Question de M. HUE Robert (Val-d'Oise - RDSE) publiée le 17/01/2014

Question posée en séance publique le 16/01/2014

Concerne le thème : Devenir des élections prud'homales

M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question s'inscrira dans le même esprit que la précédente.

Monsieur le ministre, la participation citoyenne à la démocratie sociale est un fondement de notre République auquel les Français sont particulièrement attachés. Aussi, votre intention de supprimer les élections prud'homales, pour les remplacer par un système de désignation des conseillers prud'homaux, nous inquiète fortement.

Vous estimez que l'élection prud'homale rencontre aujourd'hui ses limites. Vous mentionnez notamment le coût élevé du scrutin. Néanmoins, la démocratie sociale a-t-elle un prix ?

Vous invoquez également un taux de participation particulièrement faible, vous venez de le répéter. Malheureusement, ce ne sont pas les seules élections à connaître des taux d'abstention record. Faut-il pour autant les supprimer toutes ? Il est évident que l'abstention aux élections de décembre 2008 est préoccupante, puisque la participation n'était que de 25 %, contre 63 % en 1979. Mais peut-être faudrait-il plutôt s'interroger sur les causes de cette désaffection.

S'agit-il d'un désintérêt de la part des salariés ? Je ne le crois pas. En 2008, seuls ceux qui travaillaient sur Paris pouvaient voter par internet ; pour les autres, seul le vote par correspondance ou dans un bureau de vote était autorisé. Nous le savons bien, l'éloignement entre le lieu de travail et le bureau de vote, l'impossibilité pour les salariés de s'absenter pour aller voter et le manque d'information sont déterminants. Bien des pressions, vous le savez, peuvent également s'exercer. Il est très intéressant de relever que, dans les entreprises où des bureaux de vote ont été installés, la participation a été très satisfaisante.

Le collège électoral des élections prud'homales se compose des salariés du privé en emploi et au chômage. Avec un système de désignation sur la base des élections professionnelles, le corps électoral serait, de fait, amputé de cinq millions de personnes, car en seraient exclus les chômeurs et les salariés des entreprises où ne sont pas organisées d'élections.

Monsieur le ministre, les conseils de prud'hommes, spécificité française unique en Europe, constituent un outil formidable pour faire respecter le droit des travailleurs. Supprimer leur élection affaiblira et discréditera cette institution qui n'en a vraiment pas besoin.

Dès lors, pourquoi tout simplement ne pas faciliter et simplifier les modalités d'organisation du scrutin, afin d'enrayer la chute de la participation ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social publiée le 17/01/2014

Réponse apportée en séance publique le 16/01/2014

M. Michel Sapin, ministre. Il ne s'agit pas pour moi d'une question de principe ou d'un dogme. J'essaie de me déterminer d'un point de vue pratique. Est-ce qu'une institution, à laquelle nous sommes tous attachés, est valorisée ou dévalorisée par une participation en constante baisse ? Je crains que, à un moment donné, ces conseils ne soient quelque peu dévalorisés aux yeux des Français, ce qui conduirait à remettre en cause leur légitimité.

Une désignation des conseillers par les organisations syndicales non seulement ne met pas en cause leur légitimité, mais, de mon point de vue, renforce cette dernière. Car nous cherchons, notamment par le texte qui vous sera proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, à consolider la mission dévolue aux organisations syndicales, afin d'instaurer un dialogue social de qualité.

Ne tentons pas d'opposer la légitimité de l'organisation syndicale à celle d'une autre modalité de désignation. Restons vigilants en la matière ! Sinon, nous aboutirons à un résultat contraire à celui que nous souhaitons au regard de l'importance des partenaires sociaux et syndicaux.

M. Desessard a fait une comparaison, que d'autres reprendront peut-être, avec les élections européennes, arguant d'une faible participation à ce scrutin. Or le taux le plus faible qui ait jamais été atteint aux élections européennes est de 40 %, soit le taux de participation aux élections prud'homales de 1992. Pour ces dernières, nous sommes aujourd'hui à moins de 25 %. Comme vous pouvez le constater, les ordres de grandeur ne sont pas les mêmes. En outre, il ne s'agit pas du même type d'élection.

Aux uns et aux autres, je demande d'être dans le concret : quel mode d'élection ou de désignation par les organisations syndicales appliquer à ces juridictions fondamentales de manière à les renforcer aux yeux de tous, en particulier aux yeux des futurs justiciables, et comment leur éviter tout risque de dévalorisation ?

Ce raisonnement n'est pas celui du seul Gouvernement. Ce sujet, je ne l'ai pas inventé. Beaucoup d'organisations syndicales ne sont pas du tout défavorables au mode de désignation que propose le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Robert Hue, pour la réplique.

M. Robert Hue. Monsieur le ministre, j'entends votre réponse ; je mesure la complexité des problèmes qui se posent. Nous ne sommes pas dénués de tout réalisme. Simplement, puisque vous avez évoqué les organisations syndicales, pourquoi ne pas écouter certaines de leurs propositions, celles qui font l'objet d'un accord majoritaire ?

La conférence de presse d'avant-hier du Président de la République est importante. Dans ce moment nouveau qui commence, il ne faut pas seulement écouter les chefs d'entreprise. Il faut aussi entendre les syndicats. Écoutez-les, monsieur le ministre !

Puisque vous avez été parlementaire, imagineriez-vous un seul instant que ce soient les partis qui désignent directement les députés, sans qu'on en passe par le suffrage universel ? C'est une question de légitimité. (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)

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