Question de M. FAVIER Christian (Val-de-Marne - CRC) publiée le 24/05/2013

Question posée en séance publique le 23/05/2013

M. Christian Favier. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Dans une semaine, le Sénat examinera un projet de loi tendant à renforcer les métropoles. Loin d'être un texte de décentralisation, il vise à concentrer les pouvoirs locaux en poursuivant l'effacement des communes et des départements entamé avec la réforme de 2010.

L'entreprise, on le sait, est difficile à faire accepter. Pas moins de dix versions du projet ont été élaborées ; finalement, il sera présenté sous la forme de trois textes, à la cohérence incertaine.

Le premier, relatif aux métropoles, donne pleins pouvoirs à des conférences territoriales pour imposer aux départements et aux communes des politiques locales venues d'ailleurs, crée des métropoles dans une quinzaine d'aires urbaines en retirant tout pouvoir à quelque 5 000 communes, réduit la capacité d'intervention de plus de quarante départements et déstabilise l'action d'une bonne douzaine de régions.

Ce bouleversement est appelé à toucher près de 30 millions de nos concitoyens : cette réforme, on peut le dire, ébranle l'ensemble de notre édifice républicain, fondé sur nos communes.

Notre attachement aux communes ne relève pas d'un archaïsme. La commune est pour nous le creuset de notre système démocratique. À l'heure où l'éloignement des centres de décision inquiète nos concitoyens et suscite souvent leur colère, la démocratie de proximité, symbolisée par la commune et le département, constitue un atout et non une charge, contrairement à ce qu'affirment volontiers certains cercles libéraux.

Devant la perspective de ce chamboulement généralisé, la commission des lois du Sénat a supprimé certaines des mesures annoncées et récrit le texte, sans en remettre en cause l'orientation.

Madame la ministre, le Sénat ne dispose que d'une seule semaine pour étudier ce nouveau texte…

Mme Isabelle Debré. C'est vrai !

M. Christian Favier. … et aucune consultation n'est plus possible. De telles conditions de travail ne permettent pas de faire vivre l'esprit des états généraux de la démocratie territoriale que notre assemblée a organisés, ni de solliciter l'avis des élus, des agents territoriaux et des populations sur des sujets qui les concernent directement. Il n'est pas sérieux de travailler ainsi.

M. Jackie Pierre. C'est vrai !

M. Christian Favier. Compte tenu de l'importance des enjeux pour l'avenir de nos territoires et de ceux qui y vivent, nous vous demandons de reporter l'examen de ce texte. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.) Il faut le récrire pour y introduire une nouvelle phase de démocratisation – réelle – de nos collectivités territoriales, afin de leur permettre de mieux répondre aux besoins des populations, d'assurer leur autonomie financière, comme le prévoit notre Constitution, et de créer les conditions de leur coopération volontaire en vue de développer les services locaux. En un mot, il faut faire confiance à l'intelligence locale et non la contraindre.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Christian Favier. Il est de notre responsabilité, madame la ministre, d'assurer la tenue d'un réel débat démocratique, dans un climat serein, respectueux de chacun. Cette réforme doit constituer la nouvelle étape d'une décentralisation démocratique et sociale et rejeter les dogmes libéraux, dont le seul credo est la réduction des services publics. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et de l'UMP.)

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Réponse du Ministère de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique publiée le 24/05/2013

Réponse apportée en séance publique le 23/05/2013

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le sénateur Favier, je note que l'UMP a applaudi votre appel au rejet des dogmes libéraux... (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Dallier. Eh oui ! C'est le changement !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. L'article 42 de la Constitution impose que la discussion porte sur le texte issu des travaux de la commission, et non sur celui que le Gouvernement avait déposé.

Il n'en reste pas moins que le Gouvernement a bien l'intention de défendre son texte initial, au travers d'un certain nombre d'amendements et d'un débat sans aucun doute de haute tenue sur les modifications introduites par la commission des lois. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Monsieur le sénateur, vous avez insisté sur le respect des communes et sur les compétences attribuées à certaines collectivités territoriales au détriment d'autres.

Nous avons tenu, conformément à un engagement pris par le Président de la République avant son élection, à garder les communes comme élément majeur et fondateur de la République.

Mme Éliane Assassi. C'est la moindre des choses !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous avons eu ici de longs échanges sur le rôle du maire, représentant de la République, garant de la conduite d'un certain nombre de politiques. Ce rôle sera maintenu.

Nous avons également eu de longs débats sur la mutualisation des services entre les communes et les intercommunalités ; personne n'y reviendra.

Monsieur le sénateur Favier, nous avons choisi de faire confiance aux élus. Nous aurions pu définir durement les « chefs de filat », à l'image de ce qui avait été proposé en amont, mais nous avons préféré demander aux élus de réfléchir entre eux sur la façon dont on peut partager des compétences. Dès lors que le Président de la République s'est engagé à rétablir, pour toutes les collectivités territoriales, la clause de compétence générale, il faudra en gérer l'application. À cet égard, nous avons proposé, à travers les conférences territoriales de l'action publique, de s'en remettre aux élus pour définir la répartition des compétences et le champ de la subsidiarité.

Tout repose sur la confiance ; malheureusement, monsieur le sénateur Favier, je n'ai pas l'impression que les élus se fassent confiance entre eux. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP. - Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Dallier. Et les applaudissements ? Pourquoi n'applaudissez-vous pas ?

M. Jean-Claude Lenoir. Vous voilà bien timides, à gauche !

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