Question de M. GENEST Jacques (Ardèche - Les Républicains) publiée le 05/11/2015

M. Jacques Genest attire l'attention de Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la question du versement des allocations de chômage par une collectivité territoriale en faveur d'un fonctionnaire révoqué.

L'article L. 5424-1 du code du travail dispose que les agents titulaires des collectivités territoriales ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3.

La révocation étant toujours reconnue par la législation et la jurisprudence actuelles comme une perte involontaire d'emploi et ce, quelle qu'ait pu être la gravité des faits ayant motivé la décision disciplinaire (comme le détournement de fonds), la collectivité devra verser ce revenu de remplacement pendant toute la durée prévue à l'article R. 5422-1, portant le délai jusqu'à 36 mois pour un salarié âgé de cinquante ans et plus.

Il souhaite donc savoir si elle entend prendre une initiative législative ou réglementaire pour faire cesser cette situation aussi inique qu'absurde qui place la collectivité victime dans l'obligation d'indemniser le responsable du préjudice qui l'a atteinte.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargé du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire publiée le 11/05/2016

Réponse apportée en séance publique le 10/05/2016

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, en remplacement de M. Jacques Genest, auteur de la question n° 1307, adressée à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Daniel Chasseing, en remplacement de M. Jacques Genest. Comme chacun le sait, les collectivités territoriales ne cotisent pas, dans le cadre des conventions UNEDIC, au régime d'assurance chômage pour leurs agents titulaires.

Sans vouloir remettre en cause leur régime particulier, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur certaines situations qui, tout en demeurant rares, n'en sont pas moins ubuesques. En tant que maire, j'ai malheureusement été confronté à un tel cas.

Ayant dû faire procéder à la révocation d'un agent convaincu de détournement de fonds et condamné par la justice pour ces faits, ma commune s'est vue dans l'obligation, sur la base de l'article L. 5424-1 du code du travail, d'indemniser l'intéressé, celui-ci étant reconnu comme « involontairement privé d'emploi ».

Cette situation surréaliste, obligeant la commune victime du détournement à indemniser le coupable sur une période pouvant aller jusqu'à trente-six mois pour un agent âgé de cinquante ans, est aussi incompréhensible que révoltante pour les citoyens et les contribuables.

Je souhaite donc savoir, madame la secrétaire d'État, si le Gouvernement entend prendre une initiative pour qu'une personne morale victime d'un préjudice n'ait pas à indemniser l'auteur de celui-ci, surtout quand elle dispose de moyens très limités, à l'instar des communes rurales. Cela permettrait de rétablir la justice et, surtout, le bon sens.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur, vous soulevez la question du bien-fondé de l'indemnisation chômage des fonctionnaires territoriaux révoqués.

La révocation est la sanction professionnelle des fonctionnaires qui réprime les fautes professionnelles les plus graves. Comme vous l'avez dit, elle s'apparente à un licenciement. De surcroît, elle entraîne la perte à vie de la qualité de fonctionnaire pour la personne concernée.

Pour cette raison, les conséquences d'une révocation sont déjà plus lourdes que celles d'un licenciement pour faute dans le secteur privé. En effet, le fonctionnaire révoqué ne pourra plus jamais être embauché dans la fonction publique, alors qu'un salarié du secteur privé licencié pour faute pourra, quant à lui, être de nouveau recruté par une autre entreprise privée, voire dans le secteur public.

En vertu de l'article L. 5424-1 du code du travail, que vous avez cité, les agents titulaires des collectivités territoriales sont indemnisés au titre du chômage dans les mêmes conditions que les salariés du secteur privé. Parmi ces conditions, les salariés du secteur privé peuvent prétendre à une indemnisation chômage dès lors qu'ils sont involontairement privés d'emploi.

Le fait que le licenciement soit imputable à l'intéressé, en raison de sa faute, ne signifie pas pour autant qu'il y a eu rupture volontaire du lien avec l'employeur. L'indemnisation chômage des salariés du secteur privé est donc due même en cas de licenciement pour faute grave, dès lors que les conditions prévues, notamment en matière d'affiliation au régime d'assurance chômage, sont respectées.

Pour les salariés du secteur public, le juge administratif a confirmé que la révocation d'un agent était constitutive, pour ce dernier, d'une privation involontaire d'emploi et donc que le licenciement pour motif disciplinaire des fonctionnaires territoriaux ne les privait pas de l'aide au retour à l'emploi.

La révocation au sens du droit public a alors la même signification que le licenciement pour faute en droit privé, et emporte les mêmes conséquences : comme pour les salariés du secteur privé, un fonctionnaire involontairement privé d'emploi, même en raison d'une faute, peut prétendre à une indemnisation chômage.

La loi conditionne le versement d'un revenu de remplacement à la même condition d'inscription à Pôle emploi et aux mêmes obligations en ce qui concerne la recherche d'emploi.

Pour conclure, ni la convention d'assurance chômage négociée par les partenaires sociaux, ni la loi, ni la jurisprudence ne font obstacle à l'indemnisation des personnes licenciées pour faute, qu'il s'agisse d'anciens salariés du secteur privé ou du secteur public.

Le fait que la charge de l'indemnisation incombe à la collectivité lorsqu'il s'agit d'indemniser un agent de la fonction publique révoqué ne doit pas constituer un motif de discrimination. Ce serait contraire au principe d'égalité, alors même que, comme je l'ai indiqué, les conséquences d'une révocation sont déjà plus lourdes que celles d'un licenciement pour faute dans le secteur privé, puisque la révocation exclut toute possibilité de nouvelle embauche dans la fonction publique.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de ces explications très complètes.

Je rappelle simplement que rien ne s'oppose à ce que le fonctionnaire révoqué soit embauché dans le secteur privé. (Mme la secrétaire d'État acquiesce.)

Il me semble que, dans les cas de condamnation pénale pour faute lourde, les sanctions applicables dans la fonction publique devraient être alignées sur celles qui existent dans le secteur privé. La commune ne devrait pas être obligée de verser un salaire à un fonctionnaire condamné pour vol, comme c'est le cas aujourd'hui. Ainsi que l'estime notre collègue Jacques Genest, il convient de rétablir la justice dans le bon sens.

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