Question de M. MIRASSOU Jean-Jacques (Haute-Garonne - SOC) publiée le 24/01/2013

M. Jean-Jacques Mirassou attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le manque de moyens dont souffre l'ensemble des juridictions et plus particulièrement celles concernées par l'expérimentation des assesseurs citoyens en matière correctionnelle.
Lors des différentes allocutions prononcées à l'occasion des rentrées solennelles de la Cour d'appel et du tribunal correctionnel de Toulouse, les magistrats toulousains n'ont pas manqué de souligner à la fois le manque de temps et de moyens, en personnel ou en matériel, auxquels ils doivent faire face au regard notamment de l'augmentation significative en 2012 du nombre de jugements correctionnels (hausse de 10 %) et de poursuites exercées par le Parquet (hausse de 18,9 %). Cette situation pénalisante a d'ailleurs amené un des leurs, dans ses propos, à introduire le concept « d'urgentistes de la justice ».
Par ailleurs, il faut ajouter qu'en prétendant rapprocher les citoyens de leur justice, le précédent Gouvernement avait envisagé l'extension aux tribunaux correctionnels du principe des jurés citoyens siégeant dans les cours d'assises.
Un an après le lancement de l'expérimentation au tribunal correctionnel de Toulouse, les mêmes magistrats, ceux du siège comme ceux du parquet, dressent un bilan négatif de cette cohabitation de prétoire.
En effet, cette expérience, toujours en cours, conduit mécaniquement à un engorgement des audiences alors que l'ambition affichée était pourtant d'améliorer l'efficacité de la procédure de jugement en permettant des réponses pénales plus rapides.
Les efforts déployés par les magistrats professionnels pour expliquer les détails procéduraux aux assesseurs et la complexité humaine des affaires jugées en composition collégiale ont entraîné un accroissement de 50 % de la durée des audiences au détriment des audiences dites « classiques ». Un des magistrats a également souligné le fait que « l'institution judiciaire ne doit pas avoir pour vocation de faire de la pédagogie en direction des citoyens ».
Les résultats attendus ne se sont donc pas produits et les citoyens assesseurs ont plutôt contribué à « gripper davantage la machine judiciaire ».
L'inquiétude des magistrats toulousains qui doutent, à juste titre, de pouvoir à moyens constants « juguler l'influence délétère de cette réforme sur les délais de jugements » paraît donc justifiée.
Devant ce constat et sachant qu'une mission d'audit a été confiée à deux magistrats de la Cour de cassation, il souhaiterait savoir si la suppression pure et simple de cette expérimentation est envisagée et si des mesures sont prévues quant au manque flagrant d'effectifs souligné par tous.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 29/08/2013

L'amélioration des moyens et de l'efficacité de la justice, en particulier civile, fait partie des objectifs prioritaires de la ministre de la justice. Cette ambition s'est concrétisée, dès le budget 2013, par la création de 142 emplois pour la justice du quotidien et un doublement des crédits de modernisation informatique dont la majeure partie bénéficiera aux juridictions. Le tribunal de grande instance de Toulouse a connu en 2011 et 2012 une progression sensible de son activité, en lien, d'une part, avec l'évolution générale des compétences confiées aux tribunaux de grande instance du fait de réformes législatives récentes, d'autre part, avec l'augmentation de l'activité juridictionnelle locale propre au ressort, qui a absorbé celui du tribunal de grande instance de Saint-Gaudens au 1er janvier 2011. Sa situation demeure saine dans le domaine civil, avec un délai de traitement moyen inférieur à celui des juridictions comparables et un nombre de dossiers évacués supérieur à celui des dossiers nouveaux. La situation est, en revanche, plus délicate en matière pénale car, au-delà d'une probable augmentation du nombre d'affaires poursuivables (affaires pour lesquelles l'infraction est constituée et l'auteur connu), l'expérimentation de la loi sur la participation des citoyens à la justice pénale pèse lourdement sur l'activité du tribunal correctionnel : en 2012, le jugement de 337 affaires par le tribunal correctionnel composé en la forme citoyenne, soit moins de 15 % du total des affaires relevant de la formation collégiale, a entraîné une hausse de 26 % du stock de dossiers en attente de jugement. Cet impact de la réforme des citoyens assesseurs sur les délais de traitement des procédures n'est pas propre au tribunal de grande instance de Toulouse puisqu'il a été observé dans les autres juridictions concernées par l'expérimentation. Compte tenu de ces éléments pour le moins contrastés, il a été décidé de suspendre l'extension de l'expérimentation prévue au 1er janvier 2013 dans huit cours d'appel et de confier à deux magistrats de la Cour de cassation la mission de dresser le bilan de l'expérimentation des citoyens assesseurs. Ces magistrats se sont déplacés dans les juridictions afin de rencontrer les magistrats, fonctionnaires et avocats ainsi que des citoyens assesseurs. Leur rapport a été remis à la garde des sceaux le 28 février dernier. Le rapport souligne que, si le dispositif a amélioré l'image de la justice auprès des citoyens qui ont participé à l'expérimentation, il a été lourd et coûteux pour les juridictions tant en termes de charge de travail et d'organisation des audiences qu'en termes d'accompagnement et de formation des citoyens assesseurs. Est ainsi relevé que « le lourd processus de sélection annuelle des citoyens assesseurs, leur gestion au quotidien, leur information périodiquement recommencée compte tenu de leur faible durée de leur service effectif, la sensible augmentation de la durée de l'audience sont autant de facteurs de complication pour les juridictions ». Il y est également indiqué que « mécaniquement, quelque soit le mode d'organisation choisi, le dispositif, s'il est appliqué à moyens constants, ne peut qu'entraîner une diminution de la capacité de jugement, le temps d'examen des affaires citoyennes étant très supérieur à celui requis pour une affaire classique (généralement trois dossiers en audience citoyenne contre huit à vingt en audience classique) ». Sur la base de ces constats, la garde des sceaux a décidé de l'arrêt de l'expérimentation de ce dispositif dans les cours d'appel de Dijon et Toulouse à compter du 30 avril 2013.

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