Question de M. LE SCOUARNEC Michel (Morbihan - Communiste républicain et citoyen) publiée le 17/03/2016

M. Michel Le Scouarnec attire l'attention de Mme la ministre du logement et de l'habitat durable sur les difficultés rencontrées localement pour renforcer l'urbanisation des hameaux, au regard de l'application des lois n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové et n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.

Le point le plus contesté est de loin celui des « dents creuses » situées dans les hameaux. L'interdiction, faite par la loi du 24 mars 2014, de construire en dehors de l'enveloppe urbaine des villes centres, ou des bourgs, fragilise fortement le développement équilibré de nos territoires. De plus, l'application stricte des lois du 24 mars 2014 et du 3 janvier 1986 est souvent mal perçue par les administrés dont certains voient leur parcelle, auparavant constructible, ne plus l'être.

Ces situations provoquent de l'incompréhension et de la détresse, à la fois morale et matérielle. L'inconstructibilité des « dents creuses » apparaît alors contraire aux objectifs portés par ces deux lois, d'une densification respectueuse des équilibres sociaux et écologiques, notamment de la préservation des terres agricoles. Permettre aux « dents creuses » des hameaux de devenir constructibles, tout en poursuivant les efforts de réduction de la taille des parcelles, permettrait de densifier et de préserver les paysages. Cela irait dans le sens de la loi du 24 mars 2014 et serait compatible avec la loi du 3 janvier 1986. Au-delà de fournir une réponse juste aux nombreux élus et citoyens concernés, cette mesure aurait plusieurs conséquences positives : soutien au secteur de la construction et aux emplois liés ; possibilité de produire des logements sociaux en dehors des centres-villes pour une meilleure mixité sociale ; réduction du recours aux lotissements grands consommateurs de terres agricoles.

Nul ne conteste le bien-fondé et la nécessité des dispositions des deux lois précitées. Toutefois, il lui demande quelles sont les mesures envisagées pour aménager leurs dispositions en cohérence avec la réalité des territoires.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 22/06/2016

Réponse apportée en séance publique le 21/06/2016

M. Michel Le Scouarnec. Le littoral breton, en particulier morbihannais, représente un atout indéniable en termes d'attractivité et de possibilités de développement. Toutefois, les difficultés relatives à l'application des nouvelles dispositions en matière d'urbanisme dans les hameaux et les villages sont très importantes pour ce territoire. Les secteurs ruraux de centre Bretagne sont tous concernés, alors même que la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral, ne s'y applique pas. C'est dire l'importance de cette question ; je souhaite qu'une réponse précise y soit apportée, et surtout qu'une évolution concrète de la législation intervienne rapidement.

Je suis convaincu de la nécessité de préserver les terres agricoles. Mon intention n'est pas de remettre en cause les dispositions des lois SRU, ALUR ou Littoral dont l'objet commun est de lutter contre l'étalement urbain et l'artificialisation de ces terres. Cependant, cet empilement de textes aux dispositions parfois contradictoires est venu complexifier fortement l'urbanisation des « dents creuses » dans les hameaux. L'interdiction de construire dans ces espaces posée par la loi ALUR fragilise fortement le développement équilibré de nos territoires. Dans nos communes rurales, les hameaux et les constructions isolées constituent des formes d'urbanisation prégnantes.

En outre, l'application stricte des lois ALUR et Littoral est souvent mal perçue et incomprise par les administrés, dont certains voient leur parcelle, auparavant constructible, ne plus l'être. Ces situations provoquent de la détresse, à la fois morale et matérielle.

Permettre que les « dents creuses » des hameaux deviennent ou redeviennent constructibles, tout en poursuivant les efforts de réduction de la taille des parcelles, favoriserait la densification des espaces et la préservation des paysages. Cela serait conforme à l'esprit de la loi ALUR et compatible avec la loi Littoral. Outre qu'elle fournirait une réponse pertinente aux problèmes rencontrés par les nombreux élus et citoyens concernés, cette mesure permettrait de renforcer l'attractivité de nos territoires par le développement d'une offre de logements répondant aux attentes des habitants recentrée sur des centres-bourgs disposant d'un minimum de services publics.

Mme Pinel, alors ministre du logement, avait reconnu la nécessité de renforcer l'accompagnement des collectivités et des citoyens dans l'appropriation des possibilités réglementaires en la matière. Cela est bien, mais quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour mettre la législation en cohérence avec la réalité des territoires ? Pouvoir construire dans les « dents creuses » est une question de survie et de dynamisme pour les territoires ruraux.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur Le Scouarnec, vous interrogez la ministre du logement et de l'habitat durable sur les difficultés rencontrées localement pour renforcer l'urbanisation des hameaux, compte tenu de l'application conjointe de la loi ALUR et de la loi Littoral. Il s'agit là d'une conséquence indirecte du durcissement de l'institution des secteurs de taille et de capacité limitée, les STECAL.

Permettez-moi, tout d'abord, de rappeler quelques éléments de contexte. Afin d'éviter certaines dérives, il a été décidé, par la loi ALUR, de restreindre le recours aux secteurs de taille et de capacité limitée, en précisant que ce dernier devait rester exceptionnel.

Les PLU approuvés avant la promulgation de la loi ALUR et encore en vigueur contiennent cependant de tels secteurs définis selon le droit antérieur, à savoir de manière moins stricte que ne le prévoit dorénavant ladite loi.

Ces secteurs de taille et de capacité limitée ont permis de classer comme constructibles certains terrains, dits en « dents creuses ». Ces PLU sont cependant, aujourd'hui, appelés à évoluer, en vertu des obligations de mise en conformité avec la loi ALUR, mais également de la profonde refonte de la carte intercommunale. C'est la raison pour laquelle cette situation n'apparaît qu'aujourd'hui.

Cette règle n'est bien entendu pas spécifique aux territoires littoraux, mais, dans ces territoires, elle vient s'ajouter à celles de la loi Littoral. Par ailleurs, dans le Morbihan, l'habitat traditionnel est dispersé, avec un ensemble de terrains classés constructibles en diffus. Cette particularité rend la problématique plus sensible encore.

Toutefois, des solutions existent dans le droit actuel. Il faut les utiliser. C'est pourquoi la ministre du logement a demandé à ses services de travailler spécifiquement sur ces territoires, pour accompagner les élus dans leur appropriation des nouveaux outils. Ce travail s'inscrira dans le cadre du réseau « littoral et urbanisme », animé par le ministère du logement, dont la vocation est précisément de mieux décliner les principes de la loi Littoral, et plus généralement des règles d'urbanisme, en fonction des spécificités de chaque territoire.

Une question essentielle, que vous avez soulevée, monsieur le sénateur, concerne la définition des hameaux. Dans ces derniers, définis comme des regroupements structurés de constructions en nombre limité destinées principalement à l'habitation, isolés et distincts du bourg ou du village, il est possible, de manière exceptionnelle, de délimiter des secteurs de taille et de capacité limitée qui autoriseront le comblement des « dents creuses » dans les PLU en cours de révision.

La ministre du logement est donc sensible aux difficultés rencontrées par les élus dans cette phase de transition des documents d'urbanisme, mais c'est bien par le biais d'une meilleure déclinaison des principes des lois ALUR et Littoral dans les documents d'urbanisme que seront sécurisées les autorisations de construire et évitée la frustration, voire la colère, compréhensible, de certains de nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Je prends bonne note de votre réponse, madame la ministre, mais je ne suis pas convaincu qu'elle éclairera l'ensemble des maires et des acteurs locaux. Je n'y vois d'ailleurs moi-même pas très clair...

Les STECAL méritent d'être mieux définis. C'est en associant les élus et les citoyens à la réflexion pour démêler les fils de cette situation législative bien complexe.

Les juges ne prennent pas nécessairement en compte les circulaires et recommandations ministérielles : ils appliquent la loi. Peut-être faut-il modifier celle-ci, ou du moins en préciser par décret les modalités d'application. La circulaire Perben de 2006, hélas, n'a pas été reconnue par les juges.

Construire dans les « dents creuses » permettrait de réduire le coût du foncier, notamment sur le littoral, soumis à une pression foncière exceptionnelle, et de mieux répartir l'urbanisation, plutôt que de consommer des terres agricoles pour créer des lotissements géants : ce sont parfois des dizaines d'hectares qui sont ainsi mobilisés en périphérie des villes.

En ce qui concerne les STECAL, nous attendons des précisions. Mme Pinel avait elle-même reconnu que la législation, sur ce point, était susceptible d'interprétations diverses. Tel ne doit pas être le cas : la loi doit être la même pour tous !

Quant aux propriétaires des terres concernées, ils se sentent légitimement spoliés. Dans le Morbihan, de nombreuses associations ont été créées : les gens se réunissent pour se défendre et attendent, en la matière, une évolution de la législation.

Nous sommes nombreux à penser que l'inconstructibilité des « dents creuses » n'est pas conforme à l'objectif de densification et d'économies de terrains. L'évolution demandée serait également un moyen de soutenir le secteur de la construction, et ainsi de créer des emplois.

J'espère, madame la ministre, qu'une rencontre sera bientôt organisée sur ce sujet, comme me l'avait promis Mme Cosse.

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