Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - UMP) publiée le 17/05/2013

Question posée en séance publique le 16/05/2013

Concerne le thème : Politique de lutte contre le terrorisme dans notre pays

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, tous les orateurs qui se sont exprimés l'ont dit, et je l'affirme à mon tour : la prévention du terrorisme et la lutte contre ce fléau dépassent largement tous les clivages. Plusieurs textes, en 2006, en 2008, puis votre loi de 2012 reprennent et amplifient l'action conduite de longue date sur ce plan, et c'est très bien ainsi.

Toutefois, depuis quelque temps, à la suite de l'affaire Merah et à l'occasion d'autres drames, un certain nombre de critiques, parfois excessives, ont été émises au sujet des dysfonctionnements de nos services de renseignement.

Avant tout, la République doit rendre hommage à tous les agents de nos services intérieurs et extérieurs, qui risquent leur vie au quotidien sans toujours obtenir beaucoup de reconnaissance.

M. Vincent Capo-Canellas. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !

M. Roger Karoutchi. Néanmoins, un rapport rendu public la semaine dernière affirme, à la suite de différentes études, qu'un certain nombre de mesures doivent être prises. Ce document préconise, entre autres, la création d'une inspection des services ou d'une autorité indépendante permettant, par exemple, de juger de la proportionnalité des moyens de collecte d'informations utilisés pour obtenir des renseignements à l'intérieur comme à l'extérieur. En clair, ce rapport invite à favoriser l'accès à un certain nombre de sources, afin d'assurer un meilleur contrôle sur les services concernés.

Certes, la transparence a parfois du bon, mais elle peut également être un peu inquiétante. De fait, elle peut devenir un élément de doute et de danger pour les agents en mission sur le terrain.

Ma question est donc assez simple. Oui, vous l'avez dit, les services de renseignement doivent être coordonnés, notamment via le lien entre la DGSE et la DCRI. Oui, il faut renforcer les moyens de la DCRI. Mais quelles mesures envisagez-vous de prendre pour que la transparence, notamment à l'égard du Parlement, ne conduise pas à une remise en cause de la confidentialité, et donc à une mise en danger de l'ensemble de nos agents, à l'intérieur comme à l'extérieur ? Après tout, eux aussi défendent l'État et la République ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées du groupe socialiste. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 17/05/2013

Réponse apportée en séance publique le 16/05/2013

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Karoutchi, sur le fond, j'adhère à ce que vous venez de dire, notamment en préambule. Le besoin de transparence existe et, au sein des grandes démocraties, les parlements doivent pouvoir traiter des questions de renseignement de manière sereine, dans le souci du respect de la loi. Parallèlement, nous devons protéger ces agents qui servent les intérêts fondamentaux de notre pays.

Le rapport de Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, vient d'être rendu public. Il faut encore un peu de temps pour en tirer toutes les conclusions.

Quoi qu'il en soit, pour aller dans le sens du rapport, je peux d'ores et déjà vous indiquer qu'il est nécessaire de renforcer les bases juridiques encadrant l'action des services de renseignement. La plupart des grandes démocraties ont engagé de semblables démarches pour se doter d'outils protecteurs. Force est de reconnaître que notre pays a encore du mal à concevoir de tels instruments. C'est bien sûr cet équilibre-là qu'il nous faut atteindre.

À cet égard, les conclusions de la mission Urvoas sont ambitieuses et, me semble-t-il, bienvenues, même si elles méritent encore d'être examinées dans le détail. Ces préconisations posent les jalons d'une réflexion qui pourra opportunément être menée sur ce sujet au cours des prochains mois. C'est d'ailleurs un travail que nous avons déjà engagé dans le cadre de la loi antiterroriste.

D'autres questions se posent concernant les bases juridiques de l'action des services de renseignement. Je songe notamment à l'opportunité de faire évoluer la loi de 1881, sujet que nous avons déjà évoqué dans cet hémicycle. Chacun conviendra que ce texte n'offre pas un cadre adapté aux réalités du monde contemporain. Je pense, par exemple, aux notions de prescription ou de publicité sur internet et sur les réseaux sociaux.

Les services de renseignement demandent des bases juridiques plus solides, à même de les prémunir. Or le Parlement et la société tout entière exigent plus de transparence, tandis que nous devons protéger les agents des services concernés et garantir l'efficacité de leur action, qui nécessite évidemment le secret.

Telle est la ligne de crête sur laquelle nous devons cheminer ensemble.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, c'est une évidence, le chemin que nous devons suivre est une ligne de crête. Le Parlement comme l'opinion veulent être informés mais, nous le savons bien, ceux qui prennent les décisions et donnent les instructions ont souvent besoin de secret et de discrétion pour agir en toute efficacité.

Naturellement, un équilibre doit être trouvé. Nous serons extrêmement vigilants à cet égard, afin de ne pas remettre en cause la confidentialité, et partant l'efficacité de nos services pas plus que la sécurité de leurs agents.

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