Question de M. KERN Claude (Bas-Rhin - UDI-UC) publiée le 11/12/2014

M. Claude Kern attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire sur l'inégalité de traitement que subissent les orphelins de réfractaires et de « Malgré-nous ».

Le camp de redressement de Schirmeck et le camp de concentration de Struthof-Natzwiller font partie des lieux d'internement des Alsaciens-Mosellans réfractaires et des familles des réfractaires à l'incorporation de force dans l'armée nazie. Ces faits ont été qualifiés comme un crime contre l'humanité par le tribunal militaire international de Nuremberg, qui a également qualifié l'incorporation de force dans une armée étrangère comme un crime de guerre.

L'Alsace et la Moselle étaient « annexées de fait » sans aucun accord international dans le IIIe Reich nazi. Au regard du droit international, l'Alsace-Moselle et sa population étaient ainsi françaises au moment même où ces crimes ont été commis. Et pourtant, les orphelins de ces victimes des crimes de guerre et de crimes contre l'humanité sont toujours exclus du dispositif d'indemnisation prévu par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. En effet, celui-ci vise exclusivement les orphelins français ou étrangers dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie. Cette iniquité est vécue par ces orphelins de parents réfractaires ou « Malgré-nous » décédés ou disparus comme une grave injustice. Dans la réponse publiée au Journal officiel du 8 octobre 2013 à la question n° 31 378 (Assemblée nationale), il était indiqué que ces victimes seraient décédées « au cours ou des suites du service », ce qui implicitement suppose que la présence de Français de Moselle et d'Alsace était légitimement sous uniforme allemand ; cette analyse étant un déni de l'Histoire. Ainsi, en plus de l'exclusion des orphelins alsaciens-mosellans de ce dispositif, cette réponse est vécue comme un rejet de la part de l'État.

Afin de panser les plaies pour œuvrer à la concorde nationale il est nécessaire de revoir ce dossier en donnant, dans un premier temps la reconnaissance de la Nation, après la reconnaissance du président de la République à Colmar en 2010 de l'épreuve atroce des « Malgré-nous », à ces catégories d'orphelins de guerre et pupilles de la Nation au même titre que les autres catégories victimes de la barbarie nazie en général. Il conviendrait par ailleurs d'ouvrir le dispositif d'indemnisation aux enfants orphelins des victimes réfractaires ou enrôlées de force dans les troupes du III Reich.

Ainsi, il souhaite savoir dans quels délais le Gouvernement entend élargir l'accès à cette indemnisation pour rétablir l'égalité de traitement entre tous les orphelins et pupilles de la Nation.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire publiée le 02/04/2015

L'annexion de fait de l'Alsace et de la Moselle par le IIIème Reich a comporté notamment l'incorporation forcée de jeunes Français dans l'armée allemande. Le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire mesure pleinement l'étendue du drame vécu par ces militaires et leurs familles au cours de la Seconde Guerre mondiale et souhaite rappeler que la France a reconnu leur situation. En effet, l'article L. 231 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) dispose que les anciens militaires alsaciens et lorrains de la guerre 1939-1945, Français, soit par filiation, soit par réintégration, en vertu de la loi du 5 août 1914, soit en exécution du traité de Versailles, bénéficient, ainsi que leurs ayants cause, de la législation sur les pensions militaires d'invalidité pour les services accomplis dans les armées de l'Allemagne ou de ses alliés. L'article L. 232 du même code précise que ces anciens militaires, incorporés de force par voie d'appel, ainsi que leurs ayants cause, ont droit à pension dans les conditions fixées par le livre Ier du CPMIVG et, éventuellement, à toutes allocations, indemnités, majorations et suppléments de majorations pour infirmité résultant de blessures reçues, d'accidents survenus, de maladies contractées ou aggravées par le fait ou à l'occasion du service. En tout état de cause, la notion de service, telle qu'elle résulte de ces dispositions, ne saurait laisser supposer, même implicitement, que les Français d'Alsace et de Moselle ont servi légitimement dans les rangs de l'armée allemande, mais ne fait que traduire l'activité militaire de ceux d'entre eux ayant été incorporés de force dans cette armée au cours du conflit en cause. Ainsi, les orphelins des « Malgré-nous » ont pu prétendre à un droit à réparation conformément aux dispositions de l'article L. 232 du CPMIVG. Par ailleurs, les ayants cause des Alsaciens et Mosellans réfractaires à l'incorporation forcée dans l'armée allemande ont également pu se voir accorder un droit à pension en application de l'article L. 301 du CPMIVG. Il convient d'ajouter que tous les orphelins de guerre, quel que soit leur âge, sont ressortissants de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et peuvent bénéficier, à ce titre, de l'assistance de cet établissement public, dispensée notamment sous la forme d'aides ou de secours en cas de maladie, absence de ressources ou difficultés momentanées. Cependant, le dispositif d'indemnisation mis en place par les décrets n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale, répond à une situation tout à fait spécifique. En effet, c'est fondamentalement l'extrême inhumanité des persécutions et des crimes nazis, et un traumatisme, celui de la déportation, dépassant le strict cadre d'un conflit entre États, qui sont à l'origine de la création du dispositif en cause. Ce dispositif doit rester fidèle à sa justification essentielle qui est de consacrer solennellement le souvenir des victimes de la barbarie nazie, à travers leurs enfants mineurs au moment des faits. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de maintenir cette spécificité pour ne pas porter atteinte à la cohérence des deux décrets. Néanmoins l'examen de plusieurs dossiers a laissé apparaître la difficulté d'appliquer des critères stricts à des situations extrêmement diverses. La mise en œuvre de ces critères doit donc s'opérer de manière éclairée, afin de donner aux deux décrets leur pleine portée, dans le respect de leur ambition initiale d'indemniser la souffrance des orphelins dont les parents ont été frappés par cette barbarie.

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