Question de Mme ASSASSI Éliane (Seine-Saint-Denis - CRC) publiée le 22/11/2013

Question posée en séance publique le 21/11/2013

Concerne le thème : La sécurité : les chiffres de la délinquance

Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre, ma question ira dans le même sens que celle qu'a posée Virginie Klès.

Contrairement au célèbre adage, les chiffres ne sauraient « parler d'eux-mêmes ». En effet, le rapport de l'Inspection générale de l'administration publié en juillet 2013 fait état des méthodes désastreuses utilisées à des fins politiciennes par le précédent gouvernement pour faire parler les chiffres à son avantage.

Ce rapport confirme à quel point la politique du chiffre qui avait été mise en place par Nicolas Sarkozy a engendré des anomalies et des manipulations dans les statistiques de la délinquance. Ce fut le cas en particulier en 2012, avant l'élection présidentielle.

Chacun sait que, ces dernières années, les statistiques étaient analysées à partir des plaintes déposées auprès de la police et de la gendarmerie. De ce fait, toutes les affaires n'étaient pas comptabilisées. En outre, le report systématique de l'enregistrement des faits était de mise dès que les objectifs chiffrés étaient atteints pour le mois concerné. Ainsi, en raison de ces multiples manipulations, les statistiques perdaient tout contenu opérationnel.

Monsieur le ministre, la sécurité de nos concitoyens et concitoyennes exige non seulement qu'existe un niveau minimal de débat – j'entends par là un débat non instrumentalisé – sur la signification des chiffres produits, mais aussi une statistique publique fiable et utile.

Dès votre prise de fonctions, vous avez exprimé votre volonté de relever le niveau du débat en « assumant les chiffres », selon vos propres mots, et de rompre avec la politique du chiffre. Vous avez donc annoncé la mise en place de nouveaux indicateurs pour mesurer la délinquance. Ceux-ci doivent être fiables, afin de permettre une orientation pertinente des politiques publiques et d'être utiles à la police et à la gendarmerie, dont le travail, disons-le, a subi une forte dégradation du fait des pressions hiérarchiques quotidiennes dues au tout-répressif.

Ces nouveaux indicateurs devraient, selon nous, donner des détails pertinents et être assez précis pour permettre la distinction, par exemple, entre les différents délits relatifs aux violences personnelles non mortelles : de la gifle au tir d'arme à feu, il existe, vous en conviendrez, une multitude d'infractions qui méritent peut-être une comptabilisation séparée.

Vos objectifs sont connus, monsieur le ministre ; ma question se bornera donc à vous demander plus de précisions sur les nouveaux indicateurs, ce qui permettra aux parlementaires de juger si tous les éléments pertinents sont ou non pris en compte.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 22/11/2013

Réponse apportée en séance publique le 21/11/2013

M. Manuel Valls, ministre. Vous avez raison, madame Assassi : il faut, sur ces questions, partir d'outils fiables et solides.

J'ai souhaité que les statistiques de la délinquance intègrent pleinement le champ de la statistique publique, avec la mise en œuvre de toutes les règles que cela suppose. Nous devons en effet avoir l'assurance que l'évaluation de la délinquance est établie selon des standards précis.

J'ai voulu conforter l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, qui, en dix ans, à partir de rien - je veux le souligner - a réussi progressivement à s'imposer sur cette question. Son indépendance, son autorité, sa légitimité doivent être préservées et garanties dans la durée. Sa présidence est désormais confiée à un inspecteur général de l'INSEE.

Par ailleurs, conformément aux recommandations du rapport de l'Inspection générale de l'administration que vous venez d'évoquer, un service statistique ministériel sera créé début 2014 au ministère de l'intérieur, suivant les exigences de l'INSEE en matière de statistiques publiques.

J'ai validé, ce matin, la candidature proposée par le comité de sélection pour diriger ce service. Il s'agit d'un inspecteur général de l'INSEE à l'expérience très riche et très diversifiée. Désormais, des statisticiens extérieurs à la police et à la gendarmerie contrôleront les processus de production des statistiques de la délinquance dans mon ministère, ce vers quoi aucun de mes prédécesseurs n'avait souhaité aller.

Il s'agit d'un changement profond dont je voudrais que l'on apprécie toute la portée. Ce sont des mesures importantes, qui ouvrent la voie à une réforme de fond, portant sur l'ensemble du processus d'élaboration, de contrôle et de diffusion des statistiques de la délinquance.

J'ai souhaité ainsi redonner à celles-ci leur véritable vocation : garantir la transparence du débat public et être un outil au service de l'action des policiers et des gendarmes pour agir avec efficacité et pragmatisme face aux défis de la délinquance.

Il faut nommer les choses, puis les mesurer. C'est le réel qui doit gouverner notre action. Ce réel doit s'imposer sur l'ensemble de la chaîne pénale.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour une réplique qui ne devra pas excéder quelques secondes. (Sourires.)

Mme Éliane Assassi. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces éléments. Les mesures annoncées sont effectivement significatives Il n'est pas dans mon habitude de saluer les mesures prises, mais il faut effectivement, en l'espèce, relever leur importance.

Cela dit, je pense que de nombreuses pistes pourraient être exploitées pour mettre en place de nouveaux critères fiables qui permettraient de rendre compte de l'action policière dans toute sa diversité et sa complexité, à savoir la prévention, la dissuasion et la répression. Ce triptyque ne pourra être assumé par les forces de l'ordre que si on leur donne les moyens adéquats. Nous y reviendrons à l'occasion du débat budgétaire.

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