Question de M. LENOIR Jean-Claude (Orne - Les Républicains) publiée le 30/07/2015

M. Jean-Claude Lenoir attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la raréfaction alarmante des terrains de stage proposés aux étudiants en travail social. L'extension aux collectivités territoriales, aux établissements publics de santé et aux établissements publics du secteur médico-social de l'obligation de gratification des stages de plus de deux mois a considérablement aggravé cette pénurie de stages à compter de l'année 2015 et ce, en dépit de la mise en place du fonds de transition destiné à aider ces organismes à accueillir des stagiaires. Cette situation a, d'ores et déjà, conduit l'administration à prévoir des assouplissements pour ne pas pénaliser les étudiants, comme, par exemple, la possibilité d'aménager les temps de stage en multipliant les périodes sur des durées plus courtes afin de contourner l'obligation de gratification. L'instruction interministérielle du 31 mars 2015 préconise, en outre, un examen, au cas par cas, des situations individuelles critiques. Elle prévoit ainsi de donner aux étudiants ne pouvant comptabiliser la totalité du temps de stage requis par les référentiels de formation la possibilité de se présenter néanmoins à la certification finale. Toutefois, ces mesures dérogatoires ont leurs limites, d'autant que les stages pratiques représentent une part très significative de la formation des futurs travailleurs sociaux et qu'ils sont indispensables pour bien les préparer à la réalité du travail social. C'est pourquoi il souhaiterait connaître les dispositions envisagées pour préserver l'alternance intégrative des menaces de remise en cause que la pénurie de stages fait actuellement peser sur cette méthode de formation.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé des droits des femmes publiée le 27/01/2016

Réponse apportée en séance publique le 26/01/2016

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, je dirai, pour illustrer ma question, que le mieux est parfois l'ennemi du bien.

Depuis deux ans, j'alerte les pouvoirs publics sur les conséquences néfastes d'une disposition de la loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires, relative à la gratification des stages pour les étudiants en formation.

Le principe de cette disposition était bon ; il y avait en effet des abus, ce que personne ne conteste. Mais il pose un problème, et j'évoquerai tout particulièrement la formation des assistants sociaux. Les étudiants qui se destinent à cette profession sont soumis à une obligation de stage de huit semaines en première année, de vingt semaines en deuxième année - il s'agit là d'une consolidation des connaissances -, puis de vingt semaines en troisième année. Ces stages sont obligatoires pour obtenir le diplôme.

Or une obligation de gratification a été imposée pour les stages d'une durée minimale de trois mois, durée qui a été raccourcie à deux mois.

Vous me rétorquerez qu'il est positif que des étudiants qui suivent une formation reçoivent une gratification. Mais, dans le même temps, cette obligation a été étendue à l'ensemble des structures publiques, qu'il s'agisse d'hôpitaux ou d'autres organismes publics.

La conséquence est la suivante : il n'est aujourd'hui plus possible pour ces étudiants, sauf au prix d'immenses efforts, de trouver des stages, du fait des difficultés budgétaires que connaissent les établissements publics, notamment dans le domaine social et le domaine sanitaire.

Je connais l'exemple, dans mon département, d'un établissement qui accueille des étudiants en formation se destinant à la profession d'assistants sociaux. Sur une promotion de 38 élèves, pour la rentrée de 2015, seuls sept stages ont été trouvés, dont cinq pour les étudiants de troisième année.

Madame la secrétaire d'État, au moment où le Gouvernement prône la formation en alternance - même si tel n'est pas tout à fait le cas ici - et la formation des jeunes, il faut véritablement que soient prises des dispositions pour surmonter ces difficultés considérables.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur, depuis la loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires, tous les étudiants en formation initiale intégrant un cursus en vue d'obtenir un diplôme ou une certification dans le champ des professions sociales et médico-sociales doivent percevoir une rémunération lorsqu'ils effectuent un stage d'une durée supérieure à deux mois.

Il s'agit d'un progrès important qui rétablit l'équité entre tous les stagiaires. Cette réforme, dans les premiers temps de sa mise en œuvre, a effectivement entraîné des difficultés pour les étudiants dans la recherche de leurs stages, mais, à ce jour, très peu d'entre eux n'ont pas eu la possibilité d'effectuer la totalité des heures de stage réglementairement prévues.

Afin de faire face aux difficultés rencontrées par les étudiants dans la recherche de leurs stages, le Gouvernement développe plusieurs pistes.

Il s'agit d'abord de mobiliser l'ensemble des acteurs, dont les services de l'État qui sont potentiellement lieu de stage. Les établissements de formation doivent également renforcer l'accompagnement des étudiants dans l'élaboration de leurs projets et dans leurs recherches de stage.

Par ailleurs, un fonds de transition, doté de 5,45 millions d'euros en 2016, a pour objectif d'accompagner financièrement des petites structures dont la surface financière serait un frein ou un obstacle à l'accueil des stagiaires.

Plusieurs pistes sont aussi envisagées pour trouver des alternatives aux stages longs. Par exemple, des stages pluri-institutionnels peuvent être proposés aux étudiants. Il s'agit pour l'étudiant, accueilli successivement dans des structures différentes, d'appréhender sous divers aspects la thématique structurante de son projet.

Enfin, à plus long terme, dans le cadre du plan d'action pour le travail social engagé par le Gouvernement et de la réingénierie des diplômes envisagée, l'organisation et la durée des stages des étudiants en travail social pourront être revues.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la secrétaire d'État, la plus élémentaire des courtoisies m'amène à vous remercier pour votre réponse, mais le devoir de sincérité m'oblige aussi à vous dire combien celle-ci me déçoit.

Le problème est réel. Un fonds a effectivement été mis en place, mais il ne permet la prise en charge que de quelques stages, et sa reconduction n'est absolument pas garantie - bien au contraire - pour la rentrée de 2016 !

Par ailleurs, madame la secrétaire d'État, j'aime la façon dont vous évoquez l'aspect pluridisciplinaire des stages. En réalité, que se passe-t-il ? Les stagiaires, pour parvenir à un résultat, suivent éventuellement plusieurs stages de moins de deux mois, parfois de façon déguisée au sein de la même structure, en passant par la commune, la communauté de communes, le centre intercommunal d'action sociale, le CIAS, et j'en passe.

J'ajoute que des étudiants choisissent même d'arrêter leurs études et de travailler sous contrat à durée déterminée pour bénéficier ensuite du statut de demandeur d'emploi, lequel dispense de l'obligation de gratification.

Enfin, les établissements publics ayant vocation à accueillir ces jeunes en stage rechignent désormais à le faire, du fait des moyens suffisants dont ils disposent. Le personnel n'en peut plus, et les conditions dans lesquelles ces stages sont assurés sont insuffisantes, ne permettant pas d'accompagner les stagiaires vers un métier qui, par ailleurs, intéresse de moins en moins de jeunes. Il est en effet difficile d'être assistant social, car on est confronté à de nombreux problèmes. Au moment où l'on a le plus besoin de ces professionnels, on constate une forme de découragement.

Les dispositions que je dénonce, lesquelles répondaient au départ à un objectif d'amélioration de la situation des stagiaires, ont pour conséquence de rendre encore plus difficile la formation de ces jeunes.

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