Question de Mme PRIMAS Sophie (Yvelines - UMP) publiée le 14/02/2014

Question posée en séance publique le 13/02/2014

Concerne le thème : Pratiques et réalités agricoles et code de la propriété intellectuelle

Mme Sophie Primas. Monsieur le ministre, m'éloignant quelque peu du sujet des semences, je souhaite attirer votre attention sur les moyens juridiques donnés à la lutte contre la contrefaçon de produits phytosanitaires.

Les importations parallèles et les fraudes aux pesticides sont de véritables fléaux, qui entraînent la diffusion de substances actives non autorisées sur notre territoire. Celles-ci peuvent mettre gravement en péril la santé des utilisateurs, avoir des effets dramatiques sur l'environnement et l'alimentation et causer un préjudice aux entreprises.

Dans le cadre de la mission commune d'information sur les pesticides, nous avons été alertés à de nombreuses reprises sur ce sujet, notamment lors d'une table ronde juridique tout à fait passionnante. Les intervenants ont mis en lumière l'existence de véritables trafics assimilables au grand banditisme, parfois basés dans des laboratoires clandestins.

La lutte contre ces réseaux passe naturellement par un renforcement de la coopération européenne, du soutien logistique et des possibilités de contrôle accordées aux équipes de police, de douane et de justice. Toutefois, en amont, une réflexion sur notre cadre juridique en la matière semble nécessaire, car l'attractivité de ces trafics est renforcée par le manque d'harmonisation de nos dispositifs nationaux. En effet, pour ce type d'infraction, le juge peut se référer à divers codes : le code de la propriété intellectuelle, le code rural, le code de l'environnement, le code de la consommation, ou encore celui des douanes.

Les sanctions encourues sont très variables. Ainsi, une peine maximale de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende est prévue dans le code rural ; elle est portée à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 euros d'amende dans le code de la propriété intellectuelle.

Pour constituer une réponse efficace aux réseaux de contrebande, il semble important d'ajouter qu'une telle harmonisation législative devrait se faire par le haut, afin que la sanction puisse représenter un signal judiciaire suffisamment dissuasif, face à un commerce illégal susceptible de procurer des gains tout à fait considérables.

Par conséquent, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir m'indiquer votre sentiment sur cette nécessaire harmonisation, ainsi que votre position sur un éventuel soutien à une initiative parlementaire de ma part allant en ce sens, dans le cadre de l'examen à venir de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 14/02/2014

Réponse apportée en séance publique le 13/02/2014

M. Stéphane Le Foll, ministre. Madame la sénatrice, je tiens à préciser deux choses.

La première, c'est que, sur ce sujet très important qui n'est pas directement lié aux semences, l'article 23 de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, que nous examinerons bientôt ensemble, apportera des réponses, au travers de l'obligation renforcée d'enregistrement des produits phytosanitaires au moment de leur vente ou de leur achat. Il s'agit de préciser le numéro de lot et la date de fabrication, entre autres. Cela permettra d'améliorer la traçabilité des produits des filières frauduleuses.

La seconde concerne la position européenne, dont l'évolution est positive. En effet, à la suite de l'affaire de la viande de cheval, l'Europe a décidé de renforcer les contrôles sur les fraudes. À la demande de la France, à l'époque, on avait mobilisé Europol et Eurojust. L'Europe et la Commission européenne ont décidé de mettre en place un système de contrôle et de surveillance effectif et permanent, en coordonnant les actions d'Europol et Eurojust.

J'en viens à votre question sur la nécessité de renforcer les sanctions. Dans le cadre de l'examen prochain, par le Sénat, de la loi d'avenir pour l'agriculture, j'attends, madame la sénatrice, les propositions que vous me ferez.

Je suis tout à fait favorable à ce que la fraude, dans ce domaine comme dans d'autres, soit sanctionnée durement. Il n'y a aucune raison, vous l'avez dit, pour que les niveaux des sanctions soient différents selon le code dont les fraudes relèvent. La situation doit être claire et nette : celui qui fraude, c'est celui qui triche, en mettant en difficulté tous les autres.

Je me tiens donc à votre disposition pour renforcer les sanctions en améliorant la loi.

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.

Mme Sophie Primas. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Je saisirai donc la balle au bond. Toutefois, je veux insister une nouvelle fois sur l'urgence et l'utilité de cette harmonisation.

Je précise, à titre d'exemple, que l'un des avocats que nous avions auditionnés dans le cadre de la mission d'information avait souligné le cas de récents contentieux, instruits au tribunal de grande instance de Saint-Gaudens et à la cour d'appel de Toulouse, pour lesquels les sanctions prononcées n'avaient été que de très petites peines d'amendes, atteignant au maximum 2 000 euros, une somme qu'il convient de comparer aux gains suscités par ces fraudes.

De telles sanctions sont bien évidemment très insuffisantes au regard de la fraude et du signal que nous donnons, mais aussi de l'énergie et de la mobilisation importante de la brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires, que nous devons saluer.

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