Question de M. PERCHERON Daniel (Pas-de-Calais - SOC) publiée le 05/02/2015

M. Daniel Percheron attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur le fait qu'au moment même où Alstom se recentre sur le ferroviaire, ses deux concurrents chinois CNR et CSR s'orientent vers une fusion susceptible de donner un concurrent redoutable. En effet, CNR et CSR ont réussi l'une des assimilations de technologies étrangères les plus rapides de l'histoire industrielle. Ainsi, la gamme des CRH380, trains de conception chinoise conçus pour rouler à 380 km/h, inclut des dérivés de modèles avancés pour lesquels le japonais Kawasaki, le canadien Bombardier et l'allemand Siemens leur ont concédé des licences il y a moins de dix ans. Et la force de l'industrie ferroviaire chinoise ne s'arrête pas à cette offre de produits. Elle tient aussi à son intégration dans un dispositif d'exportation qui lui permet de proposer des solutions complètes, associant la construction des infrastructures et leur financement.

Les velléités internationales chinoises se font de plus en plus précises comme en témoignent l'obtention puis l'annulation récente d'un contrat très important au Mexique, la mise en place d'un groupe de travail sur le développement d'un réseau à grande vitesse en Roumanie, la signature à Londres d'un accord de principe sur la participation chinoise au projet « high speed 2 » (HS2), qui étendrait la grande vitesse ferroviaire au-delà de Londres, ou encore l'accord sur la construction d'une ligne à grande vitesse entre Chine et Russie. En outre, le japonais Hitachi, déjà présent en Grande-Bretagne, vient de racheter l'italien Ansaldo et commence à prendre des parts de marché importantes en Europe.

Dans ce contexte, il lui demande quel secteur de l'industrie ferroviaire lui semble être le plus exposé à la concurrence chinoise et quelle organisation et stratégie commerciales Alstom compte mettre en place.

Par ailleurs, malgré un carnet de commandes bien rempli et un chiffre d'affaires qui a progressé de 13 % sur le dernier semestre 2014, Alstom ne tire pas forcément l'emploi en France car la moitié de ses commandes viennent de clients non européens, qui ont une exigence quasi systématique de localisation dans leur pays d'une part grandissante de la production. Si l'on ajoute à cela une baisse importante des prévisions de commandes dans le secteur ferroviaire, due à la contraction des finances publiques de l'ensemble des pays européens, et des sous-traitants souvent trop liés aux commandes de la société nationale des chemins de fer français (SNCF) et peu structurés pour la concurrence mondiale, de fortes incertitudes planent sur l'industrie ferroviaire française qui compte près de 30 000 emplois dont un tiers se situent en Nord-Pas-de-Calais.

Il lui demande s'il dispose d'informations précises sur les domaines et les entreprises ferroviaires qui risquent d'être fortement touchés par cette situation, et quelle stratégie compte mettre en place le Gouvernement pour soutenir la filière ferroviaire. En outre, il lui demande s'il pense que les incitations au développement du transport routier de voyageurs et l'abandon de l'écotaxe poids lourd risquent de concurrencer un peu plus le rail en France, et donc d'induire des suppressions de postes dans l'industrie ferroviaire.

- page 232

Transmise au Ministère de l'économie et des finances


Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 13/04/2017

L'industrie ferroviaire française, par ses compétences technologiques et son chiffre d'affaires de 4 Mds€ en 2014, se classe au 3ème rang mondial derrière la Chine et l'Allemagne. Elle emploie directement environ 21 000 personnes et induit près de 84 000 emplois sur le territoire national. La filière intervient sur un marché mondial qui devrait continuer à croître à un rythme de l'ordre de 2,8 % par an sur les six prochaines années. Cette tendance favorable est notamment liée à l'Asie qui devrait devenir en 2016 le 1er marché accessible et devancer l'Europe de l'Ouest. L'immense marché chinois a permis de faire émerger deux très grands constructeurs de matériels roulants, CSR et CNR, qui fusionnent alors qu'ils occupaient déjà les deux premières places mondiales, devant les constructeurs historiques que sont Bombardier, Siemens et Alstom. Outre la pression chinoise, des acteurs moindres et plus flexibles, notamment européens, proposent des solutions low-cost qui concurrencent Bombardier, Alstom et Siemens sur leurs marchés historiques. À ce contexte concurrentiel exacerbé s'ajoute un déclin de la commande de matériel roulant en France, après plus de 10 années de croissance, sous l'effet conjugué et convergent de fin de cycles, de la réorganisation des trains d'équilibre du territoire, de la rigueur budgétaire et de la recomposition des régions. Cette baisse va induire un creux de charge de 2017 à 2020, en particulier sur la production et l'ingénierie pour le matériel roulant, qui menacerait près de 10 000 emplois selon la fédération des industries ferroviaires (FIF). Le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique et le secrétaire d'État en charge des transports, de la mer et de la pêche, ont réuni le comité stratégique de la filière ferroviaire (CS2F) le 20 juillet 2015 pour faire le point sur cette situation difficile avec l'ensemble des acteurs de la filière ferroviaire à commencer par la FIF, les industriels, les acteurs de l'ingénierie mais aussi les grands opérateurs tels que SNCF mobilités ou la RATP. Face à ces difficultés, les industriels du secteur s'organisent ; si la filière réalise encore 70 % de son chiffre d'affaires sur le marché national, sa part à l'export a augmenté de plus de 10 % depuis 2011. S'agissant plus précisément d'Alstom, les contrats gagnés à l'international mobilisent les bureaux d'études, qui travaillent pour moitié pour des projets hors de France, et permettent d'amortir les frais de développement des plateformes. Bien que les marchés les plus importants présentent en général de fortes exigences de part locale, ces contrats peuvent également profiter à l'activité de production en France, notamment s'agissant des usines de composants. Les sites d'Alstom à l'étranger ont en outre effectué plus de 150 M€ d'achats auprès de fournisseurs français en 2014. Le Gouvernement a pleinement conscience des enjeux de l'industrie française et s'est mis en ordre de bataille pour la soutenir, selon plusieurs axes. Tout d'abord, il existe à moyen et long terme des perspectives de commandes significatives, notamment dans le cadre du Grand Paris, que la puissance publique s'attache à concrétiser rapidement pour soutenir la filière. Les réalisations prévues constitueront une véritable vitrine à l'export pour le savoir-faire de l'industrie française tout en apportant de la charge aux sites industriels nationaux. Ainsi, un marché de 2 Mds€ a été attribué récemment à Alstom pour la livraison de rames de métro pneu (MP 14) ; les appels d'offres en cours du RER NG (Eole, RER D) et métros du Grand Paris (lignes 15, 16, 17) représentent 5 G€ et 1,5 G€ respectivement (soit 4 000 et 1 500 emplois pendant une dizaine d'années) ; le Gouvernement prévoit également le remplacement d'ici 2025 des trains Corail des lignes TET structurantes, pour un montant de 1,5 G€. Sans attendre, ce sont déjà 34 rames Régiolis qui ont été commandées en septembre 2013 à Alstom pour un montant de 510 M€ et dont les premières ont été livrées fin 2015 ; une trentaine d'autres unités seront également commandées auprès d'Alstom prochainement, comme l'a annoncé le 19 février 2016 le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; le projet de TGV du futur, pour lequel la SNCF a lancé en juillet 2015 un partenariat pour l'innovation, se caractérisera par une réduction de la consommation électrique et un coût à la place diminué. Il convient de rappeler qu'en complément de ces actions sur le territoire national, le Gouvernement s'emploie également à accompagner le déploiement des acteurs de la filière française sur les marchés d'exportation : 1,5 Md€ de prêts RPE (réserve pays émergents) ont été accordés dans les deux dernières années pour les projets ferroviaires français à l'étranger. La filière ferroviaire a représenté à elle seule le tiers de l'ensemble des dossiers soutenus. À titre d'exemple, la vente de 14 rames à grande vitesse au Maroc, soutenue par l'État par un prêt de 350 M€ dans le cadre de la RPE fin 2012, a permis de donner 120 000 heures de travail au site d'Alstom de Belfort. En outre, pour protéger les intérêts de l'industrie ferroviaire face à une concurrence mondialisée, une réponse européenne est indispensable. La France a donc fortement soutenu l'adoption par la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie (ITRE) du Parlement européen d'une résolution écrite relative à la compétitivité du secteur européen de l'équipement ferroviaire. La Commission européenne est ainsi appelée à adopter une stratégie cohérente et ambitieuse en faveur de l'industrie ferroviaire. Le Parlement appelle notamment des efforts de soutien à la recherche et l'innovation, l'unification du marché grâce à l'adoption du pilier technique du 4ème paquet ferroviaire, l'organisation en clusters des pôles de compétitivité européens. La résolution met également l'accent sur le respect du principe de réciprocité dans l'accès aux marchés publics et dans les accords commerciaux conclus par l'Union européenne. Cette résolution a été adoptée par les eurodéputés le 9 juin 2016. Enfin, l'État accompagne les industriels dans leur développement d'offres attractives, innovantes et compétitives, à travers le soutien à l'innovation. L'institut de recherche technologique Railenium, outil structurant de la recherche et développement (R et D) de la filière ferroviaire, bénéficie d'un soutien du programme des investissements d'avenir (PIA) à hauteur de 80 M€. Avec le pôle de compétitivité i-Trans, Railenium définit aujourd'hui une feuille de route technologique pour l'ensemble de la filière, au service aussi bien des industriels que des opérateurs. Le Gouvernement a également lancé en 2015 l'appel à projets « transports ferroviaires », doté de 50 M€ par les investissements d'avenir, pour soutenir les projets de R et D ferroviaires. En complément de ce guichet, le concours « initiatives PME transport », qui s'appuie aussi sur les investissements d'avenir, a déjà permis en 2015 d'aider sept PME innovantes dans le domaine du ferroviaire, à hauteur de 200 000 € de subvention chacune. De plus, l'État intervient en tant qu'investisseur avisé dans le développement des technologies du TGV du futur pour son marché national aussi bien que pour l'export. Cet engagement a été concrétisé en décembre 2015 avec la signature de la création de Speedinnov, Joint-Venture entre Alstom et l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) intervenant au titre de l'État. Le Gouvernement est fermement convaincu que les compétences et l'excellence des acteurs français constituent un atout pour l'ensemble du système ferroviaire national. C'est pourquoi il encourage, dans le cadre du CS2F, les échanges entre acteurs, dont les opérateurs, afin que les commandes de matériels roulants pour le marché national puissent – dans le strict respect des règles de concurrence – soutenir les efforts de recherche et de développement nécessaires, permettre des gains de compétitivité, et contribuer à l'exportabilité des produits développés en France. Il convient enfin de rappeler que le Gouvernement aborde les différents modes de transports comme des options complémentaires et non concurrentes. Ainsi, la libéralisation du transport par autocar sur les distances de plus de 100 kilomètres vise à développer une offre de transport sur des zones non desservies par le train ou à destination d'une clientèle différente de celle habituellement passagère du train. L'autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) a publié en juin 2016 les données concernant les huit premiers mois de libéralisation de ce marché et a, sur cette base, procédé à une première analyse intermodale qui a abouti au constat que pour 55 % des liaisons autocars commercialisées, il n'existe pas d'alternative au train en direct. Quant à la résiliation du contrat de partenariat conclu avec Ecomouv, son impact sur le ferroviaire - et notamment sur l'activité de l'agence de financement des infrastructures de transport de France - sera limité puisque le secrétaire d'État en charge des transports, de la mer et de la pêche a annoncé le 18 novembre 2015 que les ressources de l'agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) seraient pérennisées jusqu'en 2017 à hauteur du budget de 2014, soit 1,9 Md€ par an. L'Afitf pourra bénéficier, en complément de ses ressources habituelles, de 800 M€ au titre de la surtaxe de deux centimes sur le gazole (TICPE) sur les véhicules légers auxquels s'ajouteront 350 M€ générés par la surtaxe de quatre centimes (deux centimes de TICPE et deux centimes de taxe carbone) sur le gazole ciblant les poids lourds.

- page 1445

Page mise à jour le