Question de M. RICHARD Alain (Val-d'Oise - SOC) publiée le 20/12/2012

M. Alain Richard attire l'attention de Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement sur les conditions d'exercice de l'hébergement social d'urgence en Île-de-France.

Depuis plusieurs années, le Samu social de Paris et d'autres associations d'accueil proposent à des personnes seules, des couples sans enfants ou des couples avec enfants, relevant de dispositifs d'accueil social variés, d'être accueillis au sein d'établissements hôteliers dans le cadre d'un hébergement d'urgence.

Aujourd'hui, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement définit dans le référentiel national "dispositif d'accueil, d'hébergement et d'insertion" (AHI), l'hébergement d'urgence (circulaire ministérielle n°DGCS/1A/2010/271 du 16 juillet 2010) comme suit : "l'hébergement d'urgence répond à une nécessité de mise à l'abri immédiate, que celle-ci résulte d'une demande spontanée ou d'une proposition. Il se caractérise par une durée d'hébergement la plus courte possible, dès lors que le dispositif doit être en mesure d'offrir rapidement un mode de prise en charge adapté dans le cadre des prestations différenciées de l'hébergement d'insertion".

Or dans plusieurs établissements hôteliers franciliens, dont l'un se trouve sur le territoire de la commune dont il est maire, il a pu constater que des personnes hébergées selon ces modalités pouvaient y être maintenues pour un séjour de très longue durée, pouvant excéder plusieurs mois et même se prolonger bien au-delà d'une année. Et on ne discerne aucune continuité dans le suivi de ces personnes en situation précaire de la part des organismes qui les ont dirigés vers ces établissements.

Il croit nécessaire d'appeler son attention sur les conditions d'hébergement observées dans ces hôtels. Dans un contexte de forte promiscuité, des personnes seules, souvent sans repères, côtoient des familles avec enfants en bas âge, ce qui entraîne de réels problèmes de coexistence. Certains de ces établissements n'offrent aujourd'hui plus aucune garantie en matière d'hygiène et de sécurité.

Il lui serait obligé de bien vouloir lui communiquer le montant des crédits utilisés par le SAMU social et les autres associations agréées à ce titre pour ce type d'hébergement en hôtel et les mesures envisagées pour en limiter la durée.

Il souhaiterait par ailleurs savoir dans quelles conditions légales se déroule un tel séjour, apparemment non conforme au référentiel national et quelles mesures de suivi personnalisé sont prises par les services sociaux pour conserver le contact avec les personnes en cause. Enfin, il lui serait reconnaissant de lui indiquer si un agrément est délivré aux établissements hôteliers pour l'hébergement d'urgence, et si c'est le cas, quelle est la fréquence de renouvellement de tels agréments.

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Réponse du Ministère de l'égalité des territoires et du logement publiée le 06/02/2013

Réponse apportée en séance publique le 05/02/2013

M. Alain Richard. Madame la ministre, je souhaite dialoguer avec vous concernant le problème de la charge d'hébergement dans les agglomérations urbaines, en évoquant bien évidemment la situation de l'Île-de-France, que je connais particulièrement.

Une grande partie de cette fonction d'hébergement est assurée dans des hôtels, retenus par les organismes en général associatifs chargés de la gestion sociale de l'hébergement. Je crois que vous connaissez les trois difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans le Val-d'Oise, car elles ne sont pas apparues avec ce gouvernement.

Premièrement, les organismes de gestion sociale - je pense en particulier au SAMU social de Paris, qui est le cas le plus emblématique parmi ceux que je connais - n'assurent qu'un suivi social extrêmement irrégulier des personnes dont elles ont la charge, lesquelles restent souvent sans le moindre contact pendant plusieurs mois.

Deuxièmement, les personnes qui sont juridiquement en situation d'hébergement d'urgence dans ces établissements d'accueil y restent en réalité des mois et des mois, parfois plus d'une année. Cette durée de séjour est anormalement longue.

Troisièmement, enfin, ces établissements sont dans un état matériel parfois très dégradé.

Par conséquent, mes questions sont le symétrique de ces constats.

D'abord, quel effort avez-vous l'intention d'engager afin qu'une vigilance accrue soit exercée quant à un suivi social régulier assuré par ces associations auprès des personnes et des familles accueillies dans ces structures d'accueil et que le partenariat qui vous unit à elles soit renforcé ?

Ensuite, est-il dans votre projet de développer une méthode permettant de garantir que, dans toute la mesure possible, les familles accueillies en hébergement provisoire n'y resteront pas « coincées » et verront leur situation résidentielle évoluer ?

Enfin, quelle politique de contrôle de l'état et de la sécurité des locaux d'hébergement comptez-vous engager ?

Je serais heureux de connaître vos intentions à cet égard, madame la ministre.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la situation de l'hébergement social d'urgence, plus particulièrement en Île-de-France, où la tension dans ce domaine est particulièrement forte.

Le Premier ministre et moi-même avons d'ores et déjà travaillé sur cette question, notamment à l'occasion de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Vous avez parfaitement raison de rappeler que, à aucun moment, l'hébergement en hôtel ne peut et ne doit être considéré comme une solution pérenne. Le Premier ministre s'est d'ailleurs exprimé à ce sujet, et la circulaire du 4 janvier dernier précise de manière très claire que le « recours à l'hôtel ou à des accueils ne respectant pas un niveau de qualité satisfaisant et ne permettant pas de faire de l'accompagnement de qualité doit être évité ».

C'est bien le chemin que nous prenons, celui d'une pérennisation de lieux d'accueil de bonne qualité offrant des solutions d'accompagnement. Par ailleurs, nous développons, en relation avec la Direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement en Île-de-France, la DRIHL, des services intégrés d'accueil et d'orientation, des dispositifs d'accompagnement vers et dans le logement, des solutions d'intermédiation locative, autant de réponses permettant d'assurer à ces familles un accompagnement de bonne qualité et utile vers un relogement définitif.

Ce ne sont pas là que de vaines paroles. En effet, ces engagements feront l'objet d'un accompagnement financier dans le cadre du budget 2013. Au cours de cette année, 9 000 places d'hébergement d'urgence et 9 000 places en logement accompagné seront créées. Cet effort extrêmement important nous permettra d'apporter une réponse structurelle.

Par ailleurs, force est de constater que le recours aux hôtels en Île-de-France est lié à l'aggravation de la crise et à l'augmentation des besoins en hébergement puisque le dispositif généraliste comptait au mois de juin 2012 plus de 31 100 places, soit une augmentation de 43 % par rapport à 2007. La réalité de la crise, il faut en être conscient, c'est une réalité humaine et sociale extrêmement violente, qui a des conséquences sur les hommes, les femmes, les familles. Cette situation nous a contraints ces derniers mois, tout particulièrement à l'automne, à accroître de manière très significative le nombre de places d'accueil et d'offres d'accompagnement. C'est en effet à cette période que nous avons constaté une aggravation de la situation, notamment celle des familles.

De fait, l'accompagnement renforcé des publics hébergés à l'hôtel fait partie de nos priorités, tout spécialement en Île-de-France. Le projet territorial de sortie d'hiver, sur lequel travaille d'ores et déjà la préfecture, sera l'un des éléments devant permettre d'aboutir à un système d'hébergement différencié, lequel s'accompagnera bien évidemment d'une mobilisation très importante de logements sociaux destinés à accueillir les personnes bénéficiant du droit au logement opposable, le DALO - c'est le cas d'un certain nombre des personnes hébergées en hôtel -, et d'un soutien à l'effort massif de construction en faveur duquel s'est engagé le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Je remercie Mme la ministre de la qualité et de la pertinence de sa réponse, qui confirme nombre d'éléments encourageants, notamment le financement de nouvelles places d'hébergement en 2013.

Néanmoins, je me permettrai d'insister sur deux points.

D'une part, il serait à mon avis bon que s'engage un dialogue plus serré avec les associations quant au contenu effectif de leur mission en matière de suivi social. N'ayant pas suffisamment creusé la question, je me garderai de poser un diagnostic sur l'accomplissement des missions du SAMU social de Paris, mais, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'interrogation est permise.

D'autre part, tout en poursuivant cette politique de développement des capacités d'accueil, il conviendrait de demander aux services préfectoraux compétents de s'assurer que les établissements hôteliers, qui ne se videront pas du jour au lendemain, offrent une qualité minimale d'accueil.

En conclusion, je formulerai deux observations.

Premièrement, madame la ministre, je souhaite - comme vous, j'imagine - que les places d'hébergement que vous avez l'intention de créer à court terme fassent l'objet d'un effort de redéploiement. Vous le savez aussi bien que moi, à ce jour, la très grande majorité de ces places sont concentrées dans des communes qui sont elles-mêmes fortement défavorisées. On assiste donc à un phénomène de suraccumulation, dont les manifestations sont en particulier les difficultés scolaires ou la surcharge des services sociaux.

Deuxièmement, à la lumière du constat que nous pouvons dresser en matière d'hébergement, il nous faudra engager un vrai travail d'évaluation des conséquences du DALO sur la politique du logement.

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