Question de M. VASPART Michel (Côtes-d'Armor - UMP) publiée le 27/11/2014

M. Michel Vaspart attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur l'exigence de précaution inscrite dans la Constitution, par le biais de la charte de l'environnement et ses effets potentiels sur notre économie. Le principe de précaution est, en effet, souvent compris comme une contrainte rigide, paralysante pour l'activité dans un certain nombre de domaines. Il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement réfléchit à en assouplir la définition ou l'application et si tel est le cas, dans quels domaines.

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Transmise au Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie


Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 02/07/2015

Le principe de précaution est consacré, en tant que principe à valeur constitutionnelle, par l'article 5 de la charte de l'environnement aux termes duquel : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » Tel qu'il est défini par la charte et appliqué par les juridictions, ce principe n'est en rien un obstacle à l'innovation, à la recherche scientifique ou encore au développement économique. Le principe de précaution doit, en effet, être compris comme un principe d'action s'imposant aux pouvoirs publics et aux autorités administratives, dans leurs domaines de compétence respectifs, et non comme un principe d'abstention en cas de doute scientifique. Face à une incertitude quant à la réalisation d'un dommage grave et irréversible pour l'environnement, les autorités sont tenues de mettre en œuvre des procédures d'évaluation du risque potentiel identifié. Ce principe implique donc la mise en œuvre d'une procédure globale dont le point de départ doit être l'identification et la qualification du risque, notamment par la promotion de la recherche scientifique, de l'innovation et d'une expertise indépendante. Ces informations scientifiques doivent ensuite pouvoir être soumises à un débat. À l'issue de ces étapes, lorsque les résultats des études menées ne permettent pas de déterminer avec certitude l'existence ou la portée du risque, mais que la probabilité existe qu'un dommage réel se produise si le risque se réalise, les autorités publiques sont tenues de prendre des mesures de précaution proportionnées et provisoires afin d'éviter la réalisation du dommage. Elles doivent évaluer le rapport entre les bénéfices et les risques des mesures de précaution envisagées. Enfin, cette procédure globale ne doit pas seulement être mise en œuvre depuis le début, lorsque un risque nouveau émerge, mais également en continu, afin d'apprécier régulièrement la validité des connaissances scientifiques et l'opportunité des mesures de précaution en vigueur. La charte de l'environnement prend ainsi en compte l'importance de la recherche, pour l'application de son article 5, afin d'éclairer le processus de décision aboutissant aux mesures provisoires et proportionnées et évaluer au mieux les risques encourus, et les impacts des activités humaines susceptibles d'endommager l'environnement de manière grave et irréversible. Son article 9 précise d'ailleurs que « La recherche et l'innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l'environnement ». Le produit d'une taxe sur les émetteurs radiofréquences a ainsi été affecté au financement de projets de recherches, gérés depuis 2011 par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et portant sur les risques pour la santé dans ce domaine. Plus largement, pouvoir se fonder, en amont du développement et de la diffusion à grande échelle de nouveaux produits, procédés et savoir-faire, sur un substrat de résultats scientifiques quant aux risques potentiels ou aux risques encourus pour l'environnement et par voie de conséquence pour la santé, ne peut que contribuer à permettre leur accès au marché dans les meilleures conditions. Loin de freiner l'innovation et d'empêcher la compétitivité, le principe de précaution, étayé par la recherche, est un gage de bénéfices, tant économiques que sociétaux. L'approche industrielle dénommée « safe by design », dont l'objectif est l'intégration, par les travaux menés sur les produits innovants et performants, de la dimension du respect de l'environnement dès leur conception et sur l'ensemble de leur cycle de vie, s'inscrit dans cette perspective. Comme indiqué le 13 août 2013 par la ministre alors chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche dans sa réponse à M. le député du Bas-Rhin, M. Patrick Hetzel, il convient par conséquent de s'interroger non pas sur l'existence du principe de précaution et sur son inscription dans la charte adossée à la Constitution, mais plutôt sur les conditions de sa mise en œuvre par les pouvoirs publics. Dès lors, le Gouvernement n'envisage pas de rechercher une modification de la définition juridique de ce principe, mais, plutôt, de promouvoir, au sein de l'opinion publique, une bonne compréhension de ce que suppose la mise en œuvre de ce principe d'action.

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