Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 09/07/2015

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur une disposition adoptée à l'Assemblée nationale, dans le cadre de l'examen du projet de loi n° 406 (Sénat, 2014-2015) de modernisation de notre système de santé, visant à interdire la fabrication, la vente, l'exposition et l'importation des jouets ou amusettes comportant du bisphénol A.
L'adoption de cette mesure va à l'encontre de la réglementation européenne en vigueur, qui offre d'ores et déjà un très haut niveau de protection de la santé des enfants.
En effet, la sécurité des jouets est traitée au niveau européen par une directive sectorielle : la directive 2009/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 relative à la sécurité des jouets. Celle-ci restreint la présence résiduelle de bisphénol A pour l'ensemble des jouets destinés aux enfants quel que soit leur âge. Cette directive, mise en application depuis le 20 juillet 2013 en ce qui concerne les propriétés chimiques, a fait l'objet de cinq modifications dont l'une traitant des effets faibles doses du bisphénol A dans les jouets destinés aux enfants de moins de trois ans ou les jouets mis en bouche quelle que soit la classe d'âge des enfants. Cette modification relative au bisphénol A a été adoptée à l'unanimité par les États membres et a été transposée en droit français par l'arrêté du 8 janvier 2015 pour une mise en œuvre à compter de décembre 2015.
Au regard des nouvelles données scientifiques apportées par l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) en ce début d'année 2015, le groupe d'experts « jouet » européen, dont la France fait partie, a déjà engagé une instruction pour déterminer la nécessité de réviser le texte de la directive récemment adoptée.
Sur le plan scientifique, les avis publiés par les agences de sécurité sanitaire, l'EFSA et l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), ont conclu sans divergence que l'exposition au bisphénol A via les jouets est considérée comme nulle.
L'adoption de cette interdiction ne serait en outre juridiquement pas viable au regard du droit européen, car contraire au principe de libre circulation des marchandises, la France s'exposant à des poursuites devant la Cour de justice de l'Union européenne.

Il lui demande donc quelle est la position du Gouvernement sur cette mesure, en contradiction avec la réglementation européenne et les avis scientifiques publiés en la matière, et de préciser s'il privilégiera la mesure de gestion déjà engagée au niveau européen à travers la directive 2009/48/CE, à l'image de la restriction proposée pour les papiers thermiques dans le cadre du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que
les restrictions applicables à ces substances (REACH).

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Transmise au Ministère des affaires sociales et de la santé


Réponse du Ministère des affaires sociales et de la santé publiée le 21/07/2016

Le bisphénol A (BPA) est une substance chimique toxique pour la reproduction et perturbateur endocrinien, utilisée dans de nombreuses applications notamment comme constituant de polycarbonates pour la résistance qu'il lui confère ou de résines époxydes. En raison des préoccupations sanitaires liées à son exposition, notamment chez les populations sensibles (femmes enceintes et/ou allaitantes, jeunes enfants), cette substance est réglementée au niveau européen et national. À ce jour, le règlement européen n°  321/2011 interdit l'emploi du BPA dans la fabrication des biberons en polycarbonate et la loi du 24 décembre 2012 suspend l'importation et la mise sur le marché du BPA dans les conditionnements à vocation alimentaire. Par ailleurs, l'article L. 5231-2 du code de la santé publique interdit la fabrication, la vente, la mise en vente, l'exportation et l'importation des collerettes de tétine, des sucettes et des anneaux de dentition comportant du BPA. Un troisième alinéa, introduit par la loi n°  2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, interdit les jouets ou amusettes comportant du bisphénol A ne respectant pas la limite de concentration ou la limite de migration pour cette substance définie préalablement par arrêté des ministres chargés de la santé, de la consommation, de l'industrie et de l'environnement. L'arrêté, en cours de rédaction, prévoit de diminuer la limite de migration de 0,1 à 0,04 mg/L afin de prendre en compte les prochaines évolutions du cadre européen. En effet, la directive européenne n°  2009/48 relative à la sécurité des jouets a été modifiée en juin 2014 afin de fixer une valeur limite de migration salivaire pour le BPA utilisé dans la fabrication des jouets pour les enfants âgés de moins de trois ans et destinés à être mis en bouche. Une valeur de 0,1 mg/L a ainsi été introduite afin de tenir compte des incertitudes existantes sur les effets néfastes du BPA à très faibles doses sur le développement des enfants. Suite au dernier avis de l'EFSA en janvier 2015 concernant la diminution de la dose journalière tolérable (DJT), le Danemark a proposé de diminuer à 0,04 mg/L la limite de migration salivaire du BPA. Le groupe d'experts sur la sécurité des jouets évalue actuellement cette proposition et la modification de la directive pourrait être votée dans l'année. De plus, dans le cadre du règlement CLP n°  1272/2008, le bisphénol A a été classé en février 2016 comme toxique pour la reproduction 1B (avéré chez l'animal et présumé chez l'homme). La limite de concentration a en conséquence été diminuée de 3 % à 0,3 % dans les articles, notamment les jouets. Ce nouveau classement en tant que reprotoxique 1B permet à la France, de proposer d'inscrire le bisphénol A en tant que substance particulièrement préoccupante (SVHC : Substance of Very High Concern) au niveau européen et pourrait ainsi faire l'objet de la procédure d'interdiction généralisée prévue par le règlement REACH. L'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) constitue le dossier qui sera porté devant l'agence européenne des produits chimiques prochainement. La réglementation française est donc en cohérence avec les évolutions du cadre européen.

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