Question de M. MARSEILLE Hervé (Hauts-de-Seine - UDI-UC) publiée le 23/07/2015

M. Hervé Marseille attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur les conditions d'indemnisation des victimes de terrorisme.

Le fonds de garantie des victimes du terrorisme a indemnisé depuis sa création 4 000 victimes. Ce fonds est abondé par un prélèvement de 3,30 € sur les contrats d'assurance de biens, qui sont en France au nombre de 80 millions.

Si le fonds de garantie ne semble ni manquer de ressources, ni manquer d'indemniser les victimes, il est cependant peu clair sur les conditions d'indemnisation.

Dans la mesure où chaque situation est particulière, il convient d'apprécier les indemnisations en fonction d'un examen circonstancié de chacune d'entre elles. Néanmoins, on observe, d'une part, que les deux ex-otages français qui ont été détenus en l'an 2000 sur l'île de Jolo ont reçu 350 000 euros en allant devant les tribunaux après 140 jours de captivité et, d'autre part, la situation rapportée par un ex-otage au Sahel à qui 50 000 euros ont d'abord été proposés avant que la somme ne soit portée à 500 000 puis réduite à 300 000 par le fonds sous prétexte que son entreprise avait souhaité l'indemniser et cela suite à une détention de 1 139 jours.

Les citoyens français pris en otage ont vécu l'horreur durant des périodes toujours trop longues et se comptant parfois en années. Cette situation est gravement traumatisante. Aussi, il conviendrait que l'État éclaircisse les conditions d'indemnisation à la suite de ces événements afin que ces affaires se règlent avec rapidité et respect des personnes concernées.

En conséquence, il lui demande si le Gouvernement entend clarifier les conditions d'indemnisation des ex-otages victimes de terrorisme et plus particulièrement de ceux d'Arlit qui ont manifesté leur désarroi suite aux propositions qui leur ont été soumises.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 28/10/2015

Réponse apportée en séance publique le 27/10/2015

M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question s'adresse en effet à Mme la garde des sceaux et porte sur l'indemnisation des ex-otages victimes de terrorisme.

Créé par la loi n°90-589 du 6 juillet 1990, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, le FGTI, est destiné à l'indemnisation des victimes. Ce sont les articles L. 422-1 à L. 422-6 et R. 422-1 à R. 422-10 du code des assurances qui traitent de l'organisation et du financement du FGTI.

Le fonds de garantie est alimenté à 75 % par une contribution forfaitaire de 3,30 euros prélevée sur chaque contrat d'assurance de biens, soit près de 285 millions d'euros, et il dispose d'un budget global de 407 millions d'euros environ.

J'observe que le FGTI est géré par un conseil d'administration de huit membres : un représentant du secteur de l'assurance, quatre représentants de divers ministères, trois membres d'associations de victimes et un président issu du Conseil d'État ou de la Cour de cassation.

Chaque année, le FGTI gère 16 000 demandes d'indemnisation, dont moins d'une centaine provenant de victimes du terrorisme.

Or, si le fonds de garantie ne semble ni manquer de ressources ni manquer d'indemniser des victimes, les règles et les critères concernant les conditions d'indemnisation sont assez mystérieux.

En effet, il convient de remarquer la différence de traitement entre le cas des deux ex-otages français qui ont été détenus en l'an 2000 sur l'île de Jolo, et qui ont obtenu 350 000 euros, après une action devant les tribunaux, au terme de 140 jours de captivité - c'est-à-dire quatre mois et vingt jours - et la situation réservée aux ex-otages d'Arlit, comme le rapporte l'un d'entre eux.

Après 1139 jours de captivité, soit plus de trois ans, cet ancien otage s'est vu proposer 50 000 euros d'indemnisation. Cette somme fut par la suite portée à 500 000 euros, puis réduite à 300 000 euros, après que son entreprise eut décidé de l'indemniser également. Aujourd'hui, les ex-otages d'Arlit ont dû prendre des avocats pour se faire entendre, ce qui n'est pas normal.

Monsieur le secrétaire d'État, alors que le FGTI est administré pour moitié par des représentants directs des ministères et présidé par une personnalité issue de l'une de nos plus hautes juridictions, il conviendrait que l'action de l'État soit la plus transparente possible afin de respecter nos concitoyens qui ont vécu l'horreur de la captivité pendant plusieurs années. L'indemnisation doit être rapide et juste.

C'est pourquoi je souhaite savoir ce que le Gouvernement entend mettre en œuvre afin que les conditions d'indemnisation des ex-otages victimes de terrorisme soient clarifiées et que ces affaires soient réglées avec la célérité et l'équité qu'elles méritent.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser Mme la garde des sceaux, qui, ne pouvant être présente au Sénat ce matin, m'a chargé de répondre à sa place à votre question.

Les sommes versées aux victimes d'actes de terrorisme ne constituent pas les seuls préjudices indemnisés par le FGTI, dont vous avez parlé, créé par la loi du 9 septembre 1986. Le FGTI a en effet réglé, en 2014, les sommes de 256,2 millions d'euros aux victimes des infractions de droit commun et de 27,2 millions d'euros au titre du dispositif du service d'aide au recouvrement des indemnisations allouées aux victimes d'infractions pénales.

Comme vous l'énoncez à juste titre, ce fonds indemnise également les victimes d'actes de terrorisme et dispose, pour ce faire, de réserves suffisantes permettant de garantir la poursuite de ces indemnisations dans des conditions équitables.

En 2014, le FGTI a versé aux victimes du terrorisme la somme de 6,5 millions d'euros et, au 30 juin de cette année, 6,4 millions d'euros ont été alloués.

Il convient de rappeler que l'article L. 422-1 du code des assurances pose le principe de la réparation intégrale du dommage résultant de l'atteinte à la personne.

Les indemnisations offertes et réglées par le fonds sont donc calculées en fonction du préjudice spécifique de chacune des victimes concernées. Elles sont notamment calculées à partir d'une expertise médicale contradictoire.

Cette réparation est augmentée de l'indemnisation du préjudice exceptionnel des victimes d'actes de terrorisme, récemment créée par décision du conseil d'administration du FGTI en date du 29 avril 2014.

Les effets cumulés de ces principes peuvent aboutir à des variations dans les réparations de dommages versées.

En mentionnant un ex-otage du Sahel, vous faites probablement référence à la situation d'un ex-otage d'Arlit, qui a effectivement reçu 50 000 euros à titre de première provision. Par la suite, une deuxième provision de 500 000 euros a été envisagée, qui a été ramenée à 300 000 euros pour tenir compte des indemnités versées par son employeur, conformément à l'article R. 422-8 du code des assurances.

Cette procédure d'offre, mise en place par la loi du 9 septembre 1986, ne dispense cependant pas le demandeur d'établir l'existence et l'étendue des différents chefs de préjudice.

Concernant la situation de cet otage, une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil en date du 16 juillet 2015 a confirmé ce point, en indiquant que l'absence d'une expertise médicale - qui avait été proposée à plusieurs reprises par le fonds de garantie - faisait obstacle à ce que l'existence et le quantum de certains préjudices soient reconnus et évalués, et a, avant dire droit, ordonné cette mesure d'instruction qui permettra au fonds de faire une offre d'indemnisation.

Cet otage sollicitait par ailleurs une somme de 3 millions d'euros, en se fondant sur la jurisprudence dite « Jolo », qui aurait fixé, selon lui, le montant dû à un otage à titre de réparation par jour passé en captivité.

Tel n'est malheureusement pas le sens des dernières décisions de justice intervenues en matière d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme, ainsi qu'il ressort des arrêts des 23 janvier 2009 et 13 février 2012 prononcés par la cour d'appel de Paris dans deux affaires distinctes.

Ces décisions démontrent que le préjudice demeure évalué par les juridictions en fonction des circonstances de chaque cas d'espèce.

Enfin, il convient de rappeler qu'en tout état de cause, les victimes peuvent, en cas de non-acceptation des offres d'indemnisation provisionnelle ou définitive faites par le FGTI, saisir le tribunal d'une demande d'indemnisation, dans les conditions fixées par les articles L. 422-2 et L. 422-3 du code des assurances et 2226 du code civil.

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.

M. Hervé Marseille. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de ces précisions, qui sont importantes, mais qui restent très administratives... Vous conviendrez qu'après des mois voire des années de captivité, les vies de nos concitoyens sont brisées. L'un d'entre eux, qui habitait ma commune, est maintenant chez lui, ne travaille plus et son ménage n'a pas survécu. Ces otages doivent prendre des avocats pour essayer de se faire entendre, alors même qu'on envoie des soldats, qui risquent leurs vies, pour les libérer.

Il est nécessaire d'apprécier et d'évaluer chaque situation, mais on ne peut pas attendre des années avant d'indemniser des personnes dont la vie a ainsi été brisée et dont le sort a suscité une émotion nationale.

J'ai écrit à AREVA, l'entreprise gestionnaire du site d'Arlit ; je n'ai jamais eu de réponse, même pas un accusé de réception ! J'ai aussi saisi Mme Taubira, qui, aimablement, m'a fait recevoir par des membres de son cabinet.

Ainsi, les entreprises restent à l'écart et je conviens qu'il peut exister des volets sur lesquels il ne faut pas s'étendre. Néanmoins, il serait souhaitable de mettre en place des médiations pour faire avancer ces dossiers, afin d'éviter qu'ils n'aboutissent devant les juridictions et que cela ne dure finalement des années et des années.

Ces personnes gardent des séquelles et font face à de graves difficultés. L'État doit donc s'engager davantage pour y mettre un terme.

M. Jean-Claude Carle. Absolument !

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