Question de M. BAILLY Gérard (Jura - UMP) publiée le 24/10/2013

M. Gérard Bailly attire l'attention de M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les conséquences de la mise en place d'études d'incidences au titre des zones Natura 2000, pour activités agricoles et forestières.
Le réseau Natura 2000 est issu de la mise en application de deux directives européennes : La directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, dite directive « oiseaux » et la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive « Habitats ». Ce réseau est constitué d'un ensemble de sites naturels, terrestres et marins identifiés pour la rareté ou la fragilité des espèces de la flore et de la faune sauvage et des milieux naturels qu'ils abritent.
Si les objectifs sont louables, la mise en application est beaucoup plus discutable.
La démarche française de mise en place du réseau Natura 2000 a débuté au milieu des années 1990. À l'époque, l'adhésion à Natura 2000 était présentée comme un avantage pour les territoires, sans engagements particuliers. Les propriétaires et agriculteurs volontaires pouvaient bénéficier de mesures contractuelles pour restaurer certains milieux ou pour entretenir l'espace. Aujourd'hui, Natura 2000 représente 12,5 % du territoire français dont 27 % du territoire jurassien.
Sur le plan agricole, jusqu'à la fin des années 2000, Natura 2000 était globalement bien accepté. Les personnes qui ont souhaité contractualiser ont pu le faire de manière volontaire.
Or, le 4 mars 2010, la France a été condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne pour insuffisance de transposition de la directive « habitats » en droit national. Pour y remédier, l'État a institué, par décret n° 2010-365 du 9 avril 2010, le principe des études d'incidences. Ainsi, de nombreuses activités et en particulier les activités agricoles et forestières, vont être soumises à la réalisation de ces études dont les coûts incomberont aux agriculteurs et aux forestiers.
En zone Natura 2000, retourner une prairie permanente, arracher une haie, réaliser un drainage, ou simplement, exploiter une parcelle forestière nécessitera la réalisation d'une étude préalable, faute de quoi des pénalités financières pourront s'appliquer au titre des mesures de conditionnalité de la politique agricole commune (PAC) notamment.
Concernant le retournement des prairies, pour le seul département du Jura, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Franche-Comté envisage de soumettre 45 % des surfaces en herbe à cette nouvelle réglementation dont les modalités d'application et les zonages seront définis dans les prochains mois par arrêté préfectoral interdépartemental, ce qui est inacceptable. Une telle réglementation fait naître une opinion très défavorable vis-à-vis de Natura 2000.
Il demande une concertation sérieuse entre la profession agricole et les organismes concernés (DREAL, direction des territoires …) pour définir des portions restreintes de territoire soumis à études d'incidence. Il souhaite aussi connaître l'avis du Gouvernement sur ces réglementations, de plus en plus nombreuses pour les zones Natura 2000.

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Transmise au Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie


Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 29/05/2014

La France a fait le choix de la voie partenariale et contractuelle pour mettre en œuvre le réseau Natura 2000. Cette approche, basée sur l'implication des partenaires socio-économiques, repose notamment sur la contractualisation de mesures de gestion des milieux, laquelle est essentielle pour favoriser des pratiques permettant le maintien ou la restauration, dans un état de conservation favorable, des habitats et espèces d'intérêt communautaire justifiant la désignation des sites Natura 2000. Toutefois, ainsi que le prévoit la directive 92/43 « habitats, faune, flore », les objectifs assignés au réseau de sites Natura 2000 ne peuvent être atteints qu'avec la mise en place d'un outil performant de prévention des dommages des activités humaines sur ces sites. C'est à cette fin, que, dans un contexte de contentieux européen (condamnation de la France par arrêt du 4 mars 2010), le régime d'évaluation d'incidences Natura 2000 a été renforcé et son champ d'application élargi. Une concertation approfondie avec les professions agricole et forestière a été conduite tant au niveau national que local. Fruit de ces discussions, l'ensemble des acteurs ont soutenu unanimement et explicitement ce dispositif, tel qu'il a été conçu. Trois listes positives permettent d'identifier les « documents de planification, programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, manifestations et interventions dans le milieu naturel ou le paysage » devant faire l'objet d'une évaluation d'incidences Natura 2000 : liste nationale d'activités encadrées par un régime administratif, fixée à l'article R. 414-19 du code de l'environnement, applicable sur l'ensemble du territoire métropolitain. Cette liste ne concerne que peu d'activités agricoles et forestières. En outre, des dispositifs favorables aux activités forestières ont été prévus, avec, notamment, la dispense d'évaluation d'incidences Natura 2000 pour les coupes et travaux, si le document de gestion forestière a été approuvé en application de l'article L. 122-7 du code forestier ; listes locales d'activités encadrées (listes I), arrêtées par le préfet de département ou le préfet maritime ; listes locales d'activités non encadrées (liste II), arrêtées par le préfet de département ou le préfet maritime, établie à partir d'une liste nationale de référence, définie à l'article R. 414-27 du code de l'environnement. Cette liste nationale de référence a été élaborée en s'appuyant sur des cas concrets d'activités, qui ne sont pas encadrées ayant eu un impact négatif sur les sites Natura 2000. Cette liste mentionne certaines opérations et interventions sur les milieux agricoles et forestiers : retournement de prairies en sites Natura 2000, arrachage de haies en sites Natura 2000, réalisation de réseaux de drainages, etc. À ce jour, près des deux tiers des arrêtés préfectoraux fixant la liste II ont d'ores et déjà été signés. En ce qui concerne plus spécifiquement la gestion des espaces agricoles, le régime d'évaluation d'incidences Natura 2000 s'applique au retournement de prairies permanentes, dès lors qu'une liste locale l'impose. Il s'agit d'évaluer les incidences de cette opération sur les habitats et espèces ayant justifié la désignation des sites Natura 2000, et non d'interdire a priori le retournement. En effet, si l'analyse conclut à l'absence d'atteinte à l'intégrité du site Natura 2000 et que cette conclusion est validée par les services de l'État, le retournement de prairie pourra être réalisé. S'agissant de l'élaboration en cours des « listes locales II » de la région Franche-Comté, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement s'est attachée en 2013 à associer à plusieurs reprises les représentants des professions agricole et forestière, au travers de groupes de travail thématiques. En ce qui concerne le coût des études incombant aux agriculteurs et aux forestiers pour la réalisation de ces études d'incidences Natura 2000. Il peut être rappelé, à cet égard, le caractère proportionné à l'ampleur des activités, des évaluations attendues, lesquelles ne nécessitent pas nécessairement la réalisation d'inventaires naturalistes ou le recours à des bureaux d'études. Les animateurs des sites Natura 2000, mais également les outils méthodologiques élaborés par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement ou des directions départementales des territoires permettront d'accompagner les agriculteurs et forestiers dans la réalisation de ces études d'incidences. Par ailleurs, dans certains sites Natura 2000, des chartes définissant des engagements spécifiques à une activité ont été élaborées ; l'adhésion à ces engagements dispense le signataire d'évaluation d'incidences Natura 2000 pour l'activité ou l'opération couverte par ces engagements.

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