Question de M. BORDIER Pierre (Yonne - UMP) publiée le 11/07/2013

M. Pierre Bordier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur l'avenir de l'École nationale vétérinaire d'Alfort (ENVA) et du centre d'application de Champignelles, dans l'Yonne, qui fait partie intégrante de l'École d'Alfort.
Le centre icaunais a été créé en 1975 afin de prolonger l'enseignement théorique d'Alfort vers une application pratique et clinique de la formation de vétérinaire par une mise en conditions réelles.
Deux transformations majeures en ont fait un complément incontournable et indispensable du cycle de formation de l'école dans sa globalité : d'une part, entre 1985 et 1996, l'acquisition par la directrice de l'établissement d'un site d'exploitation agricole et forestier exceptionnel de près de 86 ha et, d'autre part, la rénovation et la modernisation de l'établissement lui-même en 2007, répondant aux critères et normes européennes actuels, les deux opérations ayant été rendues possibles grâce à un cofinancement franco-européen. Ce site tout neuf et exceptionnel par la variété de sa production animale n'a jamais cessé d'afficher une activité florissante et une réelle rentabilité puisqu'à crédits constants, il attire chaque année davantage d'étudiants, français et étrangers. La qualité de son enseignement et les perspectives d'avenir qu'il offre en termes économiques, à la fois pour l'avenir professionnel des étudiants (très avantageux) et pour l'emploi dans la région, sont très signifiantes.
En outre, il semble que la volonté affichée des responsables politiques ces dernières années est bien de se réapproprier les territoires et de lutter contre la désertification rurale.
Pourtant, alors que l'ENVA est en déficit budgétaire et cherche des solutions pour redresser ses comptes, depuis 2005, Champignelles subit des alourdissements procéduraux dans la réalisation de ses projets, laissant planer un doute sur d'éventuelles intentions sacrificielles sur son avenir, à défaut de trouver d'autres solutions pour sauver l'ENVA de la faillite.
C'est pourquoi il souhaiterait être rassuré sur les intentions du Gouvernement à ce sujet, sachant que le centre de Champignelles ne saurait être inquiété sur la base d'un simple raisonnement comptable, a fortiori au regard de l'important investissement européen dont il a fait l'objet depuis sa création et qui nous rend comptables de son existence et de sa réussite aux yeux de l'Europe.

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Réponse du Ministère chargé de l'agroalimentaire publiée le 11/09/2013

Réponse apportée en séance publique le 10/09/2013

M. Pierre Bordier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Centre d'application de Champignelles, dans l'Yonne, a été créé en 1975 pour permettre à l'enseignement théorique de l'Ecole nationale vétérinaire d'Alfort, l'ENVA, de trouver son application pratique et clinique sur les productions animales. Il a connu plusieurs évolutions, principalement sur fonds de la région Bourgogne et de l'Europe.

Tout d'abord, on a assisté, pendant la période 1985-1996, à la création d'un site d'exploitation agricole exceptionnel de 86 hectares, s'insérant activement dans une démarche de développement régional grâce à l'implantation d'une ferme riche d'une grande variété de productions animales.

Puis, en 2007, on a vu l'achèvement de la construction d'une nouvelle plateforme d'enseignement de 286 mètres carrés, répondant aux exigences des nouvelles normes européennes en termes de santé publique.

L'activité du Centre a connu une croissance exponentielle jusqu'à ce jour, la qualité de son mode d'enseignement et la situation exceptionnelle du site étant reconnues par tous les acteurs concernés.

Les résultats sont là : une situation budgétaire en équilibre pour le seul centre de Champignelles, une augmentation du nombre d'étudiants, français et étrangers, chaque année, et des perspectives de sortie de formation avantageuses. La gestion dynamique du Centre est principalement due à la persévérance et à la foi de sa directrice, qui a su mener avec passion son entreprise aujourd'hui florissante jusqu'à ce niveau d'excellence.

Néanmoins, depuis 2005, un alourdissement des procédures, des autorisations et des moyens permettant au Centre d'engager de nouveaux projets laisse planer le doute sur son avenir.

L'ombre d'une intention sacrificielle pesant sur le Centre, au nom d'un quelconque raisonnement comptable, est difficilement acceptable.

Permettez-moi de vous rappeler que le Centre est la pierre angulaire de l'enseignement initial du Département des productions animales et de santé publique, le DPASP, ce département ayant en charge la formation de vétérinaires destinés à l'exercice rural et en hygiène alimentaire, c'est-à-dire en prise directe avec les préoccupations du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Il est, par ailleurs, essentiel à l'atteinte des critères d'agrément internationaux tels que ceux de l'A3EV. L'arrêt de l'enseignement initial de Champignelles serait d'autant plus préjudiciable qu'il entraînerait ipso facto l'échec de la prochaine évaluation de l'A3EV prévue fin 2014-début 2015.

Peut-on alors raisonnablement envisager la non-pérennisation du Centre d'application ?

De même, peut-on remettre en cause l'usage de crédits européens très importants sur ce site depuis 1985, crédits gérés par la région Bourgogne elle-même et accordés uniquement dans ce but ?

En outre, le Centre est sous l'emprise d'un bail emphytéotique, qui continuerait de courir quoi qu'il advienne.

Le Centre ne peut pas être une variable d'ajustement de l'ENVA, sur fond de rééquilibrage uniquement comptable. Champignelles, c'est la transition de la théorie à la pratique, passage indispensable à un enseignement clinique de grande qualité, en situation, répondant aux critères des normes européennes, allant jusqu'à l'agroalimentaire et intégrant des enseignements en matière d'hygiène alimentaire.

Ce centre est donc le complément indispensable d'Alfort et est aujourd'hui vital à sa survie.

Je souhaiterais, pour finir, rappeler que la volonté clairement affichée ces dernières années de nos responsables politiques de tous bords est bien de redynamiser, voire de revitaliser et de se réapproprier les territoires, et donc clairement de lutter contre la désertification rurale, ce à quoi répond dans une certaine mesure Champignelles en termes de retombées économiques - emplois et interactions professionnelles in situ.

Nous souhaiterions juste être certains que la problématique est bien comprise et considérée dans toute sa dimension, afin d'être rassurés sur l'avenir de ce site exceptionnel qu'est Champignelles. On peut même considérer que Champignelles ne nous appartient plus tout à fait désormais puisqu'il est l'œuvre commune de nos collectivités et de l'Europe.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Monsieur le sénateur, l'École nationale vétérinaire d'Alfort, l'ENVA, est l'une des quatre écoles vétérinaires françaises et constitue donc un élément clé du dispositif national de formation de nos vétérinaires.

La qualité de cette formation est d'une importance évidente pour chacun d'entre nous - je pense, en particulier, à vous, monsieur le sénateur, qui, comme votre passé professionnel en témoigne, connaissez le rôle essentiel des vétérinaires pour la protection de la santé publique et la sécurité alimentaire. Cela va de soi, mais je me devais de le rappeler.

Cette école fait l'objet d'un soutien particulier depuis plusieurs années. Reconnaissons toutefois qu'aujourd'hui elle connaît d'importantes difficultés.

Sachez que le rétablissement de la santé financière de l'École nationale vétérinaire d'Alfort constitue une priorité pour nous. Stéphane Le Foll a eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises.

Dans le cadre de l'élaboration du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'ENVA est l'une des pierres angulaires dans la réflexion pour la création d'un pôle vétérinaire national qui s'appuiera - qui devra s'appuyer - sur les quatre écoles existantes.

Au sein de l'ENVA, le centre d'application en productions animales de Champignelles sert de centre de formation et d'hébergement des étudiants et des vétérinaires en zone rurale, plus proche des exploitations et des animaux.

Je me dois de vous le dire, malgré tout l'intérêt qu'il constitue, le modèle économique du Centre doit être repensé.

Je vais vous donner quelques points de repère pour bien fixer les choses. L'exploitation agricole a un budget de dépenses de l'ordre de 190 000 euros mais ne génère que 130 000 euros de recettes.

Sur l'hébergement et la formation, le budget annuel de fonctionnement du Centre est de l'ordre de 305 000 euros.

Au total, le coût annuel est de 365 000 euros, sans inclure la masse salariale des agents de l'État.

Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, de redressement des comptes publics et de sérieux budgétaire auquel nous devons nous astreindre, ce budget ne permet pas la maintenance préventive des bâtiments qui se dégradent et qui finiront par nécessiter de coûteuses réparations, notamment sur le château acquis dans les années quatre-vingt.

Aussi, la pérennisation du Centre de Champignelles passera par l'élaboration et la mise en œuvre d'un nouveau modèle économique impliquant l'ensemble des partenaires concernés ; vous en avez cité quelques-uns. Ce travail est actuellement en cours et il devra être finalisé dans les prochains mois.

Nous sommes convaincus que ce centre contribue fortement à la qualité de la formation de nos vétérinaires. C'est la raison pour laquelle nous nous efforçons, Stéphane Le Foll et moi-même, de trouver des solutions pour assurer son avenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Bordier.

M. Pierre Bordier. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me rassure partiellement. Vous avez fait une ouverture, indiquant qu'il fallait trouver de nouvelles solutions pour maintenir le Centre. Cela permettra d'aller plus loin et de voir localement comment nous pouvons travailler ensemble pour pérenniser ce centre national qui me semble avoir une importance toute particulière s'agissant du passage de la théorie à la pratique.

J'étais de ceux qui, avant même l'ouverture du Centre, ont accueilli les élèves d'Alfort dans ma clientèle. À partir de ce moment-là, nous avons monté un projet apte à développer la pratique chez nos jeunes vétérinaires. Il faut, à mon sens, absolument continuer sur cette voie, même si nous devons, bien évidemment, comprendre qu'il faut changer quelque chose.

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