Question de M. CAPO-CANELLAS Vincent (Seine-Saint-Denis - UDI-UC) publiée le 07/10/2015

Question posée en séance publique le 06/10/2015

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le Premier ministre, la France a découvert hier des images ahurissantes, saisies à l'occasion de la réunion du comité central d'entreprise d'Air France. Ces images ont fait le tour du monde : des dirigeants molestés, presque lynchés, obligés de fuir sous les insultes d'un groupe minoritaire de salariés agissant au mépris des lois et du simple respect de la personne humaine.

Ces actes méritent la plus ferme des réprobations et appellent des poursuites pénales.

Les auteurs de ces délits ne sauraient engager la compagnie Air France, qui est au cœur du patrimoine français, qui a toujours porté haut les valeurs de travail d'équipe, de solidarité et de respect, et qui a su relever le défi de la conquête des passagers du monde entier.

Air France est et restera une source de fierté pour nos concitoyens, une compagnie fidèle aux standards internationaux les plus élevés du transport aérien. Mais Air France doit aussi s'adapter à une nouvelle donne, redevenir pleinement compétitive, après plusieurs plans de performance, baisser ses coûts et renégocier son pacte social.

Le principal syndicat de pilotes est pointé du doigt, à juste titre, pour avoir refusé les propositions de la direction. L'ensemble du personnel est inquiet devant les mesures sociales annoncées, qui incluent des réductions très nettes de capacité et des licenciements en grand nombre.

L'émotion, comme vous le savez, monsieur le Premier ministre, est considérable ; la situation est bloquée.

Que compte faire le Gouvernement pour aider Air France à franchir cette étape, parmi les plus rudes de son histoire ? Chacun a connaissance des difficultés très graves du secteur du transport aérien français.

Détenteur de 17 % du capital de la compagnie, l'État ne peut pas en rester au stade de la condamnation des délits.

Allez-vous, monsieur le Premier ministre, agir pour favoriser le dialogue. Certes, il faut amener les pilotes à « bouger », mais aussi répondre aux problèmes spécifiques du transport aérien français, qui se trouve malheureusement à l'écart de l'augmentation mondiale du trafic.

Certaines rigidités du transport aérien français découlent de notre réglementation : souhaitez-vous y répondre en même temps que vous renouerez le dialogue social ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 07/10/2015

Réponse apportée en séance publique le 06/10/2015

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord, à mon tour, puisque je sais que vous l'avez fait tout à l'heure, rendre hommage à toutes les victimes des intempéries que les Alpes-Maritimes ont connues ce week-end.

Le Président de la République et le ministre de l'intérieur étaient sur place dimanche pour saluer l'engagement de tous ceux qui sont venus au secours des populations affectées par ces terribles inondations : sapeurs-pompiers, policiers et des gendarmes, agents de l'État et des collectivités territoriales, élus et citoyens. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet au cours de cette séance de questions au Gouvernement.

Monsieur le sénateur Capo-Canellas, Air France est une très grande compagnie aérienne, la cinquième du monde. Elle porte nos couleurs, mais sa situation n'est pas bonne, confrontée qu'elle est depuis plusieurs années à des défis majeurs : l'émergence des compagnies low cost et la concurrence de grandes compagnies - celles du Golfe, certes, mais d'autres aussi - qui ont su se restructurer.

Pour survivre, pour se redresser, la compagnie doit impérativement renforcer sa compétitivité : il n'y a pas d'autre choix, comme M. Alain Vidalies et moi-même avons déjà eu l'occasion de le dire. L'État soutient donc cette seule voie possible, cet effort indispensable vers le redressement. Le statu quo ne saurait être une option quand l'avenir de l'entreprise est véritablement en jeu.

Comme vous le savez, les discussions engagées entre la direction et les syndicats de pilotes sur la réalisation, par les pilotes, des engagements du plan Transform 2015 et du plan de productivité Perform 2020 ont échoué mercredi soir. Ce dernier plan vise des gains de compétitivité à hauteur de 17 %.

L'effort de productivité demandé est un passage obligé pour restaurer la compétitivité. Chacun doit y participer, à commencer par les pilotes.

Je veux donc lancer aux pilotes un appel à la responsabilité et à la lucidité : ils ont, parmi d'autres acteurs, l'avenir de la compagnie entre leurs mains et doivent, par conséquent, s'engager. Je demande à leurs syndicats de prendre leurs responsabilités.

J'étais ce matin à Roissy pour rencontrer les dirigeants d'Air France-KLM et d'Air France, ainsi que les deux hommes qui ont été humiliés et agressés par une foule. Ces actes sont intolérables : ils devront être punis avec la plus grande des sévérités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, puis de l'UDI-UC, du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste. - Murmures de réprobation sur les travées du groupe CRC)

M. Jean-Pierre Bosino. Quand on licencie...

M. Manuel Valls, Premier ministre. Rien ne peut justifier de tels actes, qui doivent être condamnés de manière absolue.

Je veux aussi saluer la dignité des victimes.

J'ai également rencontré trois secrétaires des instances représentatives du personnel, trois syndicalistes de la CFDT, de la CFE-CGC et de la CGT. Je tiens d'ailleurs à rappeler aussi que, hier, des syndicalistes ont protégé les hommes qui étaient frappés.

Quoi qu'il en soit, il ne saurait y avoir quelque ambiguïté, quelque confusion que ce soit : la violence d'un conflit social ne peut être assimilée à celle qu'ont subie des hommes dont la mission est précisément d'entretenir le dialogue social.

Les images qui ont été diffusées sont terribles pour la compagnie elle-même et, bien évidemment, pour notre pays. Des sanctions lourdes doivent donc être prises contre des actes qui relèvent du droit pénal.

Bien sûr, j'ai voulu exprimer la solidarité du Gouvernement à l'égard de ces hommes, des vigiles qui se sont interposés et de la direction de l'entreprise. En effet, nous assumons pleinement nos responsabilités.

L'urgente priorité, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, est de reprendre le dialogue. La solution aux problèmes de l'entreprise devra être trouvée en son sein. L'État, actionnaire à hauteur de 17 %, assume et assumera toujours pleinement son rôle. C'est pourquoi nos représentants soutiennent les plans de la direction et, notamment, ce qu'on a appelé le plan A. C'est en effet celui qui doit permettre de faire reposer l'effort sur l'ensemble des salariés. (M. Vincent Capo-Canellas acquiesce.)

J'en appelle donc, comme je l'ai déjà fait ce matin, comme M. Vidalies a déjà eu l'occasion de le faire, à la reprise du dialogue.

Monsieur le sénateur, je crois comme vous aux vertus du dialogue social ; je ne pense pas qu'on puisse mettre de côté les syndicats, représentants des salariés. Notre pays, au contraire, a besoin d'un dialogue constructif, à condition que chacun prenne ses responsabilités et condamne la violence.

Il est encore temps de redresser la compagnie : tel est l'appel que je veux ici relayer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe socialiste.)

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