Question de M. DOUBLET Michel (Charente-Maritime - UMP) publiée le 01/11/2012

M. Michel Doublet attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les préoccupations des personnels du laboratoire Cultures et Sociétés en Europe, concernant le projet de fermeture de l'unité mixte de recherche (UMR 7236). L'unité mixte de recherche Cultures et Sociétés en Europe est le seul laboratoire de sociologie associé au CNRS dans le Grand Est de la France, pièce maîtresse des échanges avec l'Allemagne et l'Europe et développant dans les sciences sociales des orientations ouvertes sur l'international. Elle a à son actif de nombreux programmes de recherche agréés par l'Agence nationale de la recherche, les institutions européennes et le Cercle Gutenberg. Elle a par ailleurs un rayonnement international qui se manifeste par un nombre élevé de co-tutelles de thèses, par des séminaires internationaux et une visibilité importante de ses chercheurs. Cultures et Sociétés en Europe forme de nombreux jeunes chercheurs (17 thèses soutenues depuis un an) et produit de nombreuses publications (1 800 publications sur quatre ans). Le laboratoire produit la Revue des sciences sociales, incube la start-up Almédia et se trouve à l'interface avec d'autres domaines scientifiques. Attachés au maintien de cette unité, ayant obtenu une très bonne évaluation de Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) et un avis très favorable de la section 36 du Comité national de la recherche scientifique, les chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs techniciens administratifs, chercheurs associés et doctorants du laboratoire, demandent le maintien de cette unité. En conséquence, il lui demande de lui faire part des mesures qu'elle entend mettre en œuvre.

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Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 24/01/2013

Cultures et sociétés en Europe (CSE), unité mixte de recherche de l'université de Strasbourg et du CNRS, est en effet mise en « Formation de recherche en évolution » (FRE) de fermeture à l'occasion de la contractualisation des unités pour la période 2013-2017. Cette décision a été prise par l'Institut des sciences humaines et sociales (InSHS) en s'appuyant sur une série de constats formulés dans le rapport d'évaluation de l'unité par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES). Elle prend son sens dans le cadre de la politique générale de l'InSHS. Elle a obtenu l'approbation du conseil scientifique de l'InSHS, puis du conseil scientifique du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Trois constats formulés par le comité d'évaluation AERES sont à l'origine de la décision. Le premier concerne l'évolution démographique des chercheurs CNRS de l'unité. Deux d'entre eux seulement seront encore présents en 2013, dont un qui atteindra la limite d'âge au cours du prochain quinquennal, en 2016. Cette unité souffre donc d'un déficit d'attractivité pour les chercheurs du CNRS, et leur faible présence limite fortement la portée de l'engagement de ce dernier dans CSE. Le second constat formulé par l'AERES a trait aux publications. Tout en saluant l'intérêt des recherches menées au sein de ce laboratoire, le rapport de l'AERES note avec insistance (à trois reprises, dont une fois dans son avis global sur l'unité), que les publications devraient être réorientées vers des supports plus visibles des disciplines auxquelles les chercheurs et enseignants-chercheurs de CSE appartiennent. Par exemple, sur un peu plus de 200 articles dans des revues à comité de lecture (pour cinq années et demie d'activité d'une trentaine de personnes), à peine plus d'une dizaine ont été publiés dans des revues généralistes de premier plan, que ce soit en sociologie ou dans d'autres disciplines. Enfin, le troisième constat porte sur les thématiques de l'unité. Le comité d'évaluation remarque que les recherches conduites au sein de CSE ne portent que marginalement sur l'Europe, et suggère même de faire disparaître la référence à l'Europe du nom de l'unité, en sorte de rendre ce dernier plus conforme à son activité effective. Plus précisément, l'Europe constitue certes un terrain pour la plupart des recherches des membres de CSE, comme c'est d'ailleurs le cas dans l'activité d'une proportion très significative des chercheurs en sciences humaines. Mais elle n'est pas en elle-même l'objet de ces recherches. Le projet de l'unité telle qu'elle existe actuellement découle d'une réflexion sur la thématique des conflits, mais sans qu'une réflexion équivalente ait été menée sur l'Europe. Ces trois constats, rapprochés de la politique générale du CNRS, expliquent la décision de fermeture. Ils expliquent aussi l'approbation que cette décision a rencontrée auprès des conseils scientifiques respectifs de l'InSHS et du CNRS. L'impossibilité pour le CNRS de soutenir toutes les bonnes unités de recherche des universités l'oblige à définir des priorités thématiques et des priorités par site, en sorte d'éviter une dispersion de ses moyens qui serait préjudiciable à leur bon usage. Sa politique scientifique vise donc notamment à permettre que ses ressources soient utilisées au mieux, en les consacrant à des unités où la présence du CNRS apporte une valeur ajoutée forte par rapport à l'activité des équipes d'accueil des universités. À cet égard, l'histoire et la géographie de Strasbourg justifient d'en faire un site prioritaire pour des recherches sur l'Europe, c'est-à-dire notamment sur la construction européenne, la comparaison des sociétés européennes et l'étude des processus d'européanisation de ces sociétés. Mais la faiblesse des effectifs CNRS que CSE est parvenu à attirer, la faible visibilité des supports d'une part très importante de ses publications, et le caractère marginal des questions européennes dans son projet, empêchent cette unité de remplir cette mission. C'est pourquoi, parallèlement à la décision de fermeture de CSE, l'InSHS a proposé à l'université de Strasbourg de mettre en route une réflexion en vue de créer une nouvelle unité de recherche en sciences sociales portant sur l'Europe. Cette proposition a été énoncée par Patrice Bourdelais lors d'une visioconférence avec Eric Westhof, vice-président recherche de l'UdS, le 18 octobre. Elle a été rappelée par Florent Champy, directeur-adjoint scientifique pour la sociologie, lors d'une assemblée générale de l'ensemble des personnels de CSE, à Strasbourg, le 22 octobre, puis dans un mail du 29 octobre à Pascal Hintermeyer, directeur de l'unité. Elle est assortie de trois ensembles de conditions qui, au vu des constats qui sont à la base de la décision de fermeture, semblent indispensables à la réussite d'un projet ambitieux d'unité sur l'Europe. La première condition est que les membres de CSE qui souhaiteront se lancer dans cette aventure nouent de nouvelles alliances afin d'offrir à l'unité un potentiel accru, c'est-à-dire à la fois les compétences pour investir de nouveaux objets cruciaux dans l'étude de l'Europe (par exemple le travail et les relations internationales, dont le comité d'évaluation mis en place par l'AERES a regretté l'absence), et pour augmenter le pouvoir d'attraction de l'unité à l'égard des chercheurs du CNRS. Il faudra, en deuxième lieu, qu'un travail de réflexion s'engage sur la base de ces alliances, avec pour objectif d'élaborer un projet donnant à l'Europe toute sa place comme objet de recherche en soi, et non plus seulement comme terrain. Les deux tutelles devront enfin s'engager à soutenir l'unité par des moyens qui ont fait défaut dans le passé, tant pour l'aider dans ses efforts pour inverser la pente démographique, que pour la doter de compétences nécessaires à la mise en œuvre de son projet. Le CNRS utilisera les ressources que constituent les délégations, voire une chaire, si l'UdS manifeste aussi son intérêt pour le projet qui aura été élaboré, en permettant le recrutement d'enseignants chercheurs spécialistes du travail et des relations internationales dans le cadre européen. Le dialogue noué mi-octobre entre les membres de l'unité et l'InSHS a d'ores et déjà permis de faire évoluer les positions d'une partie des personnels de l'unité. Son directeur, Pascal Hintermeyer, a ainsi demandé à Georges de Tapia, directeur de recherche au CNRS, d'amorcer une réflexion collective sur les directions à prendre pour l'élaboration d'un nouveau projet. Un groupe de travail réfléchit donc au périmètre et au projet d'une nouvelle unité, et, plus généralement, à la façon de répondre aux remarques de l'AERES et de l'InSHS. Cette réflexion devra permettre de donner toutes ses chances à la nouvelle unité de devenir un centre de référence, et de grande visibilité, sur les recherches sur l'Europe. D'autres personnels restent en revanche attachés à CSE dans sa forme ancienne. Un des enjeux de la période actuelle est que ces derniers n'empêchent pas les premiers d'avancer dans leur réflexion.

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