Question de M. CADIC Olivier (Français établis hors de France - UDI-UC) publiée le 26/11/2015

M. Olivier Cadic interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le suivi de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, relative notamment à la lutte contre les mariages forcés.
Il indique que le fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) estime à 700 millions le nombre de femmes mariées sous la contrainte dans le monde avant l'âge de 18 ans, dont 250 millions avant 15 ans, soit le tiers. Les filles et les jeunes femmes de moins de 25 ans sont les premières victimes de cette pratique : en France, elles constituent 77 % des victimes prises en charge par l'association « voix de femmes ».
Il souligne que, le 1er juillet 2015, l'association « voix de femmes » qui se bat contre les unions – civiles, religieuses ou coutumières – conclues sous la contrainte, a lancé la campagne « stop mariage forcé ! ».
Il rappelle que le chantage, la violence, les pressions exercées par la famille, obligent filles et garçons à se marier contre leur gré et à perdre le contrôle de leur sexualité. Ces mariages forcés portent donc atteinte à l'intégrité physique et psychologique des victimes, exposées aux risques de violences sexuelles, en particulier lors de la nuit de noces qui implique souvent un tout premier rapport sexuel, et de viols à répétition pendant toute la durée de leur vie commune. Leur liberté de choix est supprimée, et leur dignité volée.
Considérant que depuis la loi du 5 août 2013, le mariage sous contrainte à l'étranger est un délit, sanctionné d'une peine d'emprisonnement (trois ans) et d'une amende de 45 000 euros, il souhaiterait connaître le nombre de dossiers traités par la justice française depuis deux ans et demi, le nombre de condamnations prononcées en France et à l'étranger et le nombre de mariages forcés empêchés dans notre réseau diplomatique et consulaire.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 07/04/2016

Conformément à la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, signée à Istanbul le 11 mai 2011, la loi n°  2013-711 du 5 août 2013, portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, a introduit en droit français une nouvelle infraction favorisant la lutte contre les mariages et unions forcés, à l'article 222-14-4 du code pénal, qui incrimine le fait de tromper une personne aux fins de l'emmener à l'étranger pour la forcer à y contracter un mariage. La circulaire de la garde des Sceaux du 19 décembre 2013 de présentation des dispositions de droit pénal de la loi du 5 août 2013, notamment les nouvelles dispositions, précise que l'incrimination vise à appréhender, en amont de la conclusion d'un mariage forcé, les stratagèmes mis en place le plus souvent par les parents d'une jeune fille ou les membres de sa famille, afin de l'inciter à quitter le territoire national et se rendre à l'étranger où, compte tenu de son isolement, elle sera plus vulnérable pour être amenée à conclure une union contre son gré. Ces nouvelles dispositions du code pénal visent ainsi les « manœuvres dolosives », terme large permettant d'appréhender tous types de comportements, commises « dans le but de contraindre une personne à contracter un mariage ou conclure une union ». En outre, il convient de rappeler que la loi du 5 août 2013 prévoit également la possibilité de prononcer la peine complémentaire d'interdiction de quitter le territoire de la République. Cette peine complémentaire peut être prononcée en cas de condamnation pour les infractions prévues à l'article 221-4 10°, au 6° bis des articles 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13, s'agissant des infractions commises contre une personne en raison de son refus de contracter un mariage ou conclure une union, ainsi qu'à l'article 222-14-4 du code pénal, relatif à la lutte contre les mariages et unions forcés. Cette disposition a été introduite par le législateur aux fins de prévenir le renouvellement de l'infraction à l'égard d'autres victimes. Trois condamnations ont été prononcées en 2014 pour violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail, commises contre une personne en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union ou afin de la contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union (données provisoires du casier judiciaire national). Le nombre de condamnations reste très faible de manière générale puisque 3 condamnations avaient été prononcées sur ce fondement en 2013, aucune en 2012 et 2011.

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