Question de M. DUPONT Ambroise (Calvados - UMP) publiée le 29/05/2014

M. Ambroise Dupont attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur l'avenir des étalons nationaux.

La politique de l'État en matière de cheval a été réformée au début de l'année 2010. Les Haras nationaux et l'École nationale d'équitation ont fusionné pour créer un établissement public administratif, l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE), recentré sur des missions de service public. En outre, un groupement d'intérêt public (GIP), France-Haras, a été chargé des missions techniques relevant du domaine concurrentiel et nécessitant une implication de l'ensemble des professionnels de la filière.

La création de France-Haras, dans lequel l'État restait majoritaire, avait pour but d'accompagner le transfert de l'étalonnage public vers le secteur privé. Après seulement quelques années de fonctionnement difficile, il a été décidé de mettre un terme aux activités du GIP France-Haras et de céder ses actifs.

Ainsi a-t-il été proposé de vendre aux enchères publiques le parc des étalons nationaux dont la qualité de reproducteurs a pourtant été mise en évidence, tant par le testage que par la confiance des éleveurs. Avec cette vente au plus offrant, ce serait pour les meilleurs géniteurs, le patrimoine génétique français, longuement sélectionné, qui serait disséminé au-delà de nos frontières.

Pourtant des alternatives aux enchères existent. Elles sont portées par la plupart des représentants de la filière, notamment le Cheval français, France-Galop, le Selle français, l'Association nationale anglo-arabe. Elles consistent en la réaffectation des étalons propriété de l'État à l'IFCE, puis la soumission d'un plan de reprise par les associations nationales de races des étalons qui présentent un intérêt génétique pour l'élevage français. Seuls les étalons sans intérêt majeur seraient proposés à la vente.

Ce projet viable aurait, en outre, l'avantage de ne créer aucune charge pour l'État, sous forme financière ou de ressources humaines. Tous les frais seraient assumés par les repreneurs moyennant le reversement à l'IFCE d'un pourcentage sur le chiffre d'affaires de la génétique encaissé.

Il rappelle enfin que, pour les étalons de trait, le transfert aux associations nationales de races est déjà engagé.

Il lui demande, en conséquence, s'il lui paraît possible de mettre en place, en concertation avec les services du ministère de l'économie et des finances, un groupe de travail chargé de l'avenir des étalons nationaux, sur la base des propositions des socio-professionnels et des associations nationales de races.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 18/06/2014

Réponse apportée en séance publique le 17/06/2014

M. Ambroise Dupont. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'avenir des étalons nationaux de courses et de sport.

La politique de l'État en matière de cheval a été réformée au début de l'année 2010. Les Haras nationaux et l'École nationale d'équitation ont fusionné pour créer un établissement public administratif, l'Institut français du cheval et de l'équitation, l'IFCE, recentré sur des missions de service public.

En outre, un groupement d'intérêt public, France-Haras, a été chargé des missions techniques relevant du domaine concurrentiel et nécessitant une implication de l'ensemble des professionnels de la filière.

La création de France-Haras, dans lequel l'État restait majoritaire, avait pour but d'accompagner le transfert de l'étalonnage public vers le secteur privé. Après seulement quelques années d'un fonctionnement difficile, comme tout le monde le sait, il a été décidé de mettre un terme aux activités du GIP France-Haras et de céder ses actifs.

Ainsi, il a été proposé de vendre aux enchères publiques le parc des étalons nationaux, dont la qualité de reproducteurs avait pourtant été mise en évidence, tant par le testage que par la confiance des éleveurs.

Avec ces ventes au plus offrant, ce serait pour les meilleurs géniteurs de course et de sport, le patrimoine génétique français, longuement sélectionné, qui serait disséminé au-delà de nos frontières.

Pourtant, des alternatives aux enchères existent. Elles sont portées par la plupart des représentants de la filière, notamment le Cheval français, France-Galop, le Selle français, l'Association nationale anglo-arabe et d'autres encore.

Elles consistent en la réaffectation des étalons propriété de l'État à l'IFCE, puis en la soumission d'un plan de reprise par les associations nationales de races des étalons qui présentent un intérêt génétique pour l'élevage français. Seuls les étalons sans intérêt majeur seraient proposés à la vente.

Ce projet viable aurait, en outre, l'avantage de ne créer aucune charge pour l'État, sous forme financière ou en termes de ressources humaines. Tous les frais seraient assumés par les repreneurs moyennant le reversement à l'IFCE d'un pourcentage sur le chiffre d'affaires de la génétique encaissé.

Il faut, enfin, rappeler que, pour les étalons de trait, le transfert aux associations nationales de races est déjà engagé.

Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer quelles sont vos intentions sur le sujet. Il me semble important de mettre en place, en concertation avec les services du ministère de l'économie et des finances, un groupe de travail chargé de l'avenir des étalons sur la base des propositions des socioprofessionnels et des associations nationales de races.

Le temps presse, car les premières ventes sont inscrites dès la fin des jeux mondiaux.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll,ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Ambroise Dupont, je connais votre attachement à la filière du cheval de manière globale, la qualité du travail que vous avez conduit depuis de nombreuses années et le souci qui est le vôtre de préserver le modèle français, notamment sa capacité à continuer d'offrir les meilleurs chevaux du monde.

Sur la question posée, je précise que les modalités de cession des étalons de sang ont été définies par le conseil d'administration du groupement d'intérêt public France-Haras le 20 mars 2014 : il a été décidé de procéder à la vente de ces étalons selon la procédure d'enchères publiques.

En effet, le devenir des étalons doit résulter d'une procédure conforme aux règles de la concurrence. Une mise à disposition des étalons, sans mise en concurrence, à un opérateur qui aurait ensuite une activité économique d'étalonnage n'entre pas dans ce cadre et serait considérée comme une aide d'État illégale. On est là dans le droit de la concurrence européen. C'est vrai que cette question nous est posée.

Je rappelle que cette décision du retrait des Haras nationaux de l'activité d'étalonnage public a été prise en 2009. Le GIP France-Haras a été créé pour accompagner le retrait progressif de l'État de cette activité concurrentielle, en associant dans ses organes de gouvernance des représentants de l'État et des professionnels, notamment les associations nationales de races de chevaux de courses- France-Galop et la Société d'encouragement à l'élevage du cheval français - et de certaines races de chevaux de sport.

Bien qu'envisagée initialement, la reprise collective par les professionnels de l'activité génétique et des services qui y sont associés n'a pu aboutir - je me souviens effectivement que, lors des débats que nous avons eus sur l'avenir des Haras nationaux, aucune solution n'avait vraiment été trouvée de ce côté-là -, ceux-ci n'ayant pas jugé la solution pertinente lors du conseil d'administration du GIP France-Haras du 20 juin 2013. C'est vrai que l'on a là une difficulté. Dans l'idéal, ce serait tout à fait possible ou souhaitable, mais, dans la réalité, cela ne se passe pas ainsi.

Le rôle essentiel qu'auraient eu les éleveurs dans la valorisation de ces étalons, en décidant de faire saillir leurs juments par ces étalons sans que ces derniers aient démontré la qualité de leur descendance, n'est pas un argument recevable, aujourd'hui, en l'état.

L'offre d'étalonnage public ne s'est jamais limitée à de jeunes animaux ou à des animaux dont la qualité aurait été totalement inconnue. L'ascendance et les résultats en compétition étaient régulièrement publiés.

Dans un environnement concurrentiel, le prix d'une saillie prend toujours en compte les caractéristiques du produit, notamment la notoriété de l'individu ou la qualité de sa production.

Le fait d'utiliser un bien ou un service auprès d'une entreprise ne donne aucun droit sur son capital, et ce quel que soit le secteur d'activité considéré.

Enfin, le parallèle établi entre les chevaux de sang et les chevaux de trait n'est pas, en l'état actuel, pertinent. D'une part, la procédure retenue pour la vente des étalons de trait est bien une vente, et n'est en aucun cas une location. D'autre part - et surtout -, le marché des étalons de trait n'est pas marqué, comme celui des étalons de sang, par une volatilité et une individualisation très forte des prix, ce qui permet de connaître de manière fiable la valeur du stock d'étalons sans passer par une étape de mise sur le marché. Cela permet donc de proposer aux associations des races concernées de les acheter à cette valeur.

Cela étant dit, monsieur le sénateur vous m'avez proposé une réunion spécifique sur ce sujet. Au vu du dossier, je suis d'accord pour que nous nous rencontrions et que nous discutions ensemble de ces questions afin de voir où nous en sommes, comment nous pouvons améliorer les choses en tenant compte de cette dimension génétique, qui fait toute la valeur du cheptel français, en particulier en ce qui concerne les étalons de sport.

M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.

M. Ambroise Dupont. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me satisfait totalement. Je me félicite notamment de votre proposition d'organiser une réunion.

Je sais que les visions sur le sort de France-Haras ont divergé au fil du temps. Je vous rappelle toutefois que, si les socioprofessionnels ont bien été associés à certaines décisions et ont rejeté la mise en place d'une structure nationale proposée par l'administration, ils ont également refusé de participer au vote concernant le sort des étalons. Leur demande d'audition auprès du ministère de l'agriculture- mais vous venez d'y répondre favorablement -pour évoquer des propositions alternatives semblait être restée lettre morte. Ils ont été reçus, cependant, par les sénateurs de la section « cheval » du groupe d'études de l'élevage, section que je préside.

Le risque que vous évoquez d'un contentieux sur la base du non-respect des règles de la concurrence, en cas de mise à disposition des étalons nationaux de courses et de sport aux associations nationales de races, apparaît limité puisque, s'agissant des étalons de trait, le transfert aux associations nationales de races a déjà été engagé, sans difficulté, avec l'accord de l'État. De plus, il ne s'agira pas d'une « mise à disposition gratuite »,puisqu'elle sera assortie d'une rétrocession financière au bénéfice de l'État.

Je crois nécessaire, pour l'avenir de l'élevage français, d'agir en commun - je vous remercie de l'accepter -, socioprofessionnels et administration, afin d'éviter que ne soient dispersés en ventes publiques nos étalons nationaux de courses et de sport.

À l'heure où la France se mobilise pour sauvegarder ses productions, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, il ne paraît pas souhaitable que nos meilleurs reproducteurs soient achetés par des stud-books étrangers.

La solution de reprise in fine par les associations nationales de races représente, à ce jour, une solution raisonnable et conforme à l'intérêt de tous les acteurs. Elle préserverait le patrimoine génétique en épargnant les finances publiques. Le groupe de travail que vous proposez sera bienvenu pour évoquer des solutions alternatives à cette vente qui serait, naturellement, définitive.

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