Question de M. KERN Claude (Bas-Rhin - UDI-UC) publiée le 27/11/2015

Question posée en séance publique le 26/11/2015

M. Claude Kern. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, les heures tragiques que nous traversons exigent, de notre part, un front commun contre la barbarie.

Ce front commun est d'ores et déjà acté, symboliquement et juridiquement. Dans la situation exceptionnelle que nous vivons actuellement, chaque citoyen est responsable, chaque acteur de la vie publique est un relais de poids. Je songe notamment aux maires, qui sont aux avant-postes de la République.

Souhaitant prendre toute leur part aux mesures résultant de l'état d'urgence, ces élus s'interrogent quant à l'absence d'obligation de déclaration de changement de domicile. Pourtant, l'intérêt d'une telle déclaration domiciliaire est largement admis. Cette procédure est d'ailleurs obligatoire dans la plupart des pays d'Europe.

Au reste, un tel dispositif a été institué en Alsace-Moselle par les ordonnances de 1883. Bien qu'il soit au fil du temps tombé en désuétude, nombreux sont les maires de ces départements à témoigner de son utilité pour de multiples formalités administratives.

Il va sans dire que, compte tenu du contexte, cette obligation contribuerait à renforcer la sécurité sur notre territoire.

Certes, il existe des doutes majeurs quant à la compatibilité entre, d'une part, l'instauration, sur l'ensemble du territoire national, de l'obligation de déclaration de domicile et de la tenue d'un registre de domiciliation, et, de l'autre, le principe constitutionnel de liberté d'aller et venir et les dispositions de la loi de 1978. Toutefois, sans basculer dans le « tout sécuritaire », il faudrait faire avancer ce dossier pour garantir les meilleurs droits à nos concitoyens.

Aussi, au nom de l'ensemble des maires, nous souhaitons savoir si le Gouvernement est prêt à mettre en œuvre une telle obligation et à engager une révision constitutionnelle de nature à permettre la création de ce fichier domiciliaire. Il y va de la sécurité de notre pays ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. François Bonhomme applaudit également.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification publiée le 27/11/2015

Réponse apportée en séance publique le 26/11/2015

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le sénateur, je vous remercie de la proposition que vous venez de formuler. Vous suggérez de créer une obligation de domiciliation auprès des services municipaux.

Cette disposition a déjà été débattue l'année dernière, dans le cadre d'une proposition de loi déposée par la députée Virginie Duby-Muller. Au-delà de ce texte, il s'agit d'une question récurrente.

De manière générale, les nouveaux arrivants dans une commune ne sont pas assujettis à l'obligation de déclarer leur domicile à la mairie. Ils sont simplement appelés à communiquer leur adresse spontanément au titre des formalités administratives, notamment pour les démarches d'inscription sur les listes électorales. Le décret du 31 décembre 1947, qui imposait cette déclaration aux ressortissants étrangers, a été abrogé en 2006. (M. Claude Kern le confirme.)

Vous évoquez les dispositions particulières applicables en Alsace-Moselle. Néanmoins, je souligne que, dans les départements concernés, le non-respect de cette formalité n'est pas sanctionné à l'heure actuelle.

Vous proposez d'étendre cette obligation à l'ensemble du territoire national. Or, pardonnez-moi de le souligner, cette proposition soulève plus de difficultés qu'elle n'en résoudrait.

M. Claude Kern. Vraiment ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Tout d'abord, vous l'avez vous-même admis, la volonté d'instaurer une obligation de déclaration impose d'examiner tout particulièrement les contraintes de constitutionnalité. Au travers de cette procédure, il s'agit de traiter des données personnelles. Or, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, il n'est pas possible de s'engager dans cette voie.

Ensuite, la création, dans chaque commune, d'un fichier sans finalité précise soulève une difficulté sérieuse au regard de nos principes constitutionnels.

M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d'État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Je songe notamment à la liberté d'aller et venir.

Aussi, je suis au regret de vous opposer les principes fondamentaux de notre cadre constitutionnel. Toutefois, nous pourrons poursuivre la réflexion sur ces questions au cours des mois à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour la réplique.

M. Claude Kern. Madame la secrétaire d'État, je vous avoue ma profonde incompréhension face à la position que vous rappelez et qui, malheureusement, correspond à une situation apparemment figée depuis plusieurs années.

Je déplore l'absence de signes d'ouverture de votre part, alors même que la disposition que je propose pourrait, sans aucun doute, constituer une mesure fondamentale dans le cadre de l'état d'urgence.

Au surplus, je me dois de relever une absence de vision et de courage politiques. Vous annoncez des réformes constitutionnelles sans besoin manifeste.

Mme Éliane Assassi. Il faut conclure !

M. Daniel Raoul. Le temps est écoulé !

M. Claude Kern. Or, parallèlement, vous écartez une possibilité de faire évoluer notre droit suprême, quitte à trancher au détriment de la sécurité de nos concitoyens. Où est la logique ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

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