Question de M. BOCKEL Jean-Marie (Haut-Rhin - UDI-UC) publiée le 22/03/2013

Question posée en séance publique le 21/03/2013

Concerne le thème : L'Europe de la défense

M. Jean-Marie Bockel. Environ 90 % de nos compatriotes adhèrent à l'idée d'une coopération européenne plus étroite en matière de défense. Dans le contexte de crise économique et de réduction des budgets de défense que nous connaissons un peu partout en Europe, le renforcement des capacités militaires de l'Union européenne semble très opportun.

La création de l'Agence européenne de défense, l'AED, en 2004, afin d'harmoniser nos efforts de défense, a constitué une avancée, fondée sur l'idée d'un partage et d'une mutualisation des moyens. Un certain nombre de projets décisifs ont été lancés. Jean-Pierre Chevènement a notamment cité les avions ravitailleurs, dont on mesure actuellement l'utilité ; c'est un exemple positif, et il en faudrait d'autres.

Cependant, l'AED est confrontée à des obstacles persistants. En particulier, son budget reste modeste : il stagne depuis trois ans à un niveau de 30 millions d'euros annuels.

Le renforcement des capacités de l'Union est pourtant primordial à au moins deux titres.

D'une part, l'industrie de défense n'est pas une industrie comme les autres, en raison de sa dimension stratégique. En effet, sans une solide base industrielle et technologique de défense, l'Europe risque fort de voir s'éroder son indépendance stratégique et donc sa capacité d'influer sur la scène internationale, de promouvoir ses valeurs propres, que nous partageons tous.

D'autre part, le potentiel de développement et de création d'emplois du secteur de la défense est considérable ; c'est un point particulièrement important en temps de crise. Il suffit de faire le parallèle avec l'industrie aérospatiale, qui constitue un véritable succès européen, pour se rendre compte de notre potentiel. Je pense également aux nombreuses opportunités dans le domaine de la cyberdéfense, hautement stratégique et qui connaît une croissance exponentielle.

Un Conseil européen de défense se tiendra en décembre prochain. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer – j'associe Yves Pozzo di Borgo, qui suit les enjeux de défense européenne au sein de notre groupe, à ma question – quelles seront les propositions mises sur la table pour améliorer la coopération européenne sur le plan capacitaire ? Comment la France, nation cadre en matière de défense et qui entend le rester – je l'espère en tout cas –, peut-elle soutenir les grands programmes structurants et favoriser les rapprochements industriels ?

Enfin, qu'en est-il du renforcement espéré des moyens matériels et humains de l'AED, dont la directrice est d'ailleurs une compatriote ?

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Réponse du Ministère de la défense publiée le 22/03/2013

Réponse apportée en séance publique le 21/03/2013

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le sénateur, je partage votre appréciation sur la situation de l'AED et je m'associe à votre soutien à cette agence, qui est un outil important. C'est non une agence de programme - l'OCCAR, organisme conjoint de coopération en matière d'armement, remplit cette fonction -, mais un outil de coopération capacitaire qui tente de faire converger l'expression des besoins opérationnels des États. Cet outil a apporté la preuve de son efficacité.

Il existe une difficulté, que vous avez signalée : le budget de l'AED reste très modeste, avec seulement 30 millions d'euros par an. En outre, ce budget n'est pas réévalué, alors qu'il devrait l'être pour que l'AED puisse exercer ses compétences et assumer ses missions. En effet, lors de chaque réunion du conseil de l'AED, la représentation britannique bloque toute réévaluation ; je l'ai encore constaté il y a quelques semaines. J'espère que le Conseil européen de défense qui se tiendra en décembre sera en mesure de donner un nouveau souffle à l'AED.

Pour ma part, je souhaite que ce Conseil européen de décembre, qui sera le premier depuis cinq ans à s'occuper des questions de défense, soit l'occasion de prendre l'engagement d'organiser à l'avenir une réunion annuelle pour permettre aux chefs d'État et de gouvernement européens d'aborder les questions de défense. Je souhaite également que nous obtenions une véritable avancée pratique, et non pas théorique, de l'Europe de la défense sur trois points : dans le domaine opérationnel - en particulier sur la manière de gérer les crises -, en matière de partage capacitaire - l'AED peut jouer un rôle essentiel à cet égard -, ainsi que sur la définition du socle de l'industrie et des technologies de défense européennes et des moyens de renforcer nos capacités d'initiative.

Telles sont les bases sur lesquelles nous travaillons aujourd'hui. Nous voulons que ce débat permette de dégager des orientations pragmatiques et efficaces, afin qu'il ne s'agisse pas d'un coup d'épée dans l'eau à un moment donné de l'histoire de l'Europe.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour la réplique.

M. Jean-Marie Bockel. Il existe de belles potentialités en matière de rapprochement de nos industries de défense. J'ai cité l'exemple de la cyberdéfense, qui est en plein développement. Les entreprises européennes gagneraient à travailler ensemble, notamment pour fabriquer certains équipements sensibles.

Je pourrais également citer, dans un secteur plus « rustique », celui des munitions, l'entreprise Manurhin, que je connais bien puisqu'elle est installée à Mulhouse : elle a déjà ouvert son capital à une participation minoritaire slovaque et elle pourrait s'associer avec d'autres entreprises, de Belgique ou d'ailleurs, afin de devenir un fleuron de son secteur.

J'ajoute que notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée par Jean-Louis Carrère, a récemment pris l'initiative, appuyée par la quasi-totalité des groupes, de vous soutenir, monsieur le ministre, dans votre bataille pour que notre budget de défense ne descende pas en dessous de 1,5 % du PIB. Cela me semble extrêmement important, et je voulais profiter de ce débat pour rappeler ma détermination, notre détermination à vous soutenir dans cette bataille qui précède les arbitrages. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

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