Question de M. GOURNAC Alain (Yvelines - UMP) publiée le 09/05/2013

M. Alain Gournac attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur certaines incohérences préoccupantes en matière de sécurité.

Constatant que les pickpockets étaient toujours plus nombreux et toujours plus agressifs au Louvre, la direction du musée avait déposé plainte auprès du parquet de Paris, en décembre 2012, et également demandé des renforts policiers. Devant le silence assourdissant des pouvoirs publics, deux cents agents ont fini par exercer, le 10 avril 2013, leur droit de retrait.

Selon le représentant d'un syndicat, « les agents viennent parfois la peur au ventre au travail parce qu'ils se trouvent confrontés à des bandes organisées de pickpockets qui sont de plus en plus agressifs, dont des mineurs, qui entrent gratuitement dans le musée et qui, même interpellés par la police, reviennent quelques jours plus tard ».

Malgré les nombreuses plaintes des agents, aucune mesure sérieuse n'avait été mise en place pour remédier à ces agissements qui portent préjudice aux visiteurs, pour beaucoup étrangers, et nuisent à la réputation de notre pays. Déjà le 20 mars 2013, l'agression d'un groupe de touristes chinois devant un restaurant au Bourget avait fait réagir Pékin.

On ne peut que s'étonner qu'il faille une grève pour que ces agents d'accueil soient entendus par les autorités. Cette grève ayant eu lieu après la « Manifestation pour tous » de mars 2013, au cours de laquelle des jets de gaz lacrymogènes furent dirigés contre des familles et des enfants défilant pacifiquement, on ne peut que s'inquiéter de voir la façon dont les forces de police sont utilisées à des fins partisanes au lieu d'être déployées comme il faut, là où il faut.

Aussi, lui demande-t-il les mesures qu'il entend prendre pour que les réalités, en matière de sécurité, soient mieux appréhendées et les réponses mieux adaptées aux différentes situations et ce avec la réactivité qui s'impose.

- page 1467


Réponse du Ministère chargé des Français de l'étranger publiée le 10/07/2013

Réponse apportée en séance publique le 09/07/2013

M. Alain Gournac. Madame la ministre, je vous remercie d'avoir pris la peine de venir au Sénat remplacer M. le ministre de l'intérieur, dont je regrette qu'il ne puisse être présent pour répondre personnellement à ma question, car celle-ci fait suite à une conversation que nous avions eue précédemment. Je comprends cependant qu'il soit occupé.

Madame la ministre, les faits sont aujourd'hui un peu anciens, mais le principe qui semble les sous-tendre est toujours d'actualité, et c'est ce qui m'a conduit à interroger M. Valls sur ce que j'appelle le « deux poids, deux mesures » en matière de sécurité. Ce phénomène commence à créer un réel malaise dans notre pays !

Rappelons quelques faits. En décembre 2012, les pickpockets étant toujours plus nombreux - une armée ! - et toujours plus agressifs au Louvre, la direction du musée avait déposé plainte auprès du parquet de Paris. Elle avait également demandé des renforts policiers.

Au 10 avril 2013, aucune mesure sérieuse n'ayant été mise en place pour remédier à ces agissements qui portent préjudice aux visiteurs - des étrangers pour la plupart, ce qui donne à penser que les actes en question ternissent en outre gravement la réputation de notre pays -, deux cents agents du musée ont fini par exercer leur droit de retrait ; en d'autres termes, ils se sont mis en grève.

Quelques semaines plutôt, le 20 mars 2013, l'agression d'un groupe de touristes chinois rançonnés devant un restaurant au Bourget avait fait réagir Pékin : cela confirme le caractère grave de ces agissements et l'image déplorable qu'ils donnent de notre pays.

Cette grève des agents du Louvre a eu lieu après la « manif pour tous » du 24 mars 2013, au cours de laquelle des jets de gaz lacrymogène furent dirigés contre des familles défilant pacifiquement. J'y étais, cela s'est passé derrière moi !

Donc, quand le ministre de l'intérieur en a eu besoin, il a su trouver des forces de l'ordre pour faire taire les opposants au mariage pour tous, alors même que ce n'était pas leur rôle : c'est au maintien de l'ordre républicain, et non de l'ordre socialiste, qu'elles doivent être employées.

En évoquant ce dévoiement préoccupant, qui inquiète les Français, je ne peux m'empêcher de penser à ce jeune opposant au mariage pour tous qui a été interpellé et incarcéré à Fleury-Mérogis. Son cas étant examiné aujourd'hui par la cour d'appel de Paris, je n'en dirai pas plus.

Le 13 mai, au Trocadéro, la police, insuffisante en nombre, n'a pu empêcher qu'éclatent de violents affrontements entre supporteurs de clubs de football et que le quartier soit mis à sac. Depuis, elle a remonté les pistes de jeunes casseurs connus de ses services et procédé à des arrestations. Trop tard ! Les violences avaient eu lieu, provoquant des dégâts estimés à un million d'euros.

Ma question est double. Comment les forces de police sont-elles utilisées ? Quelles mesures le ministre entend-il prendre pour que les situations, en matière de sécurité, soient mieux appréhendées, c'est-à-dire avec bon sens et sans esprit partisan ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, ma réponse ne sera pas partisane : ce sera simplement celle du ministre de l'intérieur, qui vous prie d'excuser son absence ce matin.

La lutte contre la délinquance, en particulier contre les pickpockets aux abords du Louvre, constitue l'une des priorités des effectifs de la préfecture de police.

Autour du secteur touristique Louvre-Palais-Royal, plus de 10 000 personnes ont fait l'objet d'un contrôle depuis juin 2012 et plus de 2 000 individus ont été interpellés pour vol simple, vol à l'étalage, vente à la sauvette ou escroquerie à la suite des 140 opérations réalisées. Depuis le début de l'année 2013, ces contrôles, réalisés sur la base de réquisitions du procureur de la République, ont été maintenus et récemment renforcés dans le cadre du plan mis en place depuis le 7 juin pour accroître la sécurité des zones touristiques.

La présence policière aux abords des principaux sites parisiens a fait l'objet d'un renforcement depuis le mois d'avril dernier. Ainsi, chaque jour, plus de deux cents policiers sont mobilisés dans toute la capitale et dans les réseaux de transport pour lutter notamment contre les faits de délinquance commis à l'encontre des touristes.

Au-delà du renforcement de la présence policière, une série de mesures de nature à renforcer la sécurité des touristes fréquentant la capitale a été présentée par le préfet de police. Ce plan, fondé sur vingt-six mesures, a été défini en partenariat avec la Ville de Paris, les professionnels du tourisme, dont l'office du tourisme et des congrès de Paris et les responsables des sites touristiques, les hôteliers, les transporteurs ainsi que différents ministères. Il s'articule autour de quatre axes.

Premièrement, il vise au renforcement de la présence policière sur les sites touristiques les plus visités et les hôtels qui accueillent des touristes étrangers.

Deuxièmement, il prévoit la mise en place d'un partenariat actif avec les ambassades, les gestionnaires des activités liées au tourisme, les hôteliers de Paris et de la périphérie, ainsi que la RATP et la SNCF, pour identifier ensemble les secteurs d'action prioritaires, organiser les dispositifs de sécurité appropriés, veiller à une meilleure information et à une sensibilisation plus grande des étrangers concernant les bonnes pratiques en matière de sécurité.

Troisièmement, ce plan comprend l'amélioration de l'accueil des victimes étrangères, en facilitant le dépôt de plainte dans sa langue d'origine, l'accès aux services de police à proximité des sites touristiques et la prise de contact avec des interprètes.

Quatrièmement, enfin, il tend à une meilleure diffusion de l'information sur la sécurité à travers une nouvelle édition d'un guide pratique, Paris en toute sécurité, qui sera traduit en six langues.

Ces actions ont d'ores et déjà permis d'enregistrer des résultats significatifs. Le nombre de violences volontaires dans les secteurs touristiques a diminué de 12 % par rapport au mois d'avril 2012 et le nombre de plaintes pour vol dans l'enceinte du musée du Louvre est passé de cent vingt, en moyenne, par mois à une trentaine en mai, soit une baisse de 75 %. La direction de l'établissement a d'ailleurs exprimé publiquement sa satisfaction et salué le travail accompli par les services de police à l'occasion d'une visite sur site du préfet de police, le 6 juin dernier.

Les résultats obtenus démontrent, pour répondre directement à votre question, que les forces de police sont déployées comme il le faut, là où il le faut, dans le souci constant d'assurer à nos concitoyens comme à tous ceux qui visitent la capitale un cadre de vie sûr et respectueux des droits de chacun.

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse, mais je tiens à vous raconter une anecdote : sortant un jour de l'Assemblée nationale, je me suis rendu à la Madeleine à pied, en traversant donc la place de la Concorde. Sur tout le trajet, je n'ai pas vu un seul policier et le touriste originaire d'Extrême-Orient qui marchait devant moi aurait très bien pu se faire dévaliser sans que son voleur soit autrement inquiété ! Vous me parlez de deux cents policiers, mais je ne les ai pas vus ! De toute façon, ce nombre est insuffisant !

Comment voulez-vous qu'aujourd'hui, avec deux cents policiers, on protège tous ceux qui visitent la capitale, les étrangers et les provinciaux, qui sont aussi des cibles, car les uns et les autres ne sont pas toujours vigilants, laissant leur portefeuille dans la poche arrière de leur pantalon ou leur sac ouvert ?

Dans votre réponse, j'ai été intéressé par l'idée de protéger certaines sorties d'hôtel. Car ces délinquants commencent à s'attaquer aux touristes devant leur hôtel, pendant qu'ils attendent leur autocar ou un taxi !

Je voudrais également saluer la sortie du guide pratique à destination des visiteurs. C'est une très bonne chose : on peut le distribuer aux touristes dès leur arrivée, en prenant garde toutefois à ne pas leur faire peur !

Madame la ministre, vous affirmez que la police est bien utilisée. Mais voici un article d'un journal du soir dans lequel un syndicat de CRS dit tout le contraire ! (L'orateur montre une coupure de journal.) Dans cet article, plutôt bien fait, les CRS avouent avoir honte de la manière dont ils sont employés.

Je vais même parler pour les gendarmes, qui n'ont pas de syndicats et qui n'ont pas le droit de s'exprimer. Je suis officier de gendarmerie : je connais donc un peu ces questions. J'étais à une manifestation durant laquelle les gendarmes qui étaient devant moi m'ont confié leur honte quant à l'utilisation que l'on fait d'eux dans les manifestations contre le mariage pour tous.

Moi, j'étais derrière la banderole des élus. C'était d'un calme absolu, il y avait des femmes et des enfants, beaucoup de petits enfants - je n'aurais d'ailleurs pas emmené manifester de si jeunes enfants ! -, mais le déploiement de police était absolument incroyable, madame la ministre, je vous l'assure. J'ai rarement vu cela pour une manifestation !

Mme Catherine Procaccia. C'est vrai !

M. Alain Gournac. Je sais bien, madame la ministre, que ce n'est pas facile pour vous, mais quand on voit, juste après, les évènements du Trocadéro... Moi, qui ne suis rien, qui ne dispose pas d'un service de renseignement, mais je savais qu'il allait y avoir des incidents ! Il suffit d'écouter et de regarder autour de soi : les voyous échangent des messages sur Twitter. Ils avaient effectivement prévu de tout casser ! J'ai même vu des policiers s'écarter pour laisser passer des voyous qui s'en prenaient aux vitres d'un café !

Alors, madame la ministre, je vous demande de transmettre à M. Valls qu'il lui faut bien mesurer l'utilisation des forces de police afin de ne pas prêter le flanc à de telles critiques dans la presse. Je ne suis pas intéressé par les polémiques, je suis fier de mon pays et je voudrais que les touristes y soient bien accueillis !

- page 6978

Page mise à jour le