Question de M. KALTENBACH Philippe (Hauts-de-Seine - SOC) publiée le 14/11/2014

Question posée en séance publique le 13/11/2014

M. Philippe Kaltenbach. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

Depuis la privatisation du secteur autoroutier, les sociétés concessionnaires réalisent des bénéfices colossaux, avec un risque minimal, pour ne pas dire nul.


M. Jean-Pierre Sueur. C'est juste !


M. Philippe Kaltenbach. Au total, 15 milliards d'euros de dividendes ont ainsi été distribués entre 2006 et 2013.

Le récent constat de l'Autorité de la concurrence est sans appel : « La rentabilité exceptionnelle des sociétés concessionnaires d'autoroutes “historiques”, largement déconnectée de leurs coûts et disproportionnée par rapport au risque de leur activité, est assimilable à une rente. »


Mme Éliane Assassi. Il faut renationaliser !


M. Philippe Kaltenbach. L'Autorité ajoute que, « pour 100 euros de péages payés par l'usager, entre 20 et 24 euros sont du bénéfice net pour les concessionnaires d'autoroutes ».

J'estime que, lors de la privatisation du secteur autoroutier par la droite en 2005-2006, l'État a été doublement lésé : une première fois tout de suite, en ne percevant que 15 milliards d'euros pour la vente de ses actions, alors que la Cour des comptes a estimé leur valeur à 24 milliards d'euros, et une seconde fois en s'engageant contractuellement dans des rapports largement déséquilibrés avec les sociétés autoroutières, qui ont en outre permis des augmentations de péage très supérieures à l'inflation.

Je rappelle pour mémoire la loi du 18 avril 1955, qui dispose que « l'usage des autoroutes est en principe gratuit ». Toutefois – tout est dans ce « toutefois » –, la loi précise qu'un péage peut être institué afin d'assurer la couverture des dépenses liées à la construction, à l'exploitation ou à l'extension de l'infrastructure.

Monsieur le ministre, cette exception au principe de gratuité des autoroutes profite désormais à des sociétés privées à la rentabilité maximale. Est-ce acceptable ?


M. Michel Le Scouarnec. Il faut renationaliser !


M. Philippe Kaltenbach. Que comptez-vous faire pour en finir avec cette situation, que je juge proprement scandaleuse, et, dans le même temps, dégager de nouveaux financements pour nos infrastructures de transport et limiter les tarifs des péages ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

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Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique publiée le 14/11/2014

Réponse apportée en séance publique le 13/11/2014

M. Emmanuel Macron,ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le sénateur, vous avez raison, le constat a été fait à la fois par la Cour des comptes et par l'Autorité de la concurrence : la privatisation des autoroutes françaises s'est déroulée dans de bien mauvaises conditions, en termes tant de prix de vente que de tarifs.

M. Jean Desessard. C'est eux !(M. Jean Desessard montre du doigt les travées de la majorité sénatoriale.)

M. Emmanuel Macron,ministre.Quelle est la situation ? Pour certains, le prix de vente a été sous-évalué ; je pense qu'il faut rester prudent sur ce point : des calculs doivent être faits. La dynamique tarifaire a, en outre, été largement supérieure à l'inflation : les tarifs ont augmenté de 25 % en dix ans. C'est une préoccupation.

M. Jean-Pierre Bosino. Il faut renationaliser !

M. Emmanuel Macron,ministre.Par ailleurs, la politique de travaux n'est pas totalement satisfaisante. Je ne citerai qu'un exemple, celui du « Plan vert ».Il s'agissait d'une bonne idée, lancée par Jean-Louis Borloo lorsqu'il était ministre,...

M. Claude Nougein. Très bien !

M. Emmanuel Macron,ministre.... mais les sociétés concessionnaires d'autoroutes l'ont mise en œuvre de manière relativement peu transparente. En effet, elles se sont contentées, pour l'essentiel, d'installer des télépéages ; ceux-ci permettent certes de réduire les émissions à l'approche du péage, mais elles les auraient également installés en l'absence du « Plan vert ».

Il faut donc créer les conditions de la transparence dans l'exercice des contrats de concession, en matière de tarifs mais aussi de travaux. Il y a là un enjeu de pouvoir d'achat et d'activité. C'est ce que nous avions en tête il y a quelques mois, lorsque, avec Ségolène Royal, nous avons proposé un plan de relance autoroutier consistant notamment à allonger la durée de certains contrats en contrepartie de nouveaux travaux. Nous avons porté ledit plan à la connaissance de la Commission européenne.

Que faire aujourd'hui pour améliorer le dispositif ? La première chose est de mettre en œuvre la recommandation de l'Autorité de la concurrence. C'est ce que nous vous proposerons dans le cadre du projet de loi pour la croissance et l'activité. Il s'agit d'étendre au transport routier les compétences de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires.

L'ARAF verrait donc ses compétences élargies, afin de garantir la transparence et de contrôler la dynamique tarifaire et la dynamique de travaux des sociétés concessionnaires d'autoroutes. Nous voulons introduire plus de transparence et de meilleures incitations dans l'exercice des contrats de concession.

Nous serons extrêmement vigilants, dans le cadre du plan de relance autoroutier que nous mettons en œuvre, afin qu'un bon équilibre soit trouvé.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Emmanuel Macron,ministre.J'ajoute - et je conclurai sur ce point -qu'il faut aller plus loin sur les révisions de formules de prix. L'Autorité de la concurrence a formulé des propositions. Les commissions du développement durable du Sénat et de l'Assemblée nationale travaillent également sur ce sujet. Nous pourrons enrichir le projet de loi pour la croissance et l'activité de leurs propositions.(Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.)

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