Question de M. CAPO-CANELLAS Vincent (Seine-Saint-Denis - UDI-UC) publiée le 15/11/2012

M. Vincent Capo-Canellas appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les compétences respectives du maire et du préfet en matière de lutte contre l'insalubrité.

Plusieurs communes, qui ne disposent pas d'un service communal d'hygiène et de santé ni d'inspecteur de salubrité assermenté, ont un débat avec les services de l'État pour savoir quel est le service compétent, communal ou étatique, pour effectuer la "première visite" d'un logement soupçonné d'insalubrité. Certaines préfectures et agences régionales de santé estiment en effet qu'il ne revient pas à leurs services de procéder à cette première visite, arguant des pouvoirs généraux de police du maire définis à l'article L. 2212 du code général des collectivités territoriales et des pouvoirs conférés par l'article L. 421-4 du code de la santé publique. Ce faisant, les services de l'État "se délestent" de cette tache sur le maire, dans le but de filtrer les signalements.

Pourtant, les articles L. 1331-26 et L. 1331-28 du code de la santé publique prévoient expressément que ce sont aux services sanitaires et sociaux de l'État d'établir le rapport motivé sur l'insalubrité d'un immeuble signalé. Le préfet, pour sa part, une fois saisi de ce rapport, a compétence pour consulter la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques puis, pour prescrire les mesures propres à remédier à l'insalubrité de l'immeuble. Cette interprétation a d'ailleurs été confirmée par un arrêt de principe du Conseil d'État du 14 novembre 2011, "Ministre du Travail, de l'Emploi et de la Santé contre Commune de Rodez".

Devant cette difficulté, il lui demande de bien vouloir confirmer que ce sont aux services déconcentrés de l'État de prescrire les mesures propres à remédier à l'insalubrité d'un immeuble pour les communes de moins de 20 000 habitants ne disposant pas d'un service communal d'hygiène et de santé.

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Réponse du Ministère des affaires sociales et de la santé publiée le 13/03/2013

Réponse apportée en séance publique le 12/03/2013

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la ministre, ma question concerne les compétences respectives du maire et du préfet en matière de lutte contre l'insalubrité. En particulier, quelle est l'autorité compétente pour instruire les signalements d'insalubrité ? C'est un sujet récurrent de débat entre les collectivités et les services déconcentrés de l'État, notamment pour le cas des communes de moins de 20 000 habitants, qui ne disposent en général ni d'un service communal d'hygiène et de santé, un SCHS, ni d'un inspecteur de salubrité : quel est alors le service compétent, communal ou étatique, pour effectuer la « première visite » d'un logement suspecté d'insalubrité ?

Nombre de ces communes se heurtent à un refus persistant de la part des services des agences régionales de santé d'instruire les plaintes d'insalubrité que les administrés leur transmettent. Pourtant, la liste exhaustive des services communaux d'hygiène et de santé subventionnés a été arrêtée par l'État au début des années quatre-vingt et n'a pas été amendée depuis. Or les villes de moins de 20 000 habitants ne sont pas éligibles à ces aides et n'ont donc pas les moyens d'effectuer la démarche que les services de l'État leur demandent d'assumer.

Malgré cela, certaines préfectures et agences régionales de santé estiment qu'il ne leur revient pas de procéder à la première visite, arguant des pouvoirs généraux de police du maire définis à l'article L. 2212 du code général des collectivités territoriales et des pouvoirs conférés par l'article L. 421-4 du code de la santé publique. En d'autres termes, les ARS attendent des communes que leurs services procèdent eux-mêmes aux premières visites, l'État prenant ensuite le relais.

Cela est logique pour les grandes villes. En revanche, pour les communes de moins de 20 000 habitants, qui ne disposent pas des moyens humains ou financiers nécessaires à l'exécution de ces missions, cette situation pose de véritables difficultés.

En outre, les articles L. 1331-26 et L. 1331-28 du code de la santé publique prévoient expressément que les services sanitaires et sociaux de l'État établissent le rapport motivé sur l'insalubrité d'un immeuble signalé. Le préfet, pour sa part, une fois saisi de ce rapport, a compétence pour consulter la commission départementale.

Cette interprétation a d'ailleurs été confirmée par un arrêt de principe « Ministre du travail, de l'emploi et de la santé contre commune de Rodez » du Conseil d'État en date du 14 novembre 2011. Le Conseil d'État a clairement condamné, à cette occasion, certaines pratiques locales consistant, pour les services déconcentrés, à demander au maire d'intervenir lors de la première visite d'un logement suspecté d'insalubrité, aux fins de filtrer les signalements. Dans cette décision, la haute juridiction administrative a également posé le principe selon lequel il appartient aux services préfectoraux d'effectuer la première visite d'un logement concerné par une plainte pour insalubrité. Certains services de l'État persistent néanmoins à demander aux communes de moins de 20 000 habitants d'accomplir cette mission à leur place.

Madame la ministre, au regard de cette difficulté, pouvez-vous clarifier les compétences respectives des services de la préfecture et des services municipaux en matière de lutte contre l'insalubrité dans le cas des villes de moins de 20 000 habitants ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, il revient effectivement au maire de contrôler l'application du règlement sanitaire départemental, qui comporte les règles d'hygiène de l'habitat. Il lui appartient donc d'intervenir pour constater une éventuelle infraction à cette réglementation et pour mettre en demeure la personne concernée de se conformer à celle-ci.

En effet, les maires sont chargés de veiller au respect des règles de salubrité sur le territoire de la commune, en vertu de leurs pouvoirs généraux de police, d'une part, et de leurs pouvoirs de contrôle administratif et technique des règles générales d'hygiène applicables aux habitations et à leurs abords, d'autre part.

En complément, les services de l'État sont tenus de mettre en œuvre la procédure visant à mettre fin à des situations d'insalubrité dans des logements présentant un danger pour la santé des occupants ou des voisins.

La loi a prévu la procédure suivante.

Le directeur général de l'agence régionale de santé ou le directeur du service communal d'hygiène et de sécurité doit établir un rapport motivé sur l'état du logement. Le préfet prescrit alors les mesures proposées par la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques qui est saisie du dossier : réalisation de travaux ou interdiction définitive d'habiter.

On distingue donc deux situations différentes en fonction de la situation du logement, avec une graduation des mesures coercitives : le maire intervient pour de simples infractions au règlement sanitaire départemental ou en cas de manque d'hygiène ; le préfet et l'agence régionale de santé interviennent en cas de désordres plus importants conduisant à une situation d'insalubrité.

Quelle que soit la commune, il revient au préfet de prescrire les mesures propres à remédier à l'insalubrité d'un immeuble. Pour les communes de moins de 20 000 habitants ne disposant pas d'un SCHS, c'est l'agence régionale de santé qui établit le rapport constatant l'insalubrité.

S'agissant des plaintes ou des signalements reçus ne faisant pas mention d'insalubrité, les maires restent compétents pour intervenir et mener une visite du logement. Si, lors de cette visite, une insalubrité est constatée, il revient au maire de transmettre à l'agence régionale de santé ou au préfet le dossier, qui relève alors de la compétence de l'État.

La situation, je le comprends, monsieur le sénateur, peut paraître compliquée. Tout l'enjeu est de parvenir à caractériser les situations en amont, afin de déterminer si elles relèvent de mesures d'hygiène, la mairie étant alors compétente, ou de mesures de salubrité et de santé, incombant à l'État.

Mon ministère travaille donc actuellement à l'élaboration d'un formulaire qui pourra être complété par le plaignant ou, en cas de visite de la municipalité, par le maire ou l'adjoint délégué sur place, et qui permettra de déterminer si les situations relèvent de la compétence de la municipalité ou de celle de l'agence régionale de santé.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la ministre, vous en conviendrez, le distinguo que vous avez établi suppose que l'on puisse déterminer, lors de la première visite, dans quel cas on se situe. Cependant, il est nécessaire que ce soit un agent spécialement formé à cette fin qui établisse le diagnostic, car je ne crois pas que le maire soit en mesure de déterminer lui-même s'il s'agit d'une situation grave d'insalubrité ou d'un simple problème d'hygiène.

Je voudrais insister sur le cas des petites villes, et particulièrement de celles qui comptent un grand nombre de logements insalubres, construits par exemple dans les années trente. Il faudrait donner des consignes de souplesse aux services de l'État, car il arrive parfois que les agences régionales de santé renvoient les plaignants vers la commune, qui est quelque peu démunie pour faire face à ce type de situations. La régionalisation d'un certain nombre de services de l'État se traduit quelquefois par une perte de proximité avec les territoires ; trop souvent, les plaignants sont renvoyés vers le maire. Il en est ainsi dans ma commune, Le Bourget, en Seine-Saint-Denis, qui compte un important parc de logements insalubres : confrontés à la rigueur et à la longueur des procédures, nous ne pouvons traiter tous les problèmes.

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