Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 21/04/2016

M. Roger Karoutchi interroge M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes sur les négociations relatives à un projet de directive émanant de la Commission européenne et qui concernerait la transparence fiscale et comptable des grandes entreprises ayant des filiales avec des activités dans les pays membres de l'Union européenne et générant un chiffre d'affaires de plusieurs centaines de milliers d'euros. Alors que la presse dénonce très régulièrement les profits « cachés » de grands groupes internationaux ayant des activités au sein de l'Union européenne, un tel projet de directive ne peut que répondre aux préoccupations légitimes exprimées par les Français et leurs représentants. L'objectif affiché par les instances européennes serait de rendre obligatoire, pour les entreprises, le fait de publier, pays par pays et de manière publique, le montant du chiffre d'affaire, leurs bénéfices et les impôts payés dans les pays européens. Il relève que ce projet de directive a été bien évidemment modifié à la lumière du scandale des « Panama papers » et souhaite connaître la position du Gouvernement français, d'une part, quant à ce projet de directive stricto sensu et, d'autre part, des observations éventuellement émises par les autorités françaises aux services de la Commission européenne.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes publiée le 02/06/2016

Le 12 avril 2016, la Commission européenne a présenté une proposition de révision de la directive 2013/34/UE (dite « directive comptable ») visant à introduire dans le droit de l'Union européenne un système de déclaration pays par pays publique (« country by country reporting – CBCR ») pour les entreprises. Ce dispositif a vocation à compléter le CBCR fiscal à travers la révision de la directive relative à la coopération entre administrations fiscales (dite « directive DAC4 »). Le CBCR public vise à faire obligation aux entreprises de publier sur leur site Internet, outre leurs comptes publics, les informations suivantes : brève description de la nature des activités, nombre de personnes employées, chiffre d'affaires net, y compris le chiffre d'affaires réalisé avec des parties liées, bénéfices ou pertes réalisés avant impôts, impôts sur les bénéfices acquittés, impôts sur les bénéfices dus. L'objectif est de permettre, à terme, une comparaison des données sur au moins cinq années consécutives. Cependant, toutes les entreprises ne sont pas concernées. La proposition de directive retient en effet comme critère d'application les entreprises réalisant un chiffre d'affaires consolidé d'au moins 750 millions d'euros par an et qui exercent des activités dans l'Union européenne par l'intermédiaire d'au moins un établissement. Le dispositif concerne donc aussi bien les entités européennes que celles relevant d'États tiers. Par ailleurs, l'obligation de déclaration s'appliquera également aux filiales ou succursales de groupes multinationaux légalement établis en-dehors de l'Union européenne. La Commission européenne estime qu'environ 6 000 entreprises devraient être visées. L'affaire des « Panama papers » a également contribué à inciter la Commission européenne à introduire de nouvelles obligations : les entreprises devront fournir des explications en cas de discordances importantes au niveau du groupe entre les montants d'impôts dus et les montants d'impôts payés, compte tenu des montants correspondants pour les exercices précédents. Enfin, afin de garantir l'efficacité du dispositif, la proposition de la Commission prévoit que les membres des organes d'administration, de direction et de surveillance des sociétés effectuant les déclarations en seront collectivement responsables. Un contrôle légal (par exemple, un commissaire aux comptes dans le pays où la certification des comptes des entreprises est obligatoire) devra par ailleurs s'assurer de la bonne publication du CBCR. En cas de non-respect des obligations de déclaration, les États membres pourront fixer des sanctions en droit interne en vertu des dispositions générales de l'article 51 de la directive comptable. Les autorités françaises soutiennent ces propositions qui sont de nature à contribuer au renforcement de la transparence sur les pratiques fiscales des entreprises. L'introduction d'un régime de transparence fiscale public des entreprises est en effet un impératif d'équité entre les entreprises susceptible de générer des bénéfices économiques pour la société, à un coût modéré. Dans les négociations entre les États membres, la France recherchera des améliorations ponctuelles afin notamment d'assurer la comparabilité des informations diffusées dans l'Union européenne et de veiller au maintien de conditions de concurrence équitables vis-à-vis des entreprises issues de pays tiers non soumises à une obligation de reporting comparable, tout en limitant la charge administrative induite pour les entreprises.

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