Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 28/01/2016

M. Jean Louis Masson demande à M. le ministre de l'intérieur si le Gouvernement serait favorable au vote de dispositions interdisant de manière stricte aux membres du Gouvernement de détenir par ailleurs un mandat d'élu dans une collectivité territoriale. Il lui demande également si, afin d'éviter tout retour en arrière, il ne serait pas envisageable d'avancer au 1er janvier 2017 l'entrée en vigueur de l'interdiction pour un parlementaire de détenir un mandat exécutif dans une collectivité territoriale.

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Réponse du Secrétariat d'Etat, auprès du ministère de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé de la ville publiée le 11/05/2016

Réponse apportée en séance publique le 10/05/2016

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le cumul de mandats et son corollaire direct, l'absentéisme parlementaire, nuisent au bon fonctionnement de la démocratie.

Toutefois, pour un parlementaire, le problème est moins le cumul de mandats en général que le cumul de lourdes fonctions exécutives locales, lesquelles sont déjà par nature des activités à plein temps.

Un mandat parlementaire est aussi une activité à plein temps et nul ne peut assumer correctement deux activités qui sont chacune à plein temps.

Par le passé, les tentatives de limitation de ces cumuls se sont malheureusement heurtées à l'obstruction des profiteurs du système. Non sans mal, la loi organique du 14 février 2014 a enfin interdit le cumul des fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, mais elle ne s'appliquera qu'après le prochain renouvellement de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Or bon nombre de parlementaires cumulards persistent dans un combat d'arrière-garde pour s'accrocher à leurs prébendes. Ainsi, la presse a révélé qu'au Sénat une proposition de loi était d'ores et déjà prête pour abroger la loi organique du 14 février 2014. L'idée est d'anticiper l'élection d'une majorité de droite à l'Assemblée nationale en 2017, afin que dès le lendemain de son élection celle-ci vote l'abrogation définitive de la loi organique, laquelle disparaîtrait alors avant même d'avoir été appliquée !

Pour conforter la future interdiction des cumuls abusifs, il faut court-circuiter cette affligeante manœuvre. Dans ce but, le Gouvernement serait-il favorable à ce que l'on avance au 1er janvier 2017 l'application de l'interdiction des cumuls abusifs ? Par ailleurs, quelle est la position du Gouvernement sur une éventuelle interdiction du cumul d'une fonction exécutive locale et d'une fonction ministérielle ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la ville. Je vous prie, monsieur le sénateur, de bien vouloir excuser l'absence de Bernard Cazeneuve.

J'ai bien compris que vous souhaitiez que l'actuelle majorité soit de nouveau en place en juin 2017 pour être assuré que la loi s'applique... (Sourires.)

L'article 23 de la Constitution dispose que « les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle ».

Les ministres ne peuvent pas non plus être membres du Conseil constitutionnel, du Conseil économique, social et environnemental, du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

En revanche, aucune disposition constitutionnelle ou législative n'interdit à un ministre de conserver le ou les mandats locaux qu'il détient au moment de sa nomination - je dois vous avouer que c'est mon cas, puisque j'ai gardé un mandat local -, de se porter candidat à une élection locale ou nationale ou de garder un mandat acquis lors d'une élection locale intervenue pendant qu'il est au Gouvernement. Un renforcement des règles de cumul applicables aux ministres nécessiterait une réforme constitutionnelle.

C'est en tenant compte de ces incompatibilités, et en vertu de l'article 8 de la Constitution, que « le Président de la République nomme, sur la proposition du Premier ministre, les membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions ».

Vous évoquez ensuite la date d'entrée en vigueur de la loi introduisant une incompatibilité entre le mandat de parlementaire et un mandat exécutif local.

La loi entre en vigueur lors du premier renouvellement des assemblées concernées suivant le 31 mars 2017. Ce choix a été guidé par des contraintes constitutionnelles, lesquelles rendent impossible une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2017.

En effet, une entrée en vigueur à cette date pourrait, en provoquant des démissions au sein des assemblées parlementaires, déstabiliser ces dernières pendant un temps assez long - six mois pour l'Assemblée nationale et neuf mois pour le Sénat. Les parlementaires démissionnaires ne seraient pas remplacés puisqu'il n'est procédé à aucune élection partielle l'année précédant le renouvellement général, pour l'Assemblée nationale, ou partiel, pour le Sénat, d'une assemblée parlementaire.

Je rappelle que 256 députés sur 577, soit 44 % des membres de l'Assemblée nationale, et 165 sénateurs sur 348, soit 48 % des membres du Sénat, sont actuellement en situation de cumul des mandats et pourraient donc être conduits à démissionner sans pouvoir être remplacés, ce qui créerait, vous me l'accorderez, une grave situation de vacance.

Afin de ne pas déstabiliser les assemblées parlementaires tout en faisant entrer en vigueur ces règles au 1er janvier 2017, il aurait été nécessaire de modifier le code électoral pour élargir les cas donnant lieu au remplacement des parlementaires par leur suppléant. Or ces modifications des règles de remplacement n'ont pas été retenues par le Parlement au moment du vote de la loi.

Voilà pourquoi, monsieur le sénateur, nous ferons appliquer la loi après les mois de juin et de septembre 2017.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Je tiens tout d'abord à vous rassurer, madame la secrétaire d'État : je ne souhaite pas, contrairement à ce que vous faites semblant de croire - non sans humour -, la victoire de la gauche. Je la souhaite d'autant moins qu'il y a autant de cumulards à gauche qu'à droite ! Le problème des cumuls est équitablement réparti entre les groupes parlementaires des grands partis. Vous avez d'ailleurs précisé que vous étiez vous-même concernée.

L'argument que vous avez évoqué, selon lequel des élus seraient conduits à démissionner, ne tient pas. La question se posera en effet de la même façon au lendemain des élections législatives ou sénatoriales : des personnes démissionneront de leurs fonctions de maire, par exemple, ce qui pourra entraîner, ici ou là, des élections partielles.

Compte tenu des circonstances, une fois passée la promulgation d'une éventuelle loi, vous savez bien qu'il ne se passera plus grand-chose au Parlement à partir de février. C'est d'ailleurs déjà le cas : le Président de la République et le Gouvernement changeant d'avis d'un jour à l'autre, il ne se passe rien. Il ne serait donc pas gênant que tel ou tel député démissionne... On assiste ainsi régulièrement à des élections partielles. Mais, même si quelques parlementaires démissionnaient sans que se tiennent d'élections partielles puisque nous serions dans les quelques mois précédant les élections législatives, cela n'empêcherait pas le système de fonctionner.

Je vous rassure encore une fois, madame la secrétaire d'État : je n'espérais pas une autre réponse que celle que vous m'avez donnée. En effet, ceux qui comme moi ont suivi ce dossier ont pu constater qu'il y avait autant de cumulards féroces à gauche qu'à droite.

C'est même l'un des rares tours de force de l'actuel gouvernement, qui n'a pas fait grand-chose à part cela (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), que d'être parvenu à faire passer une disposition sur le cumul des mandats alors que sa propre majorité était plus ou moins « vent debout » contre. L'ancienne suppléante à l'Assemblée nationale de M. Hollande était ainsi à la pointe du combat pour défendre les cumuls.

Je considère pour ma part qu'il s'agit d'une bonne réforme, mais, je vous le dis incidemment, j'aurais préféré qu'elle soit d'application immédiate.

M. le président. Mon cher collègue, au cours de ma longue vie parlementaire, je n'ai jamais vu qu'un mandat soit réduit. Qu'il soit prolongé, oui, mais qu'on l'ampute, jamais ! Je pense au cas d'un certain nombre de sénateurs élus en 2014 qui tomberaient sous le coup de ces dispositions si elles s'appliquaient dès maintenant. Il faut y réfléchir...

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