Question de M. REINER Daniel (Meurthe-et-Moselle - SOC) publiée le 27/06/2013

M. Daniel Reiner attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'augmentation du nombre de suicides dans la police nationale.
En effet, il semble que le nombre de policiers qui se suicident sur leur lieu de travail et avec leur arme de service soit en augmentation ces dernières années. Les syndicats avancent le chiffre de 43 suicides en 2012 contre 30 en 2010. Selon ces mêmes sources, le taux de suicide est de 36 % supérieur chez les policiers par rapport aux autres professions. Malheureusement, cette tendance semble se confirmer en 2013 et, chaque mois, la presse se fait l'écho de nouveaux drames.
Si les raisons de ces actes sont multiples, il apparaît néanmoins que la dégradation des conditions de travail de ces agents de l'État au cours des dernières années soit aussi une des causes de ces suicides. La diminution du nombre de fonctionnaires de police et les objectifs de rendement décidés par le précédent Gouvernement ont clairement participé de cette dégradation.
M. Daniel Reiner souhaiterait connaître les mesures que le Gouvernement a prises et entend prendre pour améliorer le quotidien de ces personnes, qui assurent des missions essentielles au bon fonctionnement de la société, et ainsi mieux prévenir le mal-être et le suicide.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 31/10/2013

Au sein de la police nationale, la moyenne des suicides déplorés au cours des cinq dernières années est de 42 par an. Le suicide par arme de service est le plus fréquent et a représenté 55 % des suicides constatés au cours des années 2008 à 2012. Il est prématuré de conclure à une recrudescence dans l'utilisation de l'arme de service en 2013, même si la lecture brute des données du premier semestre semble indiquer une progression de ce mode opératoire (plus des deux tiers des décès sont dus à l'utilisation de l'arme administrative). En 2011 et 2012, années au cours desquelles une étude spécifique a été effectuée, respectivement 10 % et 20 % des suicides ont été commis sur le lieu de travail. Il n'est pas observé de surreprésentation des jeunes policiers dans ces drames, puisque la tranche d'âge la plus concernée est celle des 40-44 ans. S'il est établi que les causes sont majoritairement d'ordre privé, la difficulté du métier de policier ne peut être niée dans les facteurs déclenchant le passage à l'acte. Le suicide au sein de la police nationale est une préoccupation majeure du ministère de l'intérieur qui conduit depuis plusieurs années une politique volontariste. Le ministère dispose d'un service de soutien psychologique opérationnel (SSPO) composé, sous l'autorité d'une psychologue, de soixante psychologues cliniciens répartis sur l'ensemble du territoire. Ces professionnels sont chargés de répondre aux demandes d'assistance psychologique des fonctionnaires de police et des interventions urgentes à la suite d'événements traumatiques. Ils assurent une écoute, un soutien et un accompagnement des policiers en difficulté, organisent des permanences et des séances d'information. Des actions de prévention sont également menées, notamment avec des groupes de parole. Depuis la mise en œuvre de ce dispositif de prévention, le nombre de suicides, même s'il reste trop élevé, a régressé dans la police nationale, passant de 50 dans les années 1990 à 42 par an. Le renforcement du dispositif de prévention se poursuit. Le directeur général de la police nationale a adressé le 22 décembre 2009 une instruction aux directeurs et chefs de service de police, les invitant à intensifier la mobilisation de tous les personnels pour mieux détecter les situations de vulnérabilité. Par ailleurs, un rapport d'étude épidémiologique sur le suicide au sein des services de police, remis en juin 2010 par l'institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), a préconisé une coordination renforcée de l'ensemble des réseaux institutionnels de professionnels de soutien (médecins de prévention, assistants de service social, psychologues notamment). Une instruction du 13 novembre 2012 du directeur général de la police nationale, complétée par une note du 20 mars 2013, a permis d'instituer progressivement les « pôles de vigilance suicide » au sein de chaque département dans les services territoriaux de la police nationale. Sous l'égide du médecin de prévention, ils réunissent les professionnels de soutien pour la mise en œuvre d'une prévention coordonnée et anticipée. Une complémentarité est attendue avec le dispositif expérimental de veille par des « sentinelles ». Ce dispositif, adapté d'une expérience canadienne, s'appuie sur la désignation de « personnes ressources » ayant bénéficié d'une formation spécifique et chargées de faire l'interface entre les personnes en souffrance et les instances institutionnelles de prise en charge. La réflexion sur les modalités de l'expérimentation a été engagée en juillet. Par ailleurs, le service de soutien psychologique opérationnel (SSPO) va être renforcé par un médecin expert et doté d'un numéro vert. Il doit parallèlement faire l'objet d'une évaluation par une mission d'inspection générale interministérielle. Les résultats de cette évaluation permettront de faire évoluer sa doctrine d'intervention et ses moyens. Enfin, la désignation d'un médecin-conseil viendrait compléter cette organisation. Il pourrait s'agir d'un expert psychiatre qui pourrait être commun aux deux services de soutien psychologique de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Il doit également être souligné la remise début 2013, par les inspections générales de l'administration, de la police nationale et de la gendarmerie nationale, d'un rapport d'audit sur la prévention du suicide parmi les personnels des forces de sécurité intérieure de l'État. Ses préconisations sont en cours de mise en œuvre, notamment : - une réforme des tests psychotechniques et un temps de parole suffisant pour les psychologues lors des jurys de sélection, qui doivent permettre de déceler, dès la phase du concours d'entrée, les profils fragiles ou instables ; - la généralisation et la densification des formations permettant de prendre en compte les risques psycho-sociaux (RPS) et la prévention du suicide, en particulier au bénéfice des policiers exerçant une activité d'encadrement ; les écoles de formation initiale des cadres de la police nationale ont ainsi intégré des modules spécifiques de formation au management en sécurité et en santé au travail centrés sur le stress, les RPS et le suicide ; - la mise en place de locaux et de points de dépôt sécurisés pouvant permettre aux policiers d'y déposer leur arme après le service ; - l'organisation plus fréquente de phases de « defusing » (premier récit à chaud et spontané) ou de débriefing technique suite à un événement marquant ou traumatisant.

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