Question de M. KARAM Antoine (Guyane - Socialiste et républicain) publiée le 14/04/2016

M. Antoine Karam interroge M. le ministre de la défense sur le bilan de l'opération « Harpie » et le renforcement de la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane.

A 7 000 km de l'« hexagone », les forces armées en Guyane garantissent la protection du territoire national et animent la coopération régionale.

La Guyane représente des enjeux uniques, pour la France et l'Europe, dans le domaine spatial, géostratégique mais aussi environnemental avec la lutte contre la pêche illégale et l'orpaillage clandestin.

Sur ce dernier point, en Guyane, c'est-à-dire sur un territoire grand comme l'Autriche, plus de 10 000 « garimperos » venant du Brésil ou du Surinam, extraient, chaque année, environ neuf tonnes d'or.

Déforestation, destruction des biotopes, pollution des cours d'eau, accumulation du mercure mais aussi violences et trafics en toute genre : les conséquences sur l'environnement et la population sont désastreuses.

C'est pourquoi, les forces de gendarmerie et les forces armées en Guyane mènent, depuis 2008, avec la mission « Harpie », une lutte acharnée contre l'orpaillage illégal.

Le Gouvernement a récemment remis un rapport au Parlement sur les conditions d'emploi des armées.

Le bilan présenté sur l'opération « Harpie » est encourageant. Environ 60 % de baisse des sites d'orpaillages illégaux sur l'ensemble de la Guyane entre l'été 2014 et la fin 2016 : cela démontre bien les efforts colossaux déployés sur le terrain par les forces armées. Néanmoins, il faut admettre que celles-ci peinent encore à limiter de manière significative l'orpaillage. Sites réinvestis après destruction, développement de modes opératoires plus mobiles, orpailleurs clandestins souvent mineurs : l'ennemi est adaptable et résilient.

Dans un tel contexte, la mission « Harpie » mobilise d'importants besoins humains. En raison du déclenchement de l'opération « Sentinelle », le souhait de renforts supplémentaires exprimé par les forces armées en Guyane n'a pu être honoré.

Face au caractère exceptionnel de la situation, le maintien à périmètre constant des effectifs consacrés à la mission « Harpie » est une bonne chose. Il est toutefois indispensable de travailler à d'autres solutions qui permettent de conserver l'efficacité de cette opération. Renforcer les mesures judiciaires ou développer la traçabilité de l'or sont des pistes souvent évoquées pour lutter contre l'orpaillage illégal. Mais s'il en est une essentielle, c'est l'amélioration de la coopération avec les forces brésiliennes et surinamiennes.

En effet, comme le précise le rapport, des opérations conjointes ont été menées avec succès en 2015 avec le Brésil et se poursuivront en 2016. Tandis que, le long du fleuve Maroni, seules quelques patrouilles militaires fluviales sont réalisées avec le Surinam.

Les difficultés politiques du Surinam n'ont pas encore permis de travailler comme il serait souhaitable cette coopération. Toutefois, au regard des besoins exprimés par nos forces armées sur le terrain, il lui demande s'il n'est pas temps d'accélérer le processus et quelles sont les perspectives de coopération avec le Surinam à moyen terme.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des finances et des comptes publics, chargé du budget publiée le 20/07/2016

Réponse apportée en séance publique le 19/07/2016

M. Jacques Cornano. En Guyane, à 7 000 kilomètres de l'Hexagone, les forces armées garantissent la protection du territoire national et animent la coopération régionale dans la lutte contre l'orpaillage illégal.

Rappelons l'ampleur du phénomène : en Guyane, sur un territoire grand comme l'Autriche, plus de 10 000 garimpeiros venant du Brésil ou du Surinam extraient, chaque année, environ neuf tonnes d'or.

Déforestation, destruction des biotopes, pollution des cours d'eau, accumulation du mercure, mais aussi violences et trafics en tout genre : les conséquences sur l'environnement et la population sont désastreuses.

C'est pourquoi les forces de gendarmerie et les forces armées en Guyane mènent depuis 2008, avec la mission Harpie, une lutte acharnée contre l'orpaillage illégal.

Il y a quelques mois, le Gouvernement a remis au Parlement un rapport sur les conditions d'emploi des armées. Le bilan de l'opération Harpie et les derniers chiffres sont encourageants, puisque le nombre de sites d'orpaillage illégaux est en recul de 67 % sur l'ensemble de la Guyane par apport à 2014. Cela témoigne des efforts colossaux déployés sur le terrain par nos forces armées. Néanmoins, il faut admettre que nous peinons encore à limiter l'orpaillage de manière significative : certains sites sont réinvestis après destruction, des modes opératoires plus mobiles se développent et les orpailleurs clandestins sont souvent des mineurs.

Dans un tel contexte, la mission Harpie mobilise d'importants moyens humains. En raison du déclenchement de l'opération Sentinelle, le souhait de renforts supplémentaires exprimé par les forces armées en Guyane n'a pu être exaucé.

Renforcer les mesures judiciaires ou développer la traçabilité de l'or sont des pistes souvent évoquées pour lutter contre l'orpaillage illégal, mais s'il en est une essentielle, c'est l'amélioration de la coopération avec les forces brésiliennes et surinamiennes.

Nous le savons, les difficultés politiques que connaît le Surinam ne nous ont pas encore permis de travailler à cette coopération comme nous le souhaitons. Toutefois, au regard des besoins exprimés par nos forces armées sur le terrain, n'est-il pas temps d'accélérer le processus ? Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous me préciser quelles sont les perspectives de coopération avec le Surinam à moyen terme ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Jean-Yves Le Drian, retenu par différentes obligations.

Vous attirez notre attention sur l'opération Harpie. Cette opération interministérielle, à bien des égards inédite, est un modèle de coopération entre différents services de l'État. Menée sous la double autorité du préfet de Guyane et du procureur de la République, elle est à la fois militaire et de police administrative et judiciaire. Elle fédère l'intervention conjointe et quotidienne de plus d'une centaine de gendarmes, d'environ trois cent cinquante militaires des forces armées en Guyane, de près d'une dizaine d'hélicoptères et enfin de toutes nos administrations présentes dans cette collectivité, tout cela en étroite collaboration avec le parc amazonien de Guyane.

Quelle est notre action précise ? Il s'agit de lutter contre les dégâts économiques, sociaux et environnementaux que vous avez évoqués. À cette fin, nous déployons nos forces, au premier rang desquelles les armées.

La forte mobilisation des acteurs et une coordination exemplaire entre les services ont permis d'accroître très sensiblement nos succès, depuis deux ans en particulier. Vous avez cité la baisse de 60 % du nombre de sites illégaux. Je la relie au nombre de patrouilles, augmenté de 50 % entre 2014 et 2015. Quant à la valeur des saisies, elle est passée de 11 millions à 16 millions d'euros, soit une augmentation de 47 %. Enfin, le manque à gagner est estimé à quatre tonnes d'or, soit une baisse de 63 % de la production illégale. J'ajoute qu'une opération de cinq mois a permis de saisir plus d'une tonne d'or.

Il est ainsi possible de parler d'une désorganisation sociale, d'une dévitalisation des garimpeiros et d'un affaiblissement général de l'orpaillage illégal en Guyane.

Il nous faut poursuivre notre action sur quatre plans : en consolidant la judiciarisation des opérations militaires sur le terrain ; en réoccupant l'espace reconquis sur les garimpeiros par des activités légales, par exemple grâce à des projets industriels sur des gisements estimés à plus de 140 tonnes d'or ; en poursuivant une réflexion sur les modalités de l'opération Harpie ; enfin, en travaillant au développement de la coopération internationale que vous appelez de vos vœux.

Sur ce dernier point, le développement récent de notre coopération militaire et judiciaire avec le Brésil prend un tournant beaucoup plus opérationnel. Des patrouilles conjointes sont régulièrement conduites sur les fleuves frontaliers par nos forces armées et leur fréquence va encore s'intensifier.

Après huit années, l'opération Harpie affiche un bilan incontestable. Dans un cadre interministériel, nos forces armées obtiennent d'excellents résultats opérationnels. Ces succès permettent d'asseoir la souveraineté de l'État dans une collectivité dont les enjeux pour notre pays ne sont plus à démontrer ; j'ai d'ailleurs pu le vérifier sur place il y a à peu près un an.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse. Je pense que mon collègue Antoine Karam, qui a souhaité attirer votre attention sur l'orpaillage illégal et la nécessité d'une coopération avec le Surinam, y sera très sensible.

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