Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 06/08/2015

M. Cyril Pellevat attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget, sur le fait que, pour lutter contre la rétention foncière et relancer la construction de logements en France, le Gouvernement a, par la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, majoré la taxe foncière portant sur les propriétés non-bâties en l'appliquant de plein droit dans les zones tendues. La loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 a recentré cette majoration en excluant du champ d'application du dispositif les terrains utilisés pour les besoins d'une exploitation agricole. Enfin, la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 a recentré la majoration de plein droit sur les zones géographiques marquées par un important déséquilibre entre offre et demande de logements, soit vingt-six communes en Haute-Savoie. Il constate, jour après jour, dans la commune d'Arthaz, la crainte et la colère des contribuables soumis à cette majoration. Il ne peut que comprendre et partager leur anxiété. En effet, cette mesure vise à exercer une pression fiscale telle que les propriétaires de terrains constructibles non-bâtis soient obligés de céder leurs biens immobiliers. Ce dispositif, clairement coercitif et profondément injuste, met à mal le droit de propriété et le mérite, valeurs fondamentales de notre société. Une telle majoration est, en outre, profondément inéquitable, puisque toutes les communes de Haute-Savoie ne sont pas visées mais seules celles prétendues marquées par un déséquilibre significatif entre offre et demande de logements. Outre qu'elle est socialement inacceptable, cette majoration est économiquement inefficace. Elle est, tout d'abord, insoutenable pour le contribuable, la majoration étant, dans les zones dites tendues, de dix euros le mètre carré à partir du premier janvier 2016, et d'autant que dans le département de Haute-Savoie, les valeurs vénales sont déjà très élevées et les impôts, par conséquent, difficiles à supporter. En outre, cette mesure ne fait que dissuader les familles d'acquérir des terrains immobiliers pour les années à venir et décourage les investissements. La coercition ne permet pas de mettre en œuvre une politique soutenable et profitable à long terme. Il lui demande donc quelle stratégie le Gouvernement compte mettre en œuvre pour développer une fiscalité à la fois juste et efficace.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargé du numérique publiée le 02/12/2015

Réponse apportée en séance publique le 01/12/2015

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, pour lutter contre la rétention foncière et relancer la construction de logements en France, le Gouvernement, par la loi de finances pour 2013, a majoré la taxe foncière portant sur les terrains non bâtis, en l'appliquant de plein droit dans les zones tendues.

Après une révision excluant les terrains utilisés pour les besoins d'une exploitation agricole, la loi de finances rectificative pour 2014 a recentré la majoration de plein droit sur les zones géographiques marquées par un important déséquilibre entre l'offre et la demande de logements, soit plus de six cents communes, dont vingt-six en Haute-Savoie.

Entré en vigueur en 2015, ce dispositif a entraîné de fortes hausses d'impôt pour un peu plus de 1 700 propriétaires de terrains à bâtir.

Je constate jour après jour, dans ma commune d'Arthaz-Pont-Notre-Dame, la crainte et la colère tant des contribuables soumis à cette majoration que des élus qui verraient les terrains à bâtir partir en construction et leurs possibilités de réaliser des infrastructures réduites. Je ne peux que comprendre et partager leur anxiété.

En effet, cette mesure vise à exercer une pression fiscale telle que les propriétaires de terrains constructibles non bâtis soient obligés de céder leurs biens immobiliers.

Ce dispositif, d'autant plus insoutenable pour le contribuable dans mon département que les valeurs vénales sont déjà très élevées et les impôts par conséquent difficiles à supporter, est clairement coercitif et met à mal le droit de propriété et la méritocratie, valeurs fondamentales de notre société.

Il est en outre inéquitable, puisque toutes les communes de Haute-Savoie ne sont pas visées ; le sont seulement celles qui sont prétendument marquées par un déséquilibre significatif entre l'offre et la demande de logements.

Enfin, cette mesure est économiquement inefficace, puisqu'elle ne fait que décourager les familles à acquérir des terrains immobiliers pour les années à venir et décourage les investissements. La coercition ne permet pas de mettre en œuvre une politique soutenable et profitable à long terme.

Madame la secrétaire d'État, il semble cependant que le Gouvernement ait réagi avant même que je vous interroge ce matin.

L'amendement au projet de loi de finances rectificative que le Gouvernement vient de déposer tente enfin de remédier au problème. La surtaxe pourrait donc être modifiée en 2016, puis en 2017, afin d'empêcher les dérives apparues cette année.

L'amendement du Gouvernement change le calcul de la valeur locative de ces terrains, actuellement majorée de 25 %, puis de 5 euros par mètre carré. Le texte crée à partir de 2016 un abattement pour les 200 premiers mètres carrés. Au-delà, la majoration de 25 % sera maintenue, et celle de 5 euros par mètre carré sera supprimée.

En 2017, la règle des 25 % sera supprimée et une nouvelle majoration de 3 euros par mètre carré sera créée.

Les collectivités locales auront toutefois la possibilité d'en fixer le niveau entre 1 et 5 euros par mètre carré, ainsi que de supprimer l'abattement pour les 200 premiers mètres carrés. Cette dernière disposition est particulièrement nécessaire.

Madame la secrétaire d'État, je serai bien sûr attentif à cet amendement et aux débats qui se tiendront à l'Assemblée nationale ; mais pouvez-vous d'ores et déjà m'apporter des précisions sur ce dispositif ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du budget sur la majoration de la valeur locative des terrains constructibles soumis à la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Le principe de cette majoration a été institué en 1980 sous une forme facultative. Puis, la loi de finances rectificative de 2012 a instauré une majoration de plein droit de 5 euros par mètre carré qui devait s'appliquer à compter du 1er janvier 2014 et passer à 10 euros par mètre carré au 1er janvier 2016.

Pour rendre cet instrument de lutte contre la rétention foncière compatible avec un aménagement durable du territoire, la loi de finances pour 2014 a ensuite exclu les terrains agricoles des deux majorations, facultative et obligatoire, et a reporté son application à 2015.

Enfin, la loi de finances rectificative pour 2014 a recentré la majoration obligatoire sur les zones tendues, marquées par un déséquilibre particulièrement important entre l'offre et la demande de logements.

Malgré ces aménagements, cette majoration a pu avoir les effets excessifs que vous avez décrits. Soyez certain que le Gouvernement entend les corriger.

C'est dans cet esprit qu'il a déposé, conformément aux annonces du Premier ministre, un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2015, en cours d'examen par l'Assemblée nationale, tendant, d'une part, à améliorer l'information des contribuables pour leur laisser le temps de s'adapter et, d'autre part, à permettre aux élus locaux de moduler la majoration de la valeur locative, sans abandonner son caractère obligatoire.

Je tiens, monsieur le sénateur, à vous apporter quelques précisions sur ce dispositif.

Pour les impositions dues au titre de 2016, seule la majoration proportionnelle de 25 % de la valeur locative sera maintenue, la majoration forfaitaire de 5 euros étant supprimée. De plus, afin d'exonérer les plus petits terrains, qui ne se prêtent pas à des projets de construction d'envergure, et de rendre la taxe progressive par rapport à la surface des terrains, un abattement de 200 mètres carrés par terrain sera appliqué. Enfin, pour laisser aux contribuables le temps de s'adapter, une mention sera portée sur leur avis d'imposition les informant que la taxation progressera en 2017 à défaut de cession du terrain ou d'obtention d'un permis de construire.

À compter de 2017, grâce aux aménagements que nous avons opérés, le dispositif tiendra mieux compte des situations locales : pour les impositions dues au titre de cette année-là et des suivantes, la majoration de 25 % sera supprimée, et le tarif de la majoration de plein droit fixé à 3 euros par mètre carré. Les élus locaux pourront faire varier ce tarif entre 1 euro et 5 euros par mètre carré ; ils pourront également supprimer l'abattement de 200 mètres carrés, en particulier lorsqu'ils souhaitent lutter contre le phénomène dit des « dents creuses ».

Ainsi réformée et assouplie, la majoration de la valeur locative des terrains non bâtis constructibles contribuera plus efficacement à la libération du foncier dans les zones où les tensions immobilières sont les plus fortes, ce qui est l'objectif du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Je vous remercie pour vos explications, madame la secrétaire d'État, mais j'aurais préféré que le Gouvernement prévienne les conséquences de cette majoration en agissant en amont et que l'on revienne sur les dispositions facultatives au pouvoir des maires.

Je poserai au Gouvernement une nouvelle question au sujet d'un courrier électronique adressé par la DGFiP aux communes concernées pour leur demander de fournir la liste des terrains à bâtir au 31 octobre de cette année - une requête qui, je présume, n'est plus d'actualité.

Madame la secrétaire d'État, je vous rappelle que, voilà exactement un an, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2014, notre rapporteur avait défendu un amendement tendant à instaurer un dispositif équivalent à celui que vous venez de présenter ; or vous lui aviez opposé une fin de non-recevoir, ce qui n'avait pas empêché le Sénat d'adopter l'amendement à l'unanimité.

Voilà quelques semaines, Mme Valérie Rabault, député socialiste et rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, a déclaré ceci : « Quand on bouge un curseur, il faut être prudent, avoir une vision claire de qui seront les gagnants et les perdants. Les études d'impact à l'époque ne nous ont pas permis de savoir combien de gens exactement seraient touchés. Je ne veux plus voter de mesures fiscales si on ne sait pas qui paye et à qui cela profite au final. »

Madame la secrétaire d'État, les sénateurs, de toutes sensibilités, avaient mis le Gouvernement en garde. Il est toujours bon d'écouter le Sénat !

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