Question de M. GAUTIER Jacques (Hauts-de-Seine - UMP) publiée le 20/12/2012

M. Jacques Gautier demande à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, s'il ne faut pas encadrer plus strictement l'exercice de recours en matière de permis de construire afin de lutter contre l'acharnement procédural qui s'exerce depuis de nombreuses années dans ces domaines.
Les communes sont de plus en plus victimes de recours abusifs qui ralentissent les chantiers de plusieurs années et freinent le développement économique, social et urbanistique.
Il rappelle que les recours abusifs nuisent à la bonne administration de la justice. En encombrant inutilement nos tribunaux, ils mettent à mal le droit d'être jugé dans un délai raisonnable.
Afin de limiter ces recours, des règles spécifiques ont été introduites, mais il s'avère que ces dispositions sont insuffisantes pour prévenir les procédures abusives, notamment du fait que l'amende est rarement prononcée par le juge à l'encontre de l'auteur d'une requête abusive.
Il est du devoir du législateur de renforcer la procédure afin de responsabiliser les requérants dans la présentation de leurs recours.
Dans un contexte économique difficile, avec un chômage frôlant les 10 %, des secteurs comme le bâtiment fortement touchés par la crise et des milliers de nos concitoyens en attente de logements, notamment sociaux, il lui demande s'il ne faut pas introduire une consignation comme élément nécessaire à la recevabilité de la requête, fixée par le juge administratif en fonction des ressources, correspondant à l'amende pouvant être infligée.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 03/10/2013

Le délai moyen de jugement des affaires en matière d'urbanisme devant les juridictions administratives, hors procédure d'urgence et notamment de référé, était en 2011 un peu supérieur à deux ans devant les tribunaux administratifs (782 jours pour le contentieux des permis de construire) et de l'ordre d'un an et demi devant les cours administratives d'appel (543 jours). Le contentieux de l'urbanisme devrait, à l'avenir, bénéficier pleinement du mouvement significatif de réduction des délais de jugement devant les juridictions administratives. Les tribunaux administratifs ont en effet réalisé un effort considérable pour réduire leur délai moyen de jugement, qui s'établissait, à la fin de l'année 2011, toutes matières et procédures confondues, y compris d'urgence, à 327 jours (soit un peu plus de 10 mois). En revanche, la création d'une section spécialisée dans le contentieux de l'urbanisme au sein des tribunaux administratifs, à supposer que la taille des juridictions concernées le permette, n'apparaît pas comme une réponse appropriée pour en améliorer les délais de jugement. En effet, la mobilisation de certains magistrats administratifs exclusivement sur le contentieux de l'urbanisme se ferait au détriment d'autres contentieux présentant également des enjeux d'intérêt général. Une telle organisation ne permettrait au demeurant pas à elle seule, compte tenu des autres facteurs d'allongement des procédures, de garantir une réduction de la durée d'instruction de ces affaires. Il existe par ailleurs déjà des règles spécifiques au contentieux de l'urbanisme visant à assurer la sécurité juridique des demandeurs ou des bénéficiaires de permis de construire. Ainsi l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme prévoit-il que l'illégalité pour vice de forme ou de procédure de certains documents d'urbanisme ne peut être invoquée par voie d'exception après l'expiration d'un délai de six mois à compter de leur prise d'effet. L'article L. 600-2 du code de l'urbanisme prévoit quant à lui que si le plan local d'urbanisme a été modifié lorsqu'intervient la décision du tribunal administratif annulant un refus de permis de construire, c'est au regard des dispositions de l'ancien plan local d'urbanisme (PLU) que sera réexaminée la demande de permis de construire. Enfin, il peut être rappelé que lorsqu'une autorisation est contestée, le juge se place, pour en apprécier la légalité, à la date où elle a été délivrée, rendant sans effet sur sa légalité une modification ultérieure du PLU. Toutefois, le Gouvernement, particulièrement sensible aux enjeux de l'urbanisme, a demandé à un groupe de travail constitué autour du président Daniel Labetoulle, de formuler des propositions pour lutter contre les recours abusifs tout en veillant à la préservation du droit au recours des requérants. Le rapport de ce groupe de travail a été remis le 25 avril 2013. Parmi les propositions faites, certaines sont de nature à accélérer le traitement contentieux des autorisations d'urbanisme, comme la possibilité, pour le détenteur de l'autorisation de demander au juge de fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne pourront plus être invoqués, ou l'attribution d'une compétence de premier ressort aux cours administratives d'appel pour les projets importants. D'autres visent à lutter contre les recours frauduleux. Dans le prolongement de ces travaux, et sur la base de la loi d'habilitation n° 2013-569 du 1er juillet 2013, le Conseil des ministres du 17 juillet 2013 a adopté une ordonnance relative au contentieux de l'urbanisme. Le Gouvernement va ainsi, d'ici l'automne, prendre une série de sept ordonnances pour faciliter la réalisation d'opérations d'aménagement et accélérer la construction de logements. Pour lutter efficacement contre les recours malveillants, l'ordonnance encadre l'intérêt à agir du requérant dans le temps et dans l'espace. Ainsi, un recours ne sera recevable qu'à partir de la date d'affichage du permis de construire en mairie et que si la construction est de nature à affecter les conditions d'occupation des biens du requérant. De plus, l'ordonnance permet au juge de condamner le requérant de mauvaise foi à verser des dommages et intérêts au bénéficiaire d'un permis de construire, s'il estime que celui-ci a subi un préjudice excessif. L'ordonnance vise aussi à réduire les délais de traitement des contentieux d'urbanisme. Ainsi, un porteur de projet d'urbanisme pourra désormais régulariser son permis de construire en cours d'instance. Le pétitionnaire pourra ainsi apporter les modifications nécessaires pour assurer la légalité de l'autorisation d'urbanisme, sans reprendre la procédure dans son ensemble. Deux autres dispositions pour accélérer le traitement des contentieux, de nature réglementaire, feront l'objet d'un décret qui sera pris en septembre 2013.

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