Question de Mme PROCACCIA Catherine (Val-de-Marne - Les Républicains) publiée le 17/09/2015

Mme Catherine Procaccia attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les avancées des recherches sur la chlordécone aux Antilles.

Le 24 juin 2009 était publié le rapport n° 487 (Sénat, 2008-2009), fait au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur « les impacts de l'utilisation de la chlordécone et des pesticides aux Antilles », dont elle était l'un des auteurs.

Utilisée de 1972 à 1993 comme pesticide dans les bananeraies antillaises contre le charençon, la chlordécone s'est révélée être un polluant organique persistant, ayant des conséquences sanitaires graves, et des incidences environnementales importantes sur les cultures et sur les milieux aquatiques de la Guadeloupe et de la Martinique.

Bien heureusement, en matière de santé, plusieurs plans « chlordécone » ont été engagés dès 1999 par les pouvoirs publics afin de mener des actions de prévention, à défaut de dépollution.

Car cette molécule non bio-dégradable pourrait persister dans les sols antillais entre 350 et 700 ans et déjà il y a six ans la voie d'une dépollution par un processus de décomposition chimique paraissait devoir être recherchée.

Le soutien gouvernemental aux recherches sur cette molécule est indispensable.

Or, depuis quelques mois, des informations convergentes confortent la crédibilité de cette approche.

Deux laboratoires semblent avoir trouvé des pistes crédibles. D'un côté, le laboratoire de l'institut méditerranéen de biodiversité et d'écologie (IMBE) (unité mixte de recherche de l'institut de recherche pour le développement 237, unité du centre national de la recherche scientifique 7263) étudie l'hypothèse d'une biodégradabilité naturelle de cette molécule qualifiée « d'alien chimique ».

De l'autre, le génoscope a isolé une bactérie capable de déchlorer, voire de permettre l'ouverture de la molécule de la chlordécone mais sans trouver par quel mécanisme.

Pour avancer, il lui serait nécessaire d'utiliser de la chlordécone radiomarquée au carbone 14 mais son coût (environ 30 000 euros) est prohibitif pour ce laboratoire.

Compte tenu de la pérennité de la pollution à la chlordécone dans les sols antillais et de ses conséquences à long terme sur la santé, la recherche est la seule voie d'espoir.

C'est pourquoi elle souhaite savoir si le Gouvernement entend coordonner les efforts de ces deux équipes de recherche et sous quel délai.

Elle lui demande également si le ministère a prévu de dégager les moyens financiers qui permettront à ces équipes d'avancer vers cette dépollution des sols totalement atypique.

À quelques semaines de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris (COP 21), nos concitoyens d'outre-mer ont besoin d'être aussi rassurés sur leur avenir. La dépollution de leurs sols est pour eux une priorité.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger publiée le 02/12/2015

Réponse apportée en séance publique le 01/12/2015

Mme Catherine Procaccia. Le chlordécone, utilisé comme pesticide de 1972 à 1993 dans les bananeraies contre le charançon, s'est révélé être un polluant organique puissant et persistant. Son emploi a eu des conséquences sanitaires graves et des incidences environnementales importantes, à la fois sur les cultures et sur les milieux aquatiques de la Guadeloupe et de la Martinique.

Heureusement, depuis 1999, les gouvernements successifs ont engagé plusieurs plans « chlordécone » afin de déployer des actions de prévention, faute de pouvoir assurer une dépollution : en effet, cette molécule n'est pas biodégradable et pourrait persister dans les sols entre 350 et 700 ans. À ce jour, on n'a trouvé aucune voie fiable de dépollution.

Dans notre rapport remis il y a six ans au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, l'OPECST, Jean-Yves Le Déaut et moi-même insistions sur la nécessité de mener des recherches sur des processus de décomposition chimique. Or, depuis quelques mois, des informations convergentes confortent la crédibilité de cette approche.

En particulier, deux laboratoires semblent avoir trouvé des pistes crédibles.

Premièrement, le laboratoire de l'Institut méditerranéen de biodiversité et d'écologie marine et continentale, l'IMBE, étudie l'hypothèse d'une biodégradabilité naturelle de cette molécule qualifiée d'« alien chimique ».

Deuxièmement, le Genoscope a isolé une bactérie capable de déchlorer, voire de permettre l'ouverture de la molécule de chlordécone, mais sans pouvoir déterminer par quel mécanisme. Pour progresser dans ses travaux, ce laboratoire aurait besoin d'utiliser du chlordécone radiomarqué au carbone 14 ; mais le coût de ce produit - environ 30 000 euros - est prohibitif pour cette structure.

Compte tenu de la pérennité de la pollution au chlordécone dans les sols antillais et de ses conséquences sur la santé, la recherche est la seule voie d'espoir.

Le Gouvernement entend-il coordonner les efforts de ces deux équipes de recherche ? Des moyens financiers seront-ils débloqués pour permettre à ces laboratoires d'avancer vers cette dépollution des sols totalement atypique ? En pleine COP 21, nos concitoyens d'outre-mer ont également besoin d'être rassurés sur leur avenir !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. Thierry Mandon, qui est actuellement au Conseil européen des ministres de la recherche.

Vous interrogez le ministère chargé de la recherche quant à l'engagement de la recherche face aux conséquences sanitaires et environnementales de l'utilisation du chlordécone, pesticide employé aux Antilles jusqu'à son interdiction, en 1993. Il s'agit d'une importante question de santé et environnementale. Vous l'avez souligné, la recherche est une voie essentielle pour y répondre.

Dès 2008, les services de l'État se sont fortement impliqués sur ce sujet, à travers un plan national d'action chlordécone, le PNAC-1, couvrant les années 2008 à 2011, suivi d'un PNAC-2, pour les années 2011 à 2013. À l'issue de la réunion interministérielle du 25 juillet 2014, un troisième plan, doté de 30 millions d'euros, a été officialisé au début de 2015 : il s'agit du PNAC-3, courant de 2015 à 2020.

Sous l'égide du directeur général de la santé, coordinateur interministériel du plan d'action chlordécone, le ministère de la recherche s'est impliqué, dès 2008, dans la définition des programmes de recherche sur ce sujet.

Par ailleurs, l'ensemble des organismes de recherche réunis au sein de l'alliance AllEnvi - notamment le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD, et l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA, bénéficiant de l'appui du Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, du CNRS, de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER, de l'Institut de recherche pour le développement, l'IRD, de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture, l'IRSTEA, et des universités - a été mobilisé sur les actions de recherche. Cet ensemble inclut le laboratoire de l'Institut méditerranéen de biodiversité et d'écologie marine et continentale, que vous avez évoqué.

En outre, une coordination plus large de la recherche sur le sujet a été mise en œuvre. Dans le cadre du PNAC-3, un « groupe inter alliances » adossé au comité de pilotage national du plan a été mis en place pour assurer cette coordination. Une feuille de route intitulée « Initiative française pour la recherche en environnement-santé » a été préparée. Elle est reprise dans la stratégie nationale de recherche et les différents plans nationaux.

Les services du ministère chargé de la recherche ont également veillé à l'inscription de la thématique santé-environnement dans les appels à projets dédiés de l'Agence nationale de la recherche, l'ANR. Ainsi, dans la programmation 2015 et 2016 de l'ANR, ces projets sont éligibles à des financements par le biais d'un axe clairement identifié, l'axe « risques sanitaires et environnement ». Les équipes que vous mentionnez pourront solliciter des fonds à ce titre.

Le ministère chargé de la recherche soutient donc bien la recherche sur le chlordécone, dans ses dimensions tant environnementales que sanitaires.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. J'observe que vous êtes indirectement concerné par ce problème, étant donné que vous êtes chargé de la promotion du tourisme. Un certain nombre de touristes s'interrogent quant à cette pollution des sols, même si elle ne concerne qu'un certain nombre de jardins familiaux.

Au travers des différents plans chlordécone, les gouvernements successifs ont fait beaucoup en matière de santé. Vous assurez que le PNAC-3 permettra d'aller un peu plus loin en matière de recherche, mais tels ne sont pas les échos qui nous sont parvenus. Malgré un certain nombre de courriers et d'interventions, nous ne constatons pas une plus forte coordination entre les différents laboratoires de recherche. J'observe en outre que vous n'avez pas évoqué le Genoscope.

Quoi qu'il en soit, je vous remercie par avance de bien vouloir relayer nos préoccupations auprès de votre collègue chargé de la recherche.

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