Question de M. FICHET Jean-Luc (Finistère - SOC) publiée le 19/12/2013

M. Jean-Luc Fichet appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la prise en compte, par les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), des frais de repas au restaurant des ouvriers du bâtiment comme un avantage en nature qu'il convient de réintégrer dans l'assiette des cotisations et non comme des frais professionnels.

Les dispositions conventionnelles du bâtiment prévoient un dispositif relatif aux petits déplacements qui permet aux ouvriers de bénéficier d'une indemnisation pour les temps consacrés aux trajets, aux repas et au transport, sous réserve de remplir les conditions prévues pour chacune de ces situations. Toutefois, de manière commune, ces indemnisations s'appliquent dans le cadre des zones concentriques : zone 1 de 0 à 10 kilomètres ; zone 2 de 10 à 20 kilomètres ; zone 3 de 20 à 30 kilomètres ; zone 4 de 30 à 40 kilomètres et zone 5 de 40 à 50 kilomètres.

Les partenaires sociaux de la région Bretagne ont fait le choix, par ailleurs, de diviser la zone 1 en deux sous-zones de 0 à 4 kilomètres et de 4 à 10 kilomètres, sachant que le point de départ de chacune de ces zones concentriques est fixé au lieu du siège social de l'entreprise.

Parallèlement à ce dispositif conventionnel, lorsque l'ouvrier est en déplacement hors des locaux de l'entreprise et lorsque les conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence habituelle ou son lieu de travail pour le repas et qu'il n'est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à ne pas prendre ce repas au restaurant, l'employeur peut déduire de l'assiette des cotisations l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas par application d'une limite d'exonération fixée à 8,60 euros (valeur 2013).

Or, il apparaît assez régulièrement, notamment en zone rurale, que les ouvriers se trouvent dans l'impossibilité de regagner leur résidence habituelle pour la prise du repas et qu'ils soient amenés à prendre leur déjeuner au restaurant dans une commune proche ou dans la même commune que celle où se situe le chantier. Dans ce cadre, c'est souvent l‘employeur qui règle directement les frais de ces déjeuners au restaurateur. En pareille situation, les contrôleurs de l'URSSAF considèrent que les ouvriers ne sont pas en situation de déplacement et qu'en conséquence la prise en charge par l'entreprise des frais de restaurant constitue un avantage en nature qu'il convient de réintégrer dans l'assiette des cotisations et non en frais professionnels.

Cette contrainte fiscale pénalise les ouvriers qui ne peuvent pas prendre de repas chaud s'ils ont un chantier à moins de cinq kilomètres du siège social de leur entreprise et les restaurateurs qui ne peuvent accueillir les entreprises domiciliées dans leur commune. Il lui demande donc dans quelles conditions il serait envisageable d'assouplir cette règle fiscale qui pose des réels problèmes en zones rurales.

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Transmise au Ministère chargé du budget


Réponse du Ministère de l'artisanat, du commerce et du tourisme publiée le 19/02/2014

Réponse apportée en séance publique le 18/02/2014

M. Jean-Luc Fichet. Madame la ministre, ma question a effectivement été transmise à M. Cazeneuve, mais je suis très heureux que vous le remplaciez aujourd'hui, car les sujets auxquels elle renvoie, qui touchent au commerce et à l'artisanat, concernent aussi votre ministère.

Le Gouvernement a décidé de mettre en place le pacte de responsabilité, et cette démarche me semble essentielle pour créer de l'emploi dans nos territoires. Ce sont bien les TPE et les PME, les très petites, petites et moyennes entreprises, qui sont à même de créer de nouveaux emplois ; ce sont elles qu'il faut écouter et aider.

Ma question va justement dans le sens d'une meilleure prise en compte de la réalité de ces entreprises, notamment dans le bâtiment, source de nombreux emplois dans nos territoires ruraux. Elle est concrète et pragmatique : je veux parler ici de la possibilité pour les artisans et les ouvriers du bâtiment qui travaillent dans les communes rurales de bénéficier d'une pause déjeuner et de repas chauds.

Pour bien me faire comprendre, je prendrai l'exemple d'une entreprise de peintres en bâtiment qui emploie plusieurs ouvriers vivant dans différentes communes sur un chantier de rénovation situé sur une commune encore différente. Ces ouvriers se retrouvent le matin à l'entreprise et partent ensemble dans le même véhicule sur le chantier distant de quelques kilomètres. À l'heure du repas, partageant le même véhicule, que peuvent-ils faire ? Il leur est difficile de rentrer chez eux, puisque leur temps de pause n'est pas extensible. Ils sont alors amenés à prendre leur déjeuner au restaurant dans une commune proche du chantier.

Dans ce cadre, c'est souvent l'employeur qui règle directement les frais de ces déjeuners au restaurateur.

En pareille situation, les contrôleurs de l'URSSAF considèrent que les ouvriers ne sont pas en situation de déplacement et qu'en conséquence la prise en charge par l'entreprise des frais de restaurant constitue un avantage en nature qu'il convient de réintégrer dans l'assiette des cotisations et non en frais professionnels. Ils s'appuient pour cela sur l'arrêté du 10 décembre 2002 qui ne donne aucune précision sur la notion de « déplacement ».

Alerté par des entreprises et des restaurants du Finistère, j'ai sollicité une réunion avec les représentants départementaux et régionaux du contrôle, les représentants de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, et ceux de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, l'UMIH. De cet échange il est ressorti effectivement qu'aucune disposition légale n'encadrait « les petits déplacements ».

Sans base légale, cette appréciation a de multiples conséquences pour les hommes et les femmes qui travaillent dans nos territoires ruraux. Elle pénalise les ouvriers, qui ne peuvent pas prendre de repas chaud s'ils ont un chantier proche du siège social de leur entreprise - à une distance qui reste à l'appréciation de vos services. Elle a en outre des conséquences importantes pour les restaurants qui travaillent principalement pour cette clientèle, car ils ne peuvent pas accueillir les entreprises domiciliées dans la commune où ils sont eux-mêmes implantés.

Ma question est donc simple, madame la ministre : pourrait-on envisager une clarification de la règle fiscale en vigueur, qui, sans nuire aux finances publiques, permettrait aux travailleurs des TPE et PME de nos territoires ruraux de mieux vivre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de Bernard Cazeneuve.

Je partage votre propos introductif sur la nécessité d'accompagner et de soutenir l'artisanat, le commerce et les très petites entreprises. J'aurai d'ailleurs l'occasion prochainement de présenter à votre assemblée un projet de loi en leur faveur.

Les employeurs du secteur du bâtiment bénéficient de diverses possibilités de prise en charge des frais de repas de leurs salariés, assorties d'un régime social favorable, particulièrement en situation de déplacement professionnel.

D'une manière générale, lorsqu'un salarié prend un repas hors de l'entreprise et que l'employeur règle directement le restaurateur, la somme correspondante est considérée comme un avantage en nature, donc un élément de rémunération soumis aux cotisations sociales. Ces cotisations peuvent être évaluées sur la base d'un forfait ou sur la base de la somme réellement versée. De même, lorsque l'employeur verse au salarié une indemnité pour financer ses repas, l'avantage en espèces correspondant est soumis aux cotisations et contributions sociales.

Néanmoins, ces règles ne s'appliquent pas aux salariés en situation de déplacement professionnel ni à ceux qui travaillent sur un chantier hors des locaux de l'entreprise, tels que les ouvriers du bâtiment ; dans ces situations, des règles plus favorables sont déjà prévues.

Ainsi, la prise en charge des frais de repas par l'employeur dans les situations de déplacement professionnel n'est pas soumise aux cotisations sociales lorsque la somme est inférieure à 8,70 euros par repas. Cette disposition s'applique chaque fois que le salarié est dans l'impossibilité de rejoindre son lieu de travail habituel : déplacements temporaires, chantier. En effet, la prise en charge a alors pour objet de compenser la dépense supplémentaire occasionnée par ce déplacement.

Dans le secteur du bâtiment, les employeurs bénéficient en plus de la possibilité d'opter pour une déduction forfaitaire spécifique de 10 % sur les salaires au titre des frais professionnels. Applicable aux professions listées à l'annexe IV du code général des impôts, ce dispositif permet à l'employeur, lorsqu'il paie directement au restaurateur le prix du repas de ses salariés en déplacement, de ne pas tenir compte de cet avantage dans l'assiette des cotisations sociales ; le dispositif est présenté dans une circulaire du 19 août 2005.

Aussi la réglementation sociale en vigueur concernant la prise en charge des frais de repas par les employeurs du secteur du bâtiment permet-elle déjà de répondre de manière précise à la pluralité de situations des salariés concernés, tout en préservant autant que possible les droits des assurés et les recettes de la protection sociale, qui sont réduits par ces mécanismes d'exclusion d'assiette.

S'agissant du secteur du bâtiment en particulier, le dispositif de déduction permet donc de tenir compte des situations particulières, comme celle que vous avez évoquée - même si le ministère du budget et le mien sont disposés à étudier plus particulièrement la question précise que vous avez soulevée.

Dès lors, il n'est pas envisagé d'assouplir cette réglementation, qui est stable depuis de nombreuses années et qui s'applique uniformément sur l'ensemble du territoire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Je vous remercie, madame la ministre, de la clarté de votre réponse. Cependant, elle ne me satisfait qu'à moitié, puisque vous ne répondez pas véritablement à la question de la prise en charge des frais de repas pour l'ensemble des ouvriers - il est vrai que cela concerne essentiellement ceux du bâtiment - et, surtout, vous ne prenez pas en compte la notion de « déplacement ». Celle-ci est appréciée de manière très subjective par vos services, comme, malheureusement, j'ai dû le constater à plusieurs reprises.

L'interprétation plus restrictive qui est faite de cette notion dans certains départements entraîne parfois des conséquences assez lourdes. Le fait que les ouvriers ne puissent pas prendre leur repas dans le restaurant de la commune où ils travaillent au motif qu'elle est trop proche du siège de leur entreprise les oblige, en pratique, à revenir aujourd'hui à la gamelle. C'est une dégradation des conditions de travail qui est tout de même très inquiétante, et je souhaite que la réflexion sur ce sujet soit poursuivie.

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