Question de M. LE SCOUARNEC Michel (Morbihan - CRC) publiée le 25/09/2014

M. Michel Le Scouarnec attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur le protocole ICCARRE (Intermittents en Cycles Courts, les Anti Rétroviraux Restent Efficaces). Cet essai thérapeutique est mené à l'hôpital Raymond-Poincaré à Garches par le docteur Jacques Leibowitch, médecin clinicien et chercheur reconnu pour ses contributions à la connaissance du VIH, du SIDA et de son traitement. Il a d'ailleurs élaboré la première trithérapie anti-VIH effective et la désignation d'un rétrovirus comme cause présumée du SIDA. Depuis dix ans, il défend une posologie innovatrice avec des prises d'antiviraux moindres. Ainsi, dans le cadre d'un suivi médical très rapproché, et sur une centaine de personnes infectées, ce docteur a montré que l'on pouvait contrôler le virus HIV avec des trithérapies réduites à quatre, trois, voire deux jours sur sept, au lieu des sept jours sur sept recommandés : une prescription hors AMM (autorisation de mise sous le marché) dont le médecin accepte seul de prendre la responsabilité. Il semblerait que cette nouvelle approche apporte de bons résultats, avec, pour les personnes qui vivent avec le VIH, une vie quotidienne simplifiée et une meilleure tolérance à long terme. Aussi, de nombreuses associations de lutte contre le SIDA ont déjà exprimé leur intérêt autour de cet essai. Aujourd'hui, le docteur Leibowitch est âgé de 72 ans et les malades et associations aimeraient voir cet essai thérapeutique perdurer et s'élargir. De fait, l'allègement des antirétroviraux chez un patient ne peut se faire dans la sécurité seulement s'il est accompagné par un médecin qui suit un protocole précis. Or, sans financement ni soutien des institutions, et malgré la preuve de son efficacité, le risque de voir disparaître ICCARRE est grand, et des porteurs du VIH pourraient alors vouloir démarrer seuls l'allègement de leur traitement, sans contrôle ni suivi médical. La lutte contre cette maladie n'est pas encore gagnée. Notre pays a montré depuis de nombreuses années son excellence en la matière. L'essai précité n'est pas en contradiction avec les thérapies actuellement menées. Bien au contraire, il est un essai prometteur qu'il serait opportun de développer pour donner aux malades les meilleures chances de survie. Compte tenu d'abord des contraintes lourdes occasionnées par les trithérapies antirétrovirales dans le quotidien des personnes séropositives, puis de ses effets secondaires, il souhaiterait connaître sa position sur ce protocole, et s'il était envisageable que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé mette en place une autorisation temporaire d'utilisation qui permettrait alors au plus grand nombre de malades d'alléger leurs thérapies et, ainsi, de leur redonner une meilleure qualité de vie.

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Réponse du Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes publiée le 14/05/2015

Le traitement de référence de l'infection à VIH repose sur l'administration quotidienne d'une multithérapie antirétrovirale, conformément aux recommandations thérapeutiques nationales et internationales. Compte tenu des contraintes de ce traitement quotidien (prises de plusieurs antirétroviraux, effets secondaires...), des stratégies d'allégement thérapeutique, une fois la charge virale devenue durablement indétectable, sont explorées. Elles consistent soit en un allégement du traitement en conservant une administration quotidienne, soit en un allégement de la fréquence des prises de la multithérapie. Si les bénéfices attendus en termes de réduction des effets indésirables, d'amélioration de la qualité de vie pour les patients et de réduction des coûts pour la collectivité sont admis, les données disponibles à ce stade sont encourageantes mais restent limitées pour garantir un même niveau de contrôle virologique par rapport au traitement de référence. Par ailleurs, plusieurs questions sont soulevées, notamment, quels patients seraient éligibles parmi les patients en succès virologique, quels antirétroviraux seraient les plus adaptés et selon quel schéma. De plus, il est difficile d'apprécier le potentiel impact d'un allégement thérapeutique en termes de transmission secondaire de l'infection à VIH, la réduction de ce risque étant un des objectifs reconnus du traitement antirétroviral. Ainsi, à ce jour, il n'existe pas de consensus scientifique sur une telle démarche thérapeutique. Un essai ANRS 4D, d'une durée estimée à deux ans, a été lancé en avril 2014 afin d'évaluer l'efficacité d'une réduction de prise d'antirétroviraux à quatre jours par semaine. Cet essai permet à une centaine de patients de bénéficier d'un allègement thérapeutique selon des modalités encadrées. Cependant, afin que plus de patients puissent en bénéficier, les médecins de l'hôpital Raymond-Poincaré et le représentant de l'association les Amis d'ICCARRE ont souhaité rencontrer l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) au sujet de la faisabilité de la mise en place d'une recommandation temporaire d'utilisation (RTU). Le 27 janvier 2015, le Dr Leibowitch, concepteur scientifique de l'essai clinique ANRS 4D, le Pr Christian Perronne et le Pr Jean-Claude Melchior, infectiologues de l'hôpital de Garches, ainsi que M. Richard Cross, président de l'association ICCARRE, ont été reçus à l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Cette réunion s'est conclue, compte tenu de l'absence de consensus scientifique et de la nécessité de consolider le niveau de démonstration, sur le constat qu'une RTU n'était pas envisageable, mais que la mise en place d'un essai clinique de type large cohorte devrait être envisagée. Elle permettrait tout à la fois un encadrement des patients recevant un allégement thérapeutique et une consolidation des données scientifiques, avec une bonne représentativité de différents types de multithérapie notamment. Il est prévu que l'équipe médicale du protocole ICCARRE recherche un promoteur afin que ce projet d'étude de cohorte puisse être réalisé. L'ANSM a assuré l'équipe de son soutien, dans le cadre de son champ de compétence, sur les futures démarches à mettre en place. Une des difficultés à lever est la prise en charge du coût des traitements, dans le cadre de l'essai, par un futur promoteur institutionnel.

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