Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRC) publiée le 30/10/2014

Mme Laurence Cohen attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. En janvier 2015, nous célébrerons les quarante ans de l'adoption de la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse, dite loi « Veil », légalisant et encadrant l'avortement : sans aucun doute, l'une des plus grandes conquêtes sociales de ce siècle, obtenues de haute lutte, par le courage politique de quelques femmes et hommes, par la mobilisation des militantes et des associations féministes. Ce droit est désormais inscrit à l'article L. 2212-1 du code de santé publique.

D'autres avancées ont également eu lieu, au cours des dernières années, avec, notamment, sous l'impulsion de la ministre, le remboursement à 100 % de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) pour toutes les femmes, depuis mars 2013, et la suppression de la notion de détresse dans la loi. Annuellement, en France, plus de 200 000 femmes ont recours à une IVG, chiffre stable depuis plusieurs années.

Et pourtant, force est de constater qu'il est de plus en plus difficile d'avorter en France. Un rapport du Haut conseil à l'égalité (HCE) a montré que 130 établissements pratiquant les IVG ont fermé, dans notre pays, au cours des dix dernières années. L'offre s'est progressivement concentrée sur un nombre réduit d'établissements de santé. Ce sont, aujourd'hui, 5 % des établissements qui effectuent près d'un quart des IVG.

Par conséquent, les délais prévus par la loi sont dépassés, mettant en difficulté de nombreuses femmes, contraintes parfois de se rendre à l'étranger pour mettre un terme à leur grossesse. Selon le Mouvement français pour le planning familial, certains départements ne proposent aucune prise en charge publique de l'IVG. Dans le département de l'Ariège, par exemple, il y aurait cinq hôpitaux publics mais aucun centre IVG. La situation est identique dans le département du Lot-et-Garonne : trois hôpitaux publics mais aucun centre IVG. Certains départements d'Île-de-France, comme la Seine-et-Marne ou la Seine-Saint-Denis, sont sous-équipés. Le Planning familial de Seine-Saint-Denis a d'ailleurs rendu publique l'an dernier une enquête très fournie sur les difficultés d'accès à l'IVG dans ce département.

C'est l'un des enjeux actuels pour sauver la maternité des Lilas et son centre IVG, l'un des plus importants d'Île-de-France, avec plus de 1 000 IVG réalisées chaque année. Les personnels de cet établissement sont épuisés par les menaces de fermeture qui pèsent sur cet établissement. Leur engagement pour sauvegarder les conditions d'accueil des nouveaux-nés, des patientes, de leurs compagnons et de leurs familles n'est plus à démontrer. Soutenus par un collectif très large, des élu-es, des syndicalistes, des militant-es associatifs, ils viennent d'obtenir un délai jusqu'en juin 2015 pour présenter un projet alternatif.

Elle lui demande, comme ministre de la santé mais également des droits des femmes, quelles sont ses propositions concernant cet établissement. Sa reconstruction aux Lilas est, notamment, la garantie, de ne pas voir disparaître un centre réalisant 1 000 IVG annuelles, atout précieux pour la qualité de la prise en charge des femmes de Seine-Saint-Denis mais, plus globalement, de la région d'Île-de-France et même de l'ensemble du territoire national.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé des droits des femmes publiée le 19/11/2014

Réponse apportée en séance publique le 18/11/2014

Mme Laurence Cohen. Madame la secrétaire d'État, le 17 janvier 2015, nous célébrerons les quarante ans de l'adoption de la loi Veil, légalisant et encadrant l'avortement.

Il s'agit, sans aucun doute, de l'une des plus grandes conquêtes sociales de ce siècle, obtenue de haute lutte par la mobilisation des militantes et des associations féministes, de femmes et d'hommes politiques, ainsi que grâce au courage de Mme Simone Veil.

Ce droit est désormais inscrit à l'article L. 2212-1 du code de la santé publique. D'autres avancées ont également eu lieu au cours des dernières années, avec la suppression de la notion de détresse dans la loi et, sous l'impulsion de la ministre des affaires sociales, Mme Marisol Touraine, le remboursement à 100 % de l'IVG pour toutes les femmes.

Annuellement, en France, plus de 200 000 femmes ont recours à une IVG, chiffre stable depuis quelque temps. Pourtant, force est de constater qu'il est de plus en plus difficile d'avorter en France.

Un rapport du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes a montré que 130 établissements pratiquant des IVG ont fermé dans notre pays au cours des dix dernières années. L'offre s'est progressivement concentrée sur un nombre réduit d'établissements de santé.

Aujourd'hui, 5 % des établissements effectuent près d'un quart des IVG. Aussi les délais prévus par la loi sont-ils souvent dépassés, ce qui met en difficulté de nombreuses femmes, contraintes parfois de se rendre à l'étranger pour mettre un terme à leur grossesse.

Par ailleurs, selon le Mouvement français pour le planning familial, certains départements ne proposent aucune prise en charge publique de l'IVG. En Ariège, par exemple, on compte cinq hôpitaux publics, mais aucun centre IVG. La situation est identique dans le Lot-et-Garonne. Certains départements d'Île-de-France, comme la Seine-et-Marne ou la Seine-Saint-Denis, sont sous-équipés.

Le planning familial de Seine-Saint-Denis a d'ailleurs rendu publique l'an dernier une enquête très fournie sur les difficultés d'accès à l'IVG dans ce département.

C'est l'un des enjeux actuels pour sauver la maternité des Lilas et son centre IVG, l'un des plus importants d'Île-de-France, avec plus de 1 000 IVG réalisées chaque année.

Madame la secrétaire d'État, vous le savez, les personnels sont épuisés par les menaces de fermeture qui pèsent sur cet établissement. Leur engagement pour sauvegarder les conditions d'accueil des nouveau-nés, des patientes, de leurs compagnons et de leurs familles n'est plus à démontrer. Soutenus par un collectif très large, ils mènent une bataille sans relâche.

Nous serons reçus, avec un certain nombre d'élus, par Mme Marisol Touraine le 9 décembre prochain pour aborder cette question.

Mon intervention concerne l'immédiat : finalement, quelles sont les propositions du Gouvernement pour ce qui concerne le pôle d'interruption volontaire de grossesse de cet établissement et, plus globalement, son avenir ?

La reconstruction aux Lilas est la garantie de ne pas voir disparaître non seulement un centre réalisant 1 000 IVG annuelles, mais également une maternité emblématique, atout précieux pour la qualité de la prise en charge des femmes de Seine-Saint-Denis, plus largement de la région d'Île-de-France et même de l'ensemble du territoire national.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Madame la sénatrice, je vous remercie pour cette question qui me permet de réaffirmer notre attachement au droit des femmes à disposer de leur corps, et en particulier au droit à l'avortement.

Vous le savez, le Gouvernement mène depuis 2012 une action résolue pour garantir le droit et l'accès à l'IVG.

L'IVG est désormais, vous l'avez dit, remboursée à 100 %. Le tarif de l'acte a été revalorisé de 50 % dans les hôpitaux. Il a été rappelé aux agences régionales de santé leur devoir d'assurer la continuité de l'offre de service sur le territoire, notamment pour éviter les ruptures estivales.

Le site ivg.gouv.fr a été lancé pour contrer les informations mensongères anti-IVG. Une convention pluriannuelle de financement du planning familial a été conclue en 2013.

Récemment, la loi du 4 août 2014 a étendu le champ du délit d'entrave à l'IVG et supprimé la notion de « détresse » des femmes souhaitant recourir à l'IVG. C'est une avancée importante réaffirmant le droit des femmes à disposer de leur corps, sans stigmatisation moralisante.

J'en viens à l'accès à l'IVG en Ariège. Sur ce territoire, il existe deux établissements de santé publics autorisés en gynécologie obstétrique et/ou chirurgie, susceptibles de réaliser des IVG : il s'agit du centre hospitalier intercommunal du Val d'Ariège et du centre hospitalier Ariège Couserans. Ces établissements ont une convention avec le conseil général pour exercer la mission de CPEF, ou centre de planification ou d'éducation familiale.

Dans tous les bassins de santé de l'Ariège, y compris au Pays d'Olmes, une offre existe en matière de consultations pour demande d'IVG.

Dans le Lot-et-Garonne, quatre établissements réalisent des IVG : trois établissements publics - Agen, Marmande et Villeneuve-sur-Lot - et la clinique Esquirol-Saint-Hilaire. Ces structures travaillent en partenariat avec les CPEF.

L'agence régionale de santé, ou ARS, a par ailleurs mandaté le réseau de santé en périnatalité pour effectuer un travail de réseau avec les acteurs libéraux et hospitaliers, ainsi que les différents services du conseil général, tels que le CPEF et la PMI. Le réseau vient également en appui aux acteurs pour améliorer les pratiques.

C'est en Île-de-France que près du quart des IVG sont réalisées. L'offre hospitalière est constituée de 105 établissements, dont 14 en Seine-Saint-Denis et 11 en Seine-et-Marne.

Cette offre est complétée par une offre en ville plus dense que dans les autres régions. En 2012, 418 professionnels libéraux exerçant en Île-de-France ont prescrit au moins un acte d'IVG médicamenteuse.

L'offre en CPEF et centres de santé est également plus développée en Île-de-France qu'ailleurs, et 38 % des IVG réalisées en CPEF ou centres de santé le sont dans cette région.

Enfin, il faut noter que l'Île-de-France a initié un programme ambitieux intitulé FRIDA, qui vise à garantir, tant en ville qu'à l'hôpital, une offre répondant aux besoins de la population, et ce de manière adaptée dans chaque département.

J'en viens à la maternité des Lilas, dont je suis très attentivement la situation. Vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État, les équipes en place réalisent un travail formidable. Un délai a été accordé jusqu'au 30 juin 2015, afin que le projet architectural initial de reconstruction sur site soit revu et le plan de financement actualisé, conformément aux souhaits de la présidente et du conseil d'administration de la maternité.

Dans l'attente de la remise de ces travaux, prévue le 30 juin 2015, la maternité des Lilas continuera à être soutenue, comme c'est le cas depuis 2012, afin de garantir l'accès aux soins, notamment en matière d'IVG.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Vos propos marquent votre engagement, ainsi que celui de Mme la ministre Marisol Touraine, concernant le droit à l'avortement des femmes, partout.

Cela dit, je veux noter ici la contradiction entre, d'une part, votre volonté et, d'autre part, les restrictions budgétaires imposées à la santé, restrictions dont nous avons pu mesurer l'ampleur la semaine dernière en examinant le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui prévoit des coupes drastiques dans les établissements publics hospitaliers.

J'attire votre attention sur cet aspect, en soulignant qu'on ne peut pas mener une politique de santé de qualité avec des moyens qui se réduisent comme peau de chagrin.

Vous évoquez par ailleurs l'IVG médicamenteuse. Il y est recouru, il est vrai, de façon importante dans le cadre de l'avortement. Mais de nombreuses jeunes femmes m'ont dit regretter que cette méthode manque cruellement d'un suivi psychologique et médical : on se contente de donner le médicament en question, et les femmes sont laissées dans un certain désarroi. Il y a donc, selon moi, des choses à faire dans ce domaine.

Enfin, la réponse que vous m'apportez concernant la maternité des Lilas se veut rassurante. J'espère que les personnels, le collectif, les élus, recevront jusqu'au bout votre soutien attentif, pour que cette maternité emblématique en termes non seulement de naissances mais aussi d'IVG soit bien reconstruite sur le site des Lilas et que le dessein initial de l'ARS, qui n'intégrait pas cette exigence, soit définitivement abandonné au profit d'un projet correspondant aux besoins des femmes de Seine-Saint-Denis, d'Île-de-France et, plus globalement, de l'ensemble du territoire.

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