Question de Mme GIUDICELLI Colette (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 30/07/2015

Mme Colette Giudicelli attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes sur la politique européenne d'identification des migrants.

Depuis le printemps 2014, le nombre de migrants se présentant à la frontière franco-italienne située aux portes de la ville de Menton s'est considérablement accru. C'est en effet vers le département des Alpes-Maritimes que se dirigent les principaux axes routiers et ferroviaires depuis le sud de l'Italie, qui sont empruntés par les migrants provenant, pour une très grande majorité, du continent africain et du Moyen-Orient. On estime que, depuis le 1er janvier 2015, 80 000 migrants ont débarqué sur les côtes italiennes. Sur les 13 500 interpellations et contrôles réalisés sur l'ensemble des Alpes-Maritimes par les services de police et de gendarmerie, moins d'une dizaine de migrants ont demandé le droit d'asile et 9 000 ont fait l'objet d'une réadmission en Italie, notamment en vertu des accords de Chambéry.

Cet accord spécifique bilatéral, signé entre la France et l'Italie, prévoit, entre autres, que les migrants interpellés dans une bande de vingt kilomètres de part et d'autre de la frontière, font l'objet d'une procédure de réadmission simplifiée dans le pays de provenance. En vertu des accords de Schengen et dans une situation normale, ces 9 000 migrants n'auraient jamais dû parvenir à la frontière française, les pays de première entrée étant obligés de contrôler et d'identifier les migrants qui pénètrent sur leur sol et à distinguer ceux qui ressortent du droit d'asile et ceux qui ne migrent que pour des raisons économiques.

Or, l'Italie fait face à une crise qu'elle ne peut gérer seule et ce travail d'identification n'est pas assumé. Tous les acteurs qui gèrent les afflux de migrants qui tentent de pénétrer en France, majoritairement pour continuer leur route vers le nord de l'Europe, conviennent pourtant que pour tenter de juguler ce phénomène, il faudrait qu'une identification soit faite dès le débarquement des migrants sur le sol italien. Mais ils savent également que si l'État italien le faisait, il serait devant une impasse, puisque les migrants seraient automatiquement réadmis en Italie.

De surcroît, d'autres réalités viennent compliquer son travail : ainsi, l'Italie renonce bien souvent à mettre en œuvre les procédures de signalement par contrainte sur les migrants, car certaines nationalités, notamment les érythréens, se rebellent systématiquement avec force contre ces méthodes. Le manque de moyens de l'État italien pour assumer ses obligations, dans les circonstances exceptionnelles que nous vivons, pose ainsi un problème à l'Europe toute entière qui tarde à apporter des réponses structurelles qu'elle n'est pas encore en mesure de fournir.

Pourtant, le système Eurodac, mis en place dans l'Union européenne, existe depuis 2003 : il a pour objet de contribuer à déterminer l'État membre qui, en vertu de la convention de Dublin, est responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans un État membre. Mais cette base de données, avec un système automatisé de reconnaissance d'empreintes digitales, n'est pas assez alimentée par les pays européens, alors qu'il s'agit d'un système intéressant en soi qui pourrait remédier à beaucoup de difficultés. Il souffre également d'un manque de coordination entre États européens.

Il semblerait d'autre part que l'État français ait proposé son aide à l'Italie pour la soutenir dans son travail de contrôle et de signalisation des migrants à ses frontières, sans que cette proposition n'ait été encore acceptée.

Aussi lui demande-t-elle quelles démarches auprès de ses collègues européens il entend engager pour rendre plus efficace le système Eurodac, si la France a bien proposé son aide à l'Italie et, dans l'affirmative, la nature de cette aide.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes publiée le 27/01/2016

Réponse apportée en séance publique le 26/01/2016

Mme Colette Giudicelli. Monsieur le secrétaire d'État, depuis le printemps 2014, le nombre de migrants se présentant à la frontière franco-italienne de la ville de Menton s'est considérablement accru.

C'est en effet vers les Alpes-Maritimes que se dirigent, du sud de l'Italie, les principaux axes routiers et ferroviaires qui sont empruntés par les migrants provenant du continent africain et du Moyen-Orient.

En 2015, 153 842 migrants sont arrivés sur les côtes italiennes. Sur les 27 313 interpellations et contrôles réalisés sur l'ensemble des Alpes-Maritimes par les services de police et de gendarmerie, 17 661 personnes ont fait l'objet d'une non-admission ou d'une réadmission en Italie, notamment en vertu de l'accord de Chambéry.

Cet accord spécifique bilatéral signé entre la France et l'Italie prévoit, entre autres choses, que les migrants interpellés dans une bande de 20 kilomètres de part et d'autre de la frontière font l'objet d'une procédure de réadmission simplifiée dans le pays de provenance.

Il vient compléter les accords de Schengen, qui obligent les pays de première entrée à contrôler et à identifier les migrants.

Or l'Italie fait face à une crise qu'elle ne peut gérer seule et ce travail d'identification n'est pas assuré. Le manque de moyens de l'État italien pour assumer ses obligations pose ainsi un problème à l'Europe tout entière, laquelle tarde à apporter des réponses structurelles qu'elle n'est pas encore en mesure de fournir.

Le système Eurodac, mis en place dans l'Union européenne en 2003, a pour objet de contribuer à déterminer l'État membre qui, en vertu de la convention de Dublin, est responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans un État membre. Mais cette base de données, qui s'appuie sur un système automatisé de reconnaissance d'empreintes digitales, n'est pas assez alimentée par les pays européens, alors qu'il s'agit d'un système susceptible de remédier à beaucoup de difficultés.

D'autre part, il semblerait - je compte sur votre réponse pour m'éclairer, monsieur le secrétaire d'État - que l'État français ait proposé son aide à l'Italie pour la soutenir dans son travail de contrôle. Toutefois, cette proposition n'aurait pas encore été acceptée.

Pouvez-vous m'indiquer quelles démarches auprès de vos collègues européens vous entendez entreprendre pour rendre plus efficace le système Eurodac ? Par ailleurs, pourriez-vous me dire si la France a bien proposé son aide à l'Italie et, dans l'affirmative, quelle en est la nature ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, permettez-moi tout d'abord de vous communiquer quelques données précises concernant ce phénomène d'immigration vers l'Italie, puis d'Italie vers la France.

En 2015, 153 842 migrants sont arrivés irrégulièrement en Italie par la voie maritime.

Ce chiffre est en baisse de 9,5 % par rapport à 2014, ce qui s'explique, pour l'essentiel, par l'ouverture de la route des Balkans et par la baisse du nombre de Syriens empruntant la Méditerranée centrale.

Cependant, à la frontière entre la France et l'Italie, la pression migratoire est demeurée très élevée : 27 313 interpellations ont été réalisées et 17 661 étrangers en situation irrégulière ont été réadmis en Italie au titre de l'accord de Chambéry, soit près de 65 % du total des personnes interpellées. Le traitement des autres personnes s'effectue dans le cadre de la procédure de Dublin.

L'Italie, pas plus que la Grèce, ne peut être laissée seule face à cette pression migratoire, qui appelle une réponse européenne, d'autant que la crise libyenne n'est pas encore résolue. Des décisions importantes ont été prises par le Conseil européen comme par le Conseil justice et affaires intérieures. Elles doivent être mises en œuvre, dans toutes leurs dimensions : les hotspots, le mécanisme de relocalisation, une politique effective de retour et une coopération accrue avec les pays tiers d'origine et de transit.

Chacun des maillons de cette chaîne, et notamment le bon fonctionnement des hotspots, est essentiel.

L'Italie s'est engagée à faire fonctionner six hotspots, ce qui implique notamment de procéder à l'identification, à l'enregistrement et au relevé des empreintes digitales des migrants débarqués, parfois amenés après des opérations de sauvetage ou de lutte contre les passeurs.

À ce stade, les autorités italiennes font état d'un taux d'enregistrement des relevés d'empreintes dans le système Eurodac de l'ordre de 60 %, certains migrants refusant de donner leurs empreintes en Italie pour pouvoir déposer des demandes d'asile dans les pays d'Europe du Nord.

La mise en œuvre des obligations découlant du règlement « Eurodac » relève de la responsabilité de chaque État membre, sous le contrôle de la Commission européenne.

La France est bien sûr disposée à examiner, si l'Italie en fait la demande, le principe d'une coopération, afin de mettre en place une alimentation systématique de la base Eurodac. C'est ce que nous souhaitons.

La France participe d'ailleurs au fonctionnement des hotspots en Italie et en Grèce, par le biais des 60 personnes qu'elle met à disposition de FRONTEX et des 18 personnes affectées au Bureau européen d'appui en matière d'asile.

Nous tenons également nos engagements en matière de relocalisations, tout en apportant, bien évidemment, toutes les garanties de sécurité nécessaires. Notre approche repose en effet sur un équilibre entre solidarité européenne et impératifs sécuritaires. C'est le sens de toutes les propositions que nous avons formulées pour reprendre la maîtrise de l'espace Schengen.

M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli.

Mme Colette Giudicelli. Je suis heureuse, monsieur le secrétaire d'État, de vous entendre rejoindre mes propos sur ce sujet.

Toutefois, je souhaiterais vraiment recevoir des précisions sur un point : une aide va-t-elle être apportée aux Italiens, pour qu'ils puissent travailler davantage et mieux ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Je vous remercie d'avoir précisé votre question.

Je l'ai dit, nous avons déjà mis à disposition de l'agence FRONTEX des personnels, qui ont été envoyés en Grèce et en Italie. Nous souhaitons qu'il puisse être procédé, en Italie, à l'enregistrement dans la base Eurodac de toutes les identités. La France est donc prête à envoyer des personnels supplémentaires pour aider l'Italie à mener à bien ces opérations.

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