Question de M. DELCROS Bernard (Cantal - UDI-UC) publiée le 23/06/2016

M. Bernard Delcros attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales sur les difficultés financières rencontrées par les collectivités des territoires ruraux pour élaborer les schémas de cohérence territoriale (SCoT) dans le cadre de la généralisation, au 1er janvier 2017, de la règle de « constructibilité limitée » à l'ensemble des communes n'étant pas dotées d'un SCoT opposable, en application de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme.

Instituée par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État dans le but de limiter l'étalement urbain et son impact sur l'environnement, la règle de constructibilité limitée a, par étapes successives, été renforcée dans deux directions : extension de son champ d'application et limitation des possibilités de dérogation.

À compter du 1er janvier 2017, cette règle s'appliquera à toutes les communes non couvertes par un SCoT opposable qui souhaiteraient ouvrir à urbanisation de nouveaux secteurs à l'occasion de l'élaboration ou d'une procédure d'évolution d'un document d'urbanisme.

Désormais, tous les territoires doivent donc s'engager dans l'élaboration d'un SCoT. Or, l'élaboration du SCOT engendre des dépenses importantes et des charges fixes qui pénalisent les territoires ruraux à faible densité de population.

Si les dispositifs spécifiques du soutien financier de l'État en direction des territoires ruraux mis en place dès 2010 se sont avérés pertinents et utiles, ce n'est plus le cas aujourd'hui.

En effet, depuis 2015, le soutien pour les « SCOT ruraux » a été dilué dans des appels à projets nationaux à enveloppe constante et la date butoir du 1er janvier 2017 entraîne une multiplication de candidatures (seulement 32 % du territoire était couvert par des SCoT au 1er janvier 2015).

Ainsi, l'aide proportionnelle à la superficie, hier d'un montant d'un euro par hectare est désormais dépendante du nombre de candidatures au niveau national et du poids démographique des territoires concernés. La bonification envisagée pour les territoires ruraux ne vient pas compenser la diminution de l'aide globale.

Il découle de l'ensemble de ces éléments une perte de visibilité qui fragilise une prise de décision engageant des montants financiers très importants, dans un contexte de diminution des dotations de l'État aux collectivités locales.

C'est pourquoi, dans l'optique de la généralisation de la règle de constructibilité limitée, il lui demande si le Gouvernement a prévu : d'une part, la mise en place d'un dispositif de soutien financier spécifique aux territoires ruraux, sur le modèle de l'aide proportionnelle à la superficie, dotée d'un montant fixe permettant de disposer d'éléments financiers clairs et propices à une prise de décision engageant lourdement les finances des collectivités concernées ; d'autre part, afin de ne pas pénaliser les territoires ruraux dans leurs capacités d'urbanisation dans un délai si court alors qu'ils ne sont pas en mesure d'avancer sur leur SCOT par manque de moyens, d'envisager de repousser au 1er janvier 2018 la généralisation de la règle d'urbanisation limitée dès lors que la procédure d'élaboration du SCOT est engagée avant le 31 décembre 2016.

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Transmise au Ministère du logement et de l'habitat durable


Réponse du Ministère du logement et de l'habitat durable publiée le 20/07/2016

Réponse apportée en séance publique le 19/07/2016

M. Bernard Delcros. Madame la ministre, je souhaite vous alerter sur les difficultés que rencontrent actuellement un certain nombre de territoires ruraux pour mettre en place leurs schémas de cohérence territoriale, ou SCOT.

Il ne s'agit pas de remettre en cause l'intérêt des SCOT, qui répondent parfaitement au besoin des territoires de s'inscrire dans une vision prospective de développement, en se dotant d'outils d'orientation et de planification.

Cependant, la date du 1er janvier 2017 retenue pour l'application de la règle de la constructibilité limitée aux territoires non couverts par un SCOT opposable ne me paraît pas du tout adaptée à la situation actuelle et pourrait mettre en difficulté ces territoires ruraux.

En effet, deux évolutions sont venues modifier la donne.

En premier lieu, les projets de fusion des intercommunalités issus de la loi NOTRe font apparaître de nouveaux périmètres et de nouveaux enjeux territoriaux, que les SCOT devront prendre en compte.

En second lieu, le dispositif de soutien financier mis en place par l'État en 2010, qui tenait compte de la spécificité des territoires de montagne et donnait de la lisibilité aux élus locaux grâce à une aide forfaitaire fixe de 1 euro par hectare, a été supprimé et dilué dans un appel à projets national.

Dans ces conditions, maintenir l'application de la règle de la constructibilité limitée au 1er janvier 2017 pour des territoires de montagne actuellement en pleine réorganisation territoriale et de surcroît sans visibilité sur le financement de leurs SCOT pénaliserait fortement ceux-ci.

C'est pourquoi je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir m'indiquer, d'une part, si le Gouvernement envisage, pour le financement des SCOT, un dispositif de soutien adapté aux territoires de montagne, et, d'autre part, s'il accepterait de différer au 1er janvier 2018 la généralisation de la règle de la constructibilité limitée pour tenir compte de la réorganisation territoriale et du retard pris en matière de financement des SCOT ruraux, dès lors, bien entendu, que les territoires concernés se seraient engagés dans l'élaboration d'un SCOT avant le 31 décembre 2016.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du logement et de l'habitat durable.

 

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. Monsieur le sénateur, la loi SRU a introduit les SCOT il y a plus de seize ans pour favoriser un aménagement durable et cohérent des territoires.

Dès l'origine, l'incitation à mettre en œuvre de tels schémas a été liée au contrôle des possibilités nouvelles d'urbanisation. Le principe retenu a été celui d'une urbanisation limitée en l'absence de SCOT : une commune ou une communauté ne peut donc pas étendre son urbanisation si elle n'est pas couverte par un SCOT, sauf à obtenir une dérogation.

En 2010, la loi portant engagement national pour l'environnement a étendu ce principe à l'ensemble du territoire national. Jusqu'alors, son application était limitée aux communes du littoral, ainsi qu'aux communes appartenant à des agglomérations de plus de 15 000 habitants et à leurs périphéries. Comme vous l'avez rappelé, l'entrée en vigueur de cette généralisation a alors été fixée au 1er janvier 2017, ce qui laissait le temps nécessaire à l'élaboration des SCOT.

Il convient de rappeler que l'absence de SCOT approuvé à cette date n'entraînera ni sanction ni insécurité juridique, mais seulement un contrôle renforcé du préfet sur les ouvertures à l'urbanisation.

L'élaboration d'un SCOT constitue certes un investissement financier, mais c'est également un investissement pour l'avenir du territoire, car le SCOT permet de construire une vision partagée du développement de celui-ci et de mettre en cohérence les différentes actions des collectivités territoriales. Le SCOT rend le territoire visible et audible dans ses échanges avec l'État et les autres collectivités locales, notamment la région. C'est enfin un atout précieux au regard des enjeux de planification du territoire, en particulier dans le cadre de l'élaboration du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, le SRADDET.

Pour aider les collectivités à élaborer des SCOT, le Gouvernement a mis en place depuis 2010 des appels à projets annuels permettant d'abonder, pour les territoires ruraux, la DGD « document d'urbanisme » attribuée à tous les établissements publics porteurs de SCOT. L'effort financier de l'État n'a pas diminué : ainsi, ce sont plus de 3 millions d'euros qui seront distribués cette année. En outre, en 2016, 75 % des vingt-huit nouvelles élaborations de SCOT financées concernent des communes rurales, ce qui contribue à améliorer le taux de couverture du territoire par les SCOT.

Aujourd'hui, 73 % des communes ont engagé une démarche d'élaboration d'un SCOT. L'État va continuer à soutenir leurs efforts, comme je m'y suis engagé lors de la dernière assemblée générale de la Fédération nationale des SCOT.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne souhaite pas différer la date butoir pour l'entrée en vigueur de la généralisation de la règle de constructibilité limitée. Cependant, il continuera à aider l'ensemble des territoires dans leurs démarches d'élaboration d'un SCOT.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros.

M. Bernard Delcros. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, même si elle ne me donne que partiellement satisfaction.

La question du financement est extrêmement importante. Finalement, l'enjeu, pour les territoires de montagne, à l'instar de mon département du Cantal, est de parvenir à gérer de très grands espaces à faible densité de population, avec des coûts par habitant plus élevés qu'ailleurs. Tenir compte de cette réalité relève de la simple équité et d'un bon aménagement du territoire.

Par ailleurs, je ne peux que regretter le maintien de la date butoir du 1er janvier 2017, car cela aboutira à figer l'urbanisation de territoires dont la démographie continue de chuter et qui ont absolument besoin de saisir les rares occasions de développement et de projets de construction s'offrant à eux. On veut appliquer partout la même règle de manière uniforme, alors que la mise en œuvre de politiques différenciées selon les territoires serait de bon sens et permettrait de tenir compte de la réalité du terrain.

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