Question de Mme DEMESSINE Michelle (Nord - CRC) publiée le 25/04/2013

Mme Michelle Demessine attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la concentration dans le secteur des médias.

En effet, à ce jour, malgré l'existence des lois anti-concentrations de 1984 et 1986, la quasi-totalité des titres de la presse française sont dans la main de quelques groupes industriels et financiers.

Cette situation tend fortement à nuire à l'indépendance et au pluralisme des médias.

De plus, elle amène une précarisation croissante de journalistes, dont les bonnes conditions de travail sont, pourtant, essentielles à la vivacité de notre démocratie.

Elle souhaiterait donc savoir quelles mesures entend prendre le ministère pour lutter contre le phénomène de concentration dans le secteur des médias.

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Réponse du Ministère chargé de l'agroalimentaire publiée le 20/11/2013

Réponse apportée en séance publique le 19/11/2013

Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, le pluralisme et l'indépendance de la presse sont l'un des principaux moteurs de la vivacité de notre démocratie. Néanmoins, force est de constater que la mainmise par quelques grands groupes industriels sur les titres de la presse régionale et nationale tend à mettre à mal ce pluralisme et cette indépendance.

Par exemple, le groupe belge Rossel a racheté les principaux titres de la région Nord-Pas-de-Calais, en acquérant entre autres Nord Littoral, Nord Éclair, Direct Lille et, bien sûr, La Voix du Nord, si bien que le pluralisme de la presse y a presque totalement disparu.

Ces opérations financières menées depuis quelques années aboutissent à ce que quatre à cinq groupes industriels fassent la pluie et le beau temps de l'actualité nationale et surtout régionale.

De plus, ce processus de concentration s'accompagne d'une fusion des rédactions qui conduit à des licenciements, à la disparition de titres de presse et, pour les journalistes, à une insécurité professionnelle grandissante et, surtout, à un taux de précarité exorbitant.

C'est ainsi que de 20 % à 25 % des journalistes sont désormais pigistes ou en contrat à durée déterminée ; preuve que le malaise est profond, la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels a dû abaisser ses critères d'attribution à des revenus équivalents à un demi-SMIC.

Cette situation, qui découle principalement des stratégies financières des grands groupes industriels, est particulièrement préoccupante tant le journalisme est non pas un secteur industriel comme un autre mais le garant de la qualité du débat public et de la bonne santé de notre démocratie.

Ce phénomène de concentration est d'autant plus inquiétant que, si vous ajoutez la concurrence du journalisme en ligne et la rupture annoncée du moratoire postal, qui représente une charge nouvelle de 45 millions d'euros imputée aux éditeurs de presse, c'est la presse écrite tout entière qui se meurt à petit feu.

Alors que les lois anticoncentration apparaissent particulièrement dépassées du fait de leur contournement systématique par les grands groupes industriels, il est nécessaire de renforcer les dispositifs anticoncentration, comme s'y était d'ailleurs engagé, à juste titre, le Président de la République à l'occasion de la campagne présidentielle.

Dans cette optique, ne serait-il pas judicieux d'envisager quelques pistes, comme l'établissement d'un seuil de concentration capitalistique, d'audience ou de diffusion, une limitation du nombre de titres entre les mêmes mains, l'obligation pour les entreprises de presse de publier les informations relatives à la composition de leur capital ?

Monsieur le ministre, ma question est donc la suivante : quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre concernant la concentration dans le secteur des médias ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Mme Aurélie Filippetti, qui est en déplacement à Abu Dhabi et m'a donc chargé de vous répondre.

Je profite de la question que vous avez posée pour réitérer le plein soutien, la totale solidarité du Gouvernement avec le quotidien qui a été attaqué hier. Lorsque l'on s'en prend à un journal, c'est la démocratie que l'on atteint.

Je voudrais également réaffirmer l'attachement viscéral du Gouvernement au pluralisme de la presse quotidienne d'information, qu'elle soit nationale ou régionale. Nous considérons - et je sais que nous partageons cette conviction - que c'est une garantie fondamentale de la liberté de la presse ; mais c'est aussi, nous le savons, un objectif de valeur constitutionnelle.

Que dit la loi en la matière ?

La loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse permet de lutter contre les concentrations dans la presse d'information quotidienne politique et générale, afin de garantir précisément ce pluralisme. Concrètement, cela signifie qu'il est aujourd'hui interdit à une personne ou à un groupement de personnes de posséder, de contrôler ou d'éditer des quotidiens d'information politique et générale dont la diffusion totale serait supérieure à 30 % de la diffusion en France de l'ensemble des publications de cette nature.

Qu'en est-il en 2013 ? Aucun groupe de presse n'approche ce seuil des 30 %. Dans la presse quotidienne nationale, les concentrations sont, de fait, très limitées. Dans la presse quotidienne régionale, on constate des concentrations plus importantes, mais qui n'atteignent en aucun cas le seuil des 30 %.

Le groupe EBRA - Est Bourgogne Rhône-Alpes -présente le taux de concentration le plus important : 18,5 %.

Dans le même temps, nous devons veiller à ne pas fragiliser certains titres de presse déjà très durement touchés par la crise économique. C'est la raison pour laquelle si les opérations de concentration doivent être limitées eu égard aux objectifs que je viens de citer, elles ne doivent pas pour autant être exclues a priori.

En effet, l'appartenance à un groupe de presse peut aussi permettre de répartir certaines charges communes et d'assurer ainsi la survie de certaines publications. Il convient donc de trouver un équilibre.

Sachez, madame la sénatrice, que le Gouvernement entend être le garant du respect du pluralisme, essentiel à la démocratie, et veiller à soutenir, autant qu'il est possible, la presse quotidienne nationale et régionale d'information.

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