Question de M. CAMBON Christian (Val-de-Marne - UMP) publiée le 27/06/2013

M. Christian Cambon appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la décision de la ville de Paris d'implanter une aire d'accueil pour les gens du voyage dans le bois de Vincennes.

Cette décision ne prend pas en compte la charte pour la protection et l'aménagement durable du bois de Vincennes et la décision unanime, défavorable, de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages.

Les maires des communes riveraines du bois de Vincennes (Saint-Mandé, Saint-Maurice, Vincennes, Nogent, Joinville, Charenton) et les villes proches (Saint-Maur, Maisons-Alfort) se mobilisent pour empêcher cette nouvelle atteinte à l'intégrité du bois de Vincennes et protéger la vocation d'espace vert naturel essentiel aux populations de notre région.

Après la foire du trône installée sur douze hectares, les installations militaires, le centre de rétention des étrangers en situation irrégulière, le bois de Vincennes perd peu à peu sa vocation d'espace de nature, de promenade, d'activités sportives de plein air.

Eu égard au fait que cette décision de la ville de Paris est en contradiction avec la décision de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages, il lui demande si elle compte re-convoquer cette institution nationale afin qu'elle puisse se prononcer sur ce projet d'installation de l'aire d'accueil des gens du voyage dans le bois de Vincennes.

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 11/09/2013

Réponse apportée en séance publique le 10/09/2013

M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, ma question porte sur la protection du bois de Vincennes en tant qu'espace naturel.

Ce poumon vert à l'est de Paris constitue, avec le bois de Boulogne, cher à notre présidente de séance, à l'ouest, les seuls véritables espaces verts à la disposition des habitants de Paris et de la banlieue.

Certaines grandes métropoles comptent de vastes espaces verts en leur centre - je pense notamment à Berlin, à Londres et à New York. Tel n'est pas le cas pour Paris. Aussi, ces bois ont une importance essentielle pour la qualité de vie dans notre région.

Leur gestion administrative dépend de la Ville de Paris, mais les communes riveraines, et bien au-delà, se sentent évidemment concernées par le devenir de ces espaces verts.

Or, malheureusement, et depuis des années - ces observations ne visent pas seulement l'actuelle municipalité -, nous assistons à une remise en cause de la vocation de ces bois, qui devraient être exclusivement réservés à la promenade, aux sports de plein air et aux activités de nature.

Malheureusement, des implantations successives d'établissements de toute nature viennent empiéter sur les espaces forestiers, au point que, dans le bois de Vincennes, près d'un tiers de la surface initiale a disparu. On le voit parfaitement sur Google Maps. Ainsi, 11 hectares ont été définitivement neutralisés pour accueillir la Foire du Trône et différents cirques, des installations militaires couvrent une partie substantielle du nord du bois et on y a même réalisé un centre de rétention des étrangers en situation irrégulière. Et voilà que le Conseil de Paris vient en plus de décider d'y implanter - ainsi que dans le bois de Boulogne - une aire d'accueil des gens du voyage !

Cette décision du maire et du Conseil de Paris a été prise sans aucune concertation avec les villes riveraines. Elle ne respecte pas la charte que nous avions signée avec le maire en 2003 sur l'aménagement durable du bois de Vincennes, laquelle stipulait notamment que celui-ci n'a pas vocation à servir de réserve foncière pour des projets qui ne sont pas en rapport strict et immédiat avec la qualité de ces territoires.

Certes, le Conseil de Paris a voulu remplir ses obligations au titre de la loi de 2000 relative à l'accueil des gens du voyage. Il est clair néanmoins que le choix de ce terrain ne correspond pas aux objectifs fixés par la loi puisqu'il n'y a dans le bois de Vincennes aucune école, aucun centre de santé, aucune structure sociale susceptibles de favoriser l'insertion de ces populations.

Pour répondre à ces objections, la Ville de Paris a proposé que les enfants des gens du voyage soient scolarisés dans le douzième arrondissement de la ville, à plus de trois quarts d'heure en navette de leur lieu de résidence.

C'est pourquoi les maires des communes riveraines du bois de Vincennes - Saint-Mandé, Saint-Maurice, Vincennes, Nogent, Joinville, Charenton - et les villes proches - Saint-Maur, Maisons-Alfort - se sont mobilisés pour empêcher cette nouvelle atteinte à l'intégrité du bois de Vincennes et protéger la vocation d'espace vert naturel essentiel aux populations de notre région.

La Commission supérieure des sites, perspectives et paysages de votre ministère, saisie à notre demande par l'un de vos prédécesseurs, avait rejeté à l'unanimité le projet de la Ville de Paris en novembre 2011. Des dizaines de milliers de protestations ont été recueillies pour contester cette décision incompréhensible.

Notre but n'est pas, en effet, de porter atteinte au droit légitime de ces populations. Chaque commune a le devoir, comme nous le faisons nous-mêmes, de prendre les dispositions nécessaires pour respecter la loi. Néanmoins, la protection d'un site naturel d'une telle qualité, essentiel à la santé et à l'épanouissement de nos populations, doit être assurée.

À cet égard, nous sommes nombreux à penser que, dans le cadre de la future métropole parisienne, l'organisation et le choix d'implantation d'aires de gens du voyage devraient relever de la compétence de la future métropole et non de décisions successives des élus, qui tendent à rejeter ce genre d'équipement le plus loin possible de leurs populations.

Aussi, monsieur le ministre, puisque la Ville prétend avoir remanié ce projet dans le bois de Vincennes, je vous demande de bien vouloir prescrire, comme la loi vous y autorise, l'examen de ce nouveau projet par la Commission des sites, que vous avez seul le pouvoir de convoquer.

Le bois de Vincennes, par son histoire, par son rôle essentiel, ne peut dépendre uniquement de la décision des élus et, quelque part, l'État est engagé et doit exercer sa responsabilité.

Monsieur le ministre, vous venez de prendre vos fonctions. Nous fondons beaucoup d'espoir sur vous et sur un examen objectif par vous de ce dossier. Vous avez le devoir d'être éclairé de manière neutre et je vous demande donc de bien vouloir me faire part des décisions que vous comptez prendre pour protéger l'un des espaces verts les plus importants de notre région.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le sénateur, je vous remercie des bonnes intentions que vous me prêtez, mais, je le crains hélas ! comme l'on dit souvent, on ne sort de l'ambiguïté qu'à son propre détriment.

Vous avez déjà posé une question sur le même sujet, en avril 2013, au ministre de l'intérieur, qui vous a alors répondu.

S'agissant des éléments relevant de mon ministère, je peux vous indiquer qu'un premier projet avait, en effet, été présenté, le 17 novembre 2011, devant la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages, ou CSSPP, laquelle avait émis un avis défavorable sur l'opération proposée ainsi que sur celle, similaire, envisagée dans le site classé du bois de Boulogne.

Deux nouveaux projets ont donc été élaborés et présentés le 28 mars 2013 devant la commission départementale de la nature, des paysages et des sites de Paris.

Tenant compte de la nette évolution des propositions d'aménagement, cette dernière a émis un avis favorable sur les deux dossiers. En effet, les projets intègrent, dorénavant, pour ce qui concerne le projet situé dans le bois de Vincennes, la quasi-totalité de l'aire de stationnement et recompose un ensemble paysager procédant à une requalification et à une renaturation du plateau de Gravelle.

Par ailleurs, l'aire d'accueil pour les gens du voyage a fait l'objet de modifications substantielles, en particulier avec la réduction du nombre des constructions envisagées.

Les nouveaux projets avaient donc pris en compte les demandes exprimées par l'inspecteur général dans son rapport présenté devant la CSSPP en novembre 2011 et fait l'objet d'un avis favorable des instances locales.

Aussi, au vu des éléments que je viens de porter à votre connaissance, ma prédécesseur - et c'est une décision que j'assume - a autorisé, le 24 juin 2013, conformément aux dispositions de l'article L. 341-10 du code de l'environnement, les travaux d'aménagement paysager et l'installation d'aires d'accueil pour les gens du voyage dans le site du bois de Vincennes, ainsi que dans celui du bois de Boulogne.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Dans votre réponse, monsieur le ministre, vous vous en êtes tenu aux éléments juridiques et administratifs, je le regrette. En tant que nouveau ministre de l'écologie, vous auriez pu porter un jugement de fond quant à la nécessité de préserver ces bois.

Vous avez dit, à l'occasion d'une précédente question, que vous étiez un ministre dont le territoire d'origine était rural. Selon moi, vous ne saisissez peut-être pas tout à fait l'importance de réserver ces hectares des bois de Boulogne et de Vincennes à 8 millions d'habitants. Au fur et à mesure, la ville de Paris continuera à mettre dans le bois de Vincennes ce qu'elle ne veut pas accueillir sur son territoire. Je le déplore. Nous continuerons notre combat par d'autres voies.

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