Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - SOC) publiée le 15/11/2012

Mme Maryvonne Blondin attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les difficultés de l'enseignement des langues et cultures de l'antiquité.

Moins de postes, fermeture de cursus à l'université, une partie seulement des postes ouverts au Capes de lettres classiques pourvus, diminution des élèves et étudiants en latin et en grec : telle est la situation périlleuse dans laquelle se situe, depuis quelques années, la transmission des langues et cultures de l'antiquité.

En 2012, environ 20 % d'une même classe d'âge de collégiens fréquentent actuellement les enseignements de latin-grec. Au lycée, où ces matières ne sont plus qu'en option, cette proportion chute à moins de 10 %. Au nom de contraintes budgétaires et idéologiques, la politique nationale de suppression de milliers de postes publics et d'économies de fonctionnement, voulue par la majorité précédente, n'a fait qu'accentuer cette tendance.

Cependant les élèves pourraient être beaucoup plus nombreux à suivre ces enseignements, la demande familiale et sociale ne diminuant pas. En effet, l'importance du latin et du grec est fondamentale pour la maîtrise de la langue française, pour l'acquisition des langues étrangères qui en découlent, ou encore pour l'acquisition d'une culture humaniste, trois des piliers du socle commun de connaissances et de compétences.

En conséquence, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que son ministère compte prendre concernant l'avenir de l'enseignement du latin et du grec.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 06/02/2013

Réponse apportée en séance publique le 05/02/2013

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, moins de postes, la fermeture de cursus à l'université, une partie seulement des postes ouverts au CAPES de lettres classiques pourvus, une diminution des élèves et étudiants en latin et en grec : telle est la situation périlleuse dans laquelle se trouve, depuis plusieurs années déjà, la transmission des langues et cultures de l'Antiquité.

Les professeurs de lettres classiques s'inquiètent donc légitimement. En 2012, environ 20 % d'une même classe d'âge de collégiens a fréquenté les enseignements de latin-grec. Au lycée, où ces matières ne sont plus qu'en option, cette proportion chute à moins de 10 %. Un tel déficit d'élèves crée une situation critique, alors que ces disciplines devraient faire partie du corpus des connaissances des lycéens. Elles permettent, je le rappelle, la transmission des langues, non seulement comme instrument d'expression, mais aussi comme moyen d'accéder à une culture.

Le tassement du nombre d'élèves latinistes et hellénistes est dû non seulement à une demande familiale et sociale déclinante, mais également à l'image d'élitisme, voire d'inutilité qui a été accolée à ces matières depuis quelques années.

De surcroît, au nom des contraintes budgétaires, la politique nationale d'économies de fonctionnement, voulue par la majorité précédente, n'a fait qu'accentuer cette tendance.

Au collège, les dotations horaires se sont considérablement réduites, entraînant des suppressions de postes ; les effectifs de latinistes des classes de cinquième ont été limités ; les élèves et les horaires en quatrième et troisième ont été astucieusement regroupés à des heures difficiles...

Au lycée, la réforme Chatel de la classe de seconde provoque une grave érosion de ces effectifs, avec la mise en place des enseignements dits « d'exploration » et de créneaux horaires dissuasifs.

Enseignements d'excellence, mais non discriminants, le latin et le grec recèlent bien des vertus. Ils permettent ainsi à des enfants qui sont parmi les plus en difficulté, notamment en français, de travailler dans de bonnes conditions, en groupes plus restreints, et de reprendre confiance en eux. Ils sont fondamentaux, non seulement pour la maîtrise des langues qui en découle, mais également pour l'acquisition d'une culture humaniste. En somme, ils s'intègrent parfaitement au socle commun des connaissances et des compétences.

Si les sections littéraires ont, certes, été « balayées » par l'hégémonie du scientifique, le bac S étant devenu un véritable sésame, on constate un revirement, timide mais prometteur.

Ainsi, au-delà des traditionnelles filières, telles que les classes préparatoires aux concours de l'enseignement, les pourfendeurs les plus utilitaristes de ces langues de l'Antiquité sont contredits, car même les plus grandes écoles de commerce et de management proposent aujourd'hui une option de langue ancienne à l'écrit, voire à l'oral, et recrutent des jeunes ayant suivi cette formation, censée leur apporter faculté d'analyse, de synthèse et d'écriture. C'est dire toute la valeur des compétences mises en œuvre !

La qualité de la formation des élèves et l'égalité des chances étant tributaires de la volonté politique, je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir nous apporter des précisions sur l'avenir de l'enseignement du latin et du grec, ainsi que sur les débouchés possibles de ces études.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Madame Blondin, je suis très frappé par la conviction qui émane de vos propos.

Vous avez parfaitement réussi à montrer toutes les richesses de l'enseignement des langues anciennes, lequel permet à la fois de mieux structurer sa pensée, de prendre connaissance de notre tradition, d'apprendre à penser dans le temps long, mais aussi, vous y avez insisté, de mieux maîtriser sa propre langue. C'est d'autant plus important que, comme vous le savez sans doute, parmi les difficultés que rencontre notre jeunesse, il y a, tout particulièrement, ce défaut de maîtrise de la langue.

Les tests que nous avons réalisés avant Noël, je pense aux évaluations PIRLS, montrent précisément que la capacité à prendre de l'information dans des textes, à maîtriser la langue, et même à avoir une certaine confiance en soi pour le faire sont en train de décliner. À cet égard, les garçons, dont la situation n'était déjà pas bonne, sont malheureusement désormais rejoints par les filles.

Nous avons donc besoin de maintenir cet enseignement.

Vous l'avez évoqué, il y a des éléments négatifs sur le long terme, en particulier cette très grande déperdition du collège au lycée. Néanmoins, nous pouvons être plus optimistes, puisque, depuis deux ans, cette érosion a cessé. Par ailleurs, comme vous le savez, nous avons ouvert nettement plus de postes au concours du CAPES de lettres classiques. J'ai souhaité, s'agissant des emplois d'avenir professeur, que des instructions soient données pour qu'on aide des jeunes étudiant dans ces disciplines à se destiner au métier de professeur.

Pour encourager du mieux possible l'enseignement des lettres classiques, il convient de traiter deux problèmes en profondeur.

Tout d'abord, il y a, dans ce pays, un problème de diversité des excellences. Nous sommes en train de tarir nos élites, car nous sommes incapables de reconnaître la diversité des compétences et des excellences dont nous avons besoin. C'est vrai dans le domaine technologique ou professionnel, mais aussi pour ce qui concerne la culture humaniste.

Il s'agit d'une erreur, d'où découle le second problème : nous aurons, ainsi que je l'ai annoncé hier aux organisations syndicales, après m'être exprimé dimanche devant les lycéens, à reprendre la réforme du lycée, car non seulement elle n'a pas porté ses fruits, mais elle a entraîné un certain nombre d'inconvénients. Ainsi, il faut savoir qu'il y a beaucoup plus d'élèves qui font du latin ou du grec dans la filière scientifique - ils sont 65 % - que dans la filière littéraire - ils sont seulement 16 % -, laquelle est tout à fait dévalorisée par rapport à ce qu'elle devrait être.

Le rééquilibrage des filières, la diversité des excellences, la possibilité de se nourrir d'une culture classique doivent rester pour nous des horizons d'action. Ils sont inscrits à l'agenda de la refondation, même si ce n'est pas dans un temps court.

Vous pouvez compter sur ma totale détermination.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu répondre à cette seule question qui vous était adressée.

Si j'en juge par le nombre de courriers électroniques que j'ai reçus, cette question semble susciter un grand d'intérêt. Nos concitoyens sont attachés à cette culture humaniste que vous avez évoquée.

Les professeurs de lettres classiques réclament les mêmes conditions de travail que leurs collègues, et non pas des horaires placés systématiquement en fin de journée.

Monsieur le ministre, l'intérêt que vous portez à cette question et la perspective de reprendre la réforme du lycée dans le but de revaloriser la filière littéraire sont, à mes yeux, très importants.

Pour conclure, je vous rappellerai que, si je soutiens ces langues anciennes avec beaucoup d'ardeur, je suis aussi attachée aux langues minoritaires et régionales, dont nous aurons certainement à discuter plus longuement dans un autre cadre.

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