fait, c'est le seul moyen de peser dans la détermination de la valeur ajoutée au sein de la filière.

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